Constitution européenne

L’Europe, nouvelle utopie sociale-démocrate ?




Dire NON à la Constitution, c’est bien. Dire pourquoi (et pour quoi) on dit NON, c’est mieux. Et, c’est même indispensable pour clarifier le discours de bon nombre de collectifs unitaires. Petit commentaire critique.

La Constitution européenne soumise au référendum est un chapelet de dogmes ultralibéraux, qui reflète bien la nature profonde de l’Union européenne. À ce titre nous la combattons, et espérons bien que le « non » l’emportera, malgré la sainte alliance Medef-CFDT-PS-UMP qui milite pour son avènement, et malgré le pilonnage des médias pour diaboliser les opposant(e)s à ce texte.

Pour autant, il faudrait être myope pour y voir une bataille décisive contre l’ultralibéralisme. En effet, quelle que soit l’issue du référendum, l’UE poursuivra son entreprise de démolition sociale, avec ou sans cette Constitution. Aujourd’hui comme demain, ce sont bien les luttes sociales et elles seules qui sont en mesure de s’y opposer réellement. Si le « non » l’emporte, il s’agira avant tout d’une victoire idéologique, et c’est pourquoi ce qui est primordial, au-delà du résultat du référendum, c’est la façon de faire campagne, et le contenu de notre expression. Il faut nettement affirmer un « non » social et de classe face au « non » souverainiste.

Anticapitalisme ou illusions sociales-démocrates ?

Alternative libertaire est impliquée dans des collectifs unitaires pour le « non » (où l’on retrouve bon nombre de militant(e)s d’extrême gauche, communistes, syndicalistes...), dans la mesure où seule l’unité, partout où elle est possible, nous donnera les forces nécessaires pour être à la hauteur de l’enjeu. Cependant, si AL est engagée sans réserve dans la démarche unitaire, ce n’est pas sans, souvent, grincer des dents quant à la tonalité du discours qu’on peut entendre dans les collectifs unitaires, souvent guère éloignés de l’Appel des 200 (dit aussi Appel Copernic).

Disons-le sans détour : la plupart des collectifs pâtissent d’un véritable déficit de clairvoyance sur la nature de l’Union européenne, et donc sur la nature du combat à mener. Les invocations répétées à « construire une autre Europe », pourquoi pas avec une véritable « assemblée constituante » parce que « nous avons besoin d’Europe » témoignent de la naissance d’une nouvelle utopie réformiste assez inquiétante.

Alors qu’il n’y a désormais plus un(e) militant(e) sensé(e) pour croire qu’un gouvernement de gauche va changer la société, tous les espoirs semblent permis avec cette entité spongieuse que serait « l’Europe » ! Le projet social-démocrate, abandonné depuis belle lurette dans le cadre de la République hexagonale, est transposé - sans forcément penser à mal - sur l’Union européenne ! Et l’on va avec fébrilité bâtir des châteaux en Espagne : « Une Europe sociale elle ferait ci, une Europe solidaire elle ferait cela, une Europe écologiste elle serait ainsi ». Le PCF est au premier rang pour ce type de discours, allègrement suivi par les Alternatifs et la LCR, dont le projet de Manifeste actuellement en débat est, sur la question européenne, totalement marqué par cette vision sociale-démocrate.

Ni pro-Européens,ni anti-Européens : anticapitalistes !

Il n’y aura pas davantage « d’autre Europe » avec une Constitution différente, qu’il n’y aura « d’autre France » avec un gouvernement de gauche. Et militer pour le « non » ne signifie pas être pro-Européen, anti-Européen ou « alter-Européen »... mais seulement être pour la défense des intérêts des classes populaires.

Personne ne réussira le tour de magie de « réorienter la construction européenne » dans un sens « moins libéral » sans remettre en cause le pouvoir des capitalistes sur la sphère essentielle de l’activité humaine : l’économie. La seule « construction » qui compte est celle d’un mouvement social coordonné à l’échelle continentale, seul à même d’imposer une harmonisation par le haut des droits sociaux.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

  • Alternative libertaire, tout en étant engagée dans les collectifs unitaires, ne manquera pas de faire entendre sa voix, avec son propre matériel de campagne qui sera prochainement disponible sur commande.

Pour un mouvement social européen

Une victoire du « non » serait salutaire. Mais seule l’intervention directe des travailleur(se)s à l’échelle continentale permettra de contrecarrer les attaques libérales orchestrées par l’Union européenne. Cette prise de conscience progresse, même si on est encore très loin de ce qui est nécessaire. On peut citer les mobilisations contre les Sommets européens de Nice (décembre 2000), Bruxelles (décembre 2001) et Séville (juillet 2002) ou contre le Conseil européen de Barcelone (mars 2002). On peut aussi citer les « eurogrèves ». Même s’il s’agit pour l’instant d’un phénomène ponctuel et souvent symbolique, avec des débrayages ne dépassant pas 24 ou 48 heures, les eurogrèves montrent la voie, que ce soit celles de Renault contre la fermeture de Vilvorde (mars 1997), des routiers (juin 1997), des cheminots (1992, 1998 et 2003), de l’Energie (mai 1999), des aiguilleurs du ciel (juin 2002), d’Alcatel (novembre 2002) ou des ports et docks (mars 2003).

 
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