L’auto-organisation via Facebook : est-ce un mythe ?




Tunisie-Égypte : Si l’on considère les réseaux sociaux sur le web, il faut effectivement confirmer le rôle majeur qu’ils ont joué dans le sens d’une organisation autonome du mouvement, qui puisse se jouer un peu à l’écart des partis et mouvements politiques.

C’est-à-dire que les partis politiques semblent avoir investi internet moins activement que ne l’ont fait d’autres mouvements militants ou activistes (voir plus bas), et notamment une majorité d’associations de défense des droits de l’homme qui ont eu un rôle reconnu de catalyseur de la prise de conscience politique.

Ces groupes n’étaient pas institutionnels, il relevaient d’un mouvement social, dès lors leurs revendications traduisaient plus directement les aspirations de la population – ou d’une certaine catégorie - , qui s’y est d’autant mieux reconnue. L’auto-organisation est donc bien une dimension indéniable dans le processus des deux révolutions qui servent à présent de modèle à tous les mouvement des pays arabes, le web ainsi que toutes les autres « nouvelles technologies » nourrissant cette perspective, puisqu’elles permettent de déjouer le contrôle de l’Etat.

Si c’est aussi en favorisant les échanges d’information interindividuels qu’internet a contribué à l’émulation comme à la résistance des mouvements, l’efficacité d’une telle organisation ne saurait apparaître du jour au lendemain. L’exemple de l’Égypte montre que l’émergence des réseaux sociaux se fait dans un contexte de diversification plus large des médias et donc des expressions politiques. Il faut souligner ici l’importance ici d’un média de masse : la télévision (voir plus bas).

Chronologie et formes de la contestation en Égypte

Des mouvements intellectuels se sont faits jour qui ont progressivement ouvert l’espace public, malgré le verrouillage du système politique [1].

En 2005, Kifaya, ce mouvement des intellectuels opposés notamment à la succession héréditaire de Hosni Moubarak, marque la première manifestation non réprimée en 2005.

En 2008, sur Facebook, des jeunes se sont déclarés solidaires des ouvriers de Mahala (région de production du textile, où les ouvriers ont fait une grève larvée puis ont appelé à la fameuse grève générale le 6 avril 2005.

Janvier 2011 : Asmaa Mahfouz, 25 ans membre d’un groupe d’activistes égyptiens, poste sur son compte Facebook, le 18 janvier 2011, un message vidéo appelant les Égyptiens à manifester le 25 janvier. Cette vidéo est considérée comme l’une des sources de la révolution égyptienne.

Arrestation de Wael Ghanim, le représentant de Google au Proche-Orient qui va devenir le symbole de la résistance, et être désigné comme porte-parole officiel des jeunes.

Finalement, au bout de 15 jours passés aux services de sécurité, il est libéré. Deux heures après, il est invité d’un talk-show, et il s’effondre en pleurant en découvrant les photos des martyrs dont il n’avait pas entendu parler et en s’adressant à tous les parents des victimes pour leur dire que s’ils ont perdu un enfant, ce n’est pas sa faute, mais celle des personnes au pouvoir. Le lendemain, il y a encore deux fois plus de gens qui manifestent...

La généralisation du mouvement, Facebook et les médias

La clé, c’est la démonopolisation du champ médiatique. On parle beaucoup d’Al-Jazira. Mais en Égypte, il faut aussi et surtout parler des chaînes satellitaires basées au Caire, comme Dream 2, qui tous les soirs organisent des talk-shows.

Depuis 2006, tour à tour, les avocats, les médecins, les vétérinaires, les ouvriers, les habitants des quartiers populaires ont eu la même méthode : se réunir devant leur usine ou leur institution, écrire les revendications sur des panneaux, et appeler les journaux privés, Al Masri al Youm, El Chourouk ou Al Doustour. Le lendemain matin, c’est publié. Et le soir, ils sont invités à un talk-show où ils sont vus par des millions de personnes, ce qui donne des idées à d’autres.

Les émissions de télé ont commencé à filmer les conditions de vie. Ça a décloisonné la société. Dès 2009, Al-Jazira a d’ailleurs commencé à sérieusement s’inquiéter de la baisse de ses parts de marché en Égypte par rapport aux chaînes câblées locales.

Secrétariat international d’AL

[1Par Sarah Ben-Nefissa, chercheuse en sciences politiques pour l’IRD (Institut de recherche pour le développement). Elle étudie l’Égypte depuis une quinzaine d’années, particulièrement les associations de bienfaisance islamique, le vote et les partis politiques. Source : Mediapart - février 2011

 
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