Motion d’actualité

L’islamophobie, pierre angulaire du fascisme et de l’impérialisme




Réunie en Congrès à Grenoble, l’Union Communiste Libertaire rappelle, dans cette motion d’actualité adoptée à l’unanimité, que l’islamophobie est la pierre angulaire du fascisme et de l’impérialisme.

Le 21 mai dernier, la parution d’un rapport délirant des services de renseignements français sur les Frères musulmans, commandé par le ministère de l’Intérieur, a donné lieu à une violente campagne médiatique islamophobe. Ce rapport dénonce un supposé « entrisme » politique des Frères Musulmans dans la société. Il repose sur des accusations toujours vagues d’influence dissimulée et aboutit à des conclusions complotistes, qui jettent le soupçon sur tous les musulmans et toutes les musulmanes.

Quelques semaines après que le ministère de l’intérieur Retailleau s’écrie « à bas le voile » en meeting, le sommet de l’État alimente toujours plus la déferlante islamophobe, qui se traduit dans une vague de crimes et agressions qui a connu une importante aggravation : meurtres d’Aboubakar Cissé dans le Gard le 25 avril et de Hichem Miraoui dans le Var le 31 mai, multiplication des dégradations de mosquées, d’agressions et d’insultes islamophobes dans l’espace public.

Un racisme aux racines coloniales

L’islamophobie désigne le racisme spécifique contre les personnes de religion musulmane, supposée ou réelle. Elle a été théorisée et développée au sein de l’empire colonial français, dans l’objectif d’assoir son pouvoir dans les pays colonisés. Les racines coloniales de l’islamophobie expliquent ses formes actuelles : prétendue volonté des colons de libérer les femmes voilées de leur aliénation pour accéder à la formidable civilisation occidentale jugée supérieure moralement, vision d’un islam barbare, violent et rétrograde, uniforme et toujours à l’assaut du pouvoir, sont autant d’éléments issus de la colonisation qui sont au centre de l’islamophobie contemporaine.

Les accusations contradictoires lancées contre les musulmans et musulmanes, coupables tour à tour d’entrisme ou de séparatisme, ne visent qu’à effacer toute présence musulmane visible dans les différents espaces de la société (écoles, espaces publics, sports, fonction publique) et à dresser un ennemi imaginaire de l’intérieur qui permet à l’extrême droite de dérouler ses idées nauséabondes. Depuis l’instauration de la loi raciste de 2004 sur l’interdiction du port du voile dans les écoles, collèges et lycées publics, l’exclusion progressive des musulmans et musulmanes, sous couvert d’une instrumentalisation raciste de la laïcité, continue. En 2021, elle se fait avec la promulgation de la loi séparatisme : un contrôle accru est déployé dans les lieux de cultes à la recherche de signes dits de radicalisation des musulmans et musulmanes. En 2023, le passage d’un décret par l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, interdit l’abaya dans les lycées. De manière générale, les paniques morales constantes autour du burkini à la piscine municipale, du voile des accompagnantes en sortie scolaire ou des athlètes musulmanes sont dans la continuité des attaques législatives à l’encontre des musulmans et musulmanes, et participent à la construction du projet d’un espace public ségrégué, où les minorités visibles n’auraient pas leur place.


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La République cherche à contraindre les musulmans et musulmanes à un modèle d’assimilation passant par la promotion d’un islam domestiqué. La mosquée de Paris a par exemple été sommée à de nombreuses reprises d’inclure dans ses appels à la prière des phrases louant la République française et ses institutions. Il y a bien une racisation au-delà même de la pratique religieuse réelle des individus. Cette injonction à l’assimilation des valeurs républicaines est une injonction raciste et ne mène pas à la fin des discriminations.

Le durcissement radical des politiques migratoires repose sur cette même vision d’un danger venant mettre en péril la stabilité nationale au travers de la menace d’un islam qui serait incompatible avec le mode de vie occidental. Dans la dernière loi asile et immigration, dite Loi Darmanin, adoptée en 2024, un « contrat d’engagement à respecter les principes de la République » a été mis en vigueur afin de conditionner la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour à une allégeance politique. Ce contrat pose comme préalables des éléments comme le respect de la laïcité, de l’égalité hommes-femmes, de l’intégrité territoriale de la France ou encore la condamnation du prosélytisme. Autant d’éléments permettant de museler les étrangers et étrangères en condamnant toute critique de la République ou des politiques coloniales, mais également en facilitant le retrait de tout type de titre de séjour et se gardant une main d’œuvre précarisée et sous une menace constante de tomber dans la précarité.

L’islamophobie : arme de fascisation massive

Le racisme est un système : l’offensive islamophobe constitue un immense amplificateur pour toutes les formes de racismes. La hausse vertigineuse des agressions de rue antisémites et des dégradations de synagogues, la décomplexion de la parole antisémite, la banalisation de l’anti-tsiganisme et la mise au ban dont les Voyageurs sont victimes alors que l’État français refuse toujours de reconnaître le Samudaripen, en témoignent. La panique complotiste sur « l’entrisme » musulman ou le « frérisme d’atmosphère » utilise les mêmes logiques que le complotisme antisémite, qui attribue aux juifs et aux juives un pouvoir secret ou une volonté de subversion des sociétés. De même, le génocide en Palestine et la banalisation d’une rhétorique éradicatrice, produit une habituation macabre au racisme dans sa forme génocidaire.

Alors que l’impérialisme français est en perte de vitesse et se prépare à la guerre, le fascisme est de plus en plus une solution pour la bourgeoisie radicalisée. La nostalgie du temps des colonies s’exprime désormais de façon totalement décomplexée. La construction de la figure des musulmans et musulmanes comme « ennemi⸱es intérieur⸱es », notamment à travers le prétexte de la « guerre contre le terrorisme », sert les intérêts de l’impérialisme. Face à la « menace » fantasmée, toutes les mesures de privation de libertés fondamentales et de contrôle des corps deviennent justifiées. A ce titre, la guerre contre les femmes voilées est une guerre contre toutes les femmes, redéfinissant un modèle d’une fausse émancipation qui se voudrait universelle.

Les congressistes du IIIᵉ Congrès de l’UCL réaffirment leur solidarité pleine et entière envers les musulmans et musulmanes subissant de plein fouet le continuum colonial et la fascisation de notre société. L’urgence est à un mouvement social offensif face à l’islamophobie, indispensable pour abattre la bête immonde.

L’Union Communiste Libertaire participera aux initiatives visant à revendiquer :

  • l’abolition de la loi de 2004 et de toutes les lois visant à exclure les femmes voilées de la société ;
  • la fin du harcèlement répressif des figures publiques musulmanes, notamment à travers la menace d’expulsion du territoire, et la fin du traitement d’exception réservé aux écoles privées musulmanes ;
  • l’abolition de toutes les lois islamophobes, notamment la Loi Darmanin sur l’asile et l’immigration, et la loi séparatisme
  • l’arrêt du génocide en Palestine, et la libération de toute la Palestine du colonialisme et de l’apartheid.

Union Communiste Libertaire, le 9 juin 2025.

 
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