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Kazakhstan : La révolution menace la mafia au pouvoir.




Début janvier, les classes populaires du Kazakhstan se sont révoltées contre leurs oppresseurs. À ce soulèvement, écrasé par le dictateur Tokaïev et son allié russe, succède aujourd’hui la répression et les manœuvres de palais. Retour sur ces jours sanglants qui ont inauguré l’année 2022.

Au Kazakhstan, du jour au lendemain, le prix du GPL a doublé, de 60 à 120 tenge. Conséquence de la décision du président de mettre un terme aux prix subventionnés sur les hydrocarbures et de « laisser le marché fixer les prix ». Comme en Iran, en Équateur ou même en France, la hausse des prix des carburants a provoqué la colère des classes populaires. En trois jours, le pays s’est embrasé comme jamais.

Le 2 janvier, quelques travailleurs occupent un rond-point près du gouvernorat local de Janaozen et diffusent leurs revendications en vidéo sur les réseaux sociaux. Le lendemain, la grève gagne les industries stratégiques (hydrocarbures notamment) de toute la région.

Il s’agit des secteurs professionnels les plus revendicatifs et les mieux structurés du pays. La mémoire des grévistes de Janaozen assassinées en 2011 y est très vivace et s’est déjà exprimée dans les grèves qu’a connues la région, notamment depuis 2019.

Les revendications sont avant tout sociales : abaissement de l’âge de la retraite, augmentation des salaires, droits syndicaux... Mais la contestation est aussi politique, comme en témoigne le slogan-phare de ce soulèvement  : Shal ket ! (Le vieux, dégage  !) [1]. L’État et le patronat tentent au début d’éteindre le feu en répondant partiellement aux revendications. Mais rien n’y fait. Dans la nuit du 4 au 5 janvier, le soulèvement gagne Almaty, la capitale. Entre couches urbaines plus éduquées et jeunes marginalisées, la foule est très hétéroclite.

Certains s’adonnent au pillage et au saccage. D’autres, avec le soutien d’une partie des forces de sécurité ralliée au mouvement, occupent des bâtiments stratégiques : mairie, ministère de la Défense, résidence présidentielle, aéroport, etc.

Radicalisation de la contestation

C’en est trop pour Tokaïev. Il instaure un couvre-feu, déclare l’état d’urgence, coupe toutes les communications Internet et ordonne de tirer sans sommation. Enfin, il en appelle aux États membres de l’OTSC [2] pour mater la révolte.

Alors que l’organisation n’avait pas bougé d’un cil lors du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la bourgeoisie russe et les autres n’hésitent pas à intervenir. Signifiant ainsi aux yeux du monde qu’elles ne craignent pas tant la guerre que la révolution.

La répression est sans pitié  : 10 000 arrestations, au moins 225 morts, un usage massif de la torture et des peines de prison qui s’accumulent. L’État resserre son étau sur les médias, les milieux militants et la classe ouvrière. Tokaïev renforce désormais sa position au sommet de l’État kazakhstanais en écartant le clan de l’ancien dictateur Nazarbaïev.

De son côté, Poutine assure sa mainmise sur ce voisin au sous-sol généreux, tandis qu’il masse ses troupes à la frontière ukrainienne. Si leur victoire semble écrasante, la rapidité et la puissance de ce soulèvement n’ont pas fini de hanter les nuits des autocrates de la région. Sous les cendres d’une révolution avortée dans le sang, la braise peut couver longtemps.

Gio (UCL Sarthe)

[1Slogan qui fait référence à Noursoultan Nazarbaïev, autocrate et premier président du Kazakhstan après le démantèlement de l’URSS.

[2Organisation du traité de sécurité collective, sous influence russe.

 
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