La Martinique debout (1/4) : Sé pou le viktwa nou laké !




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 2/4 Deux cents ans de révolte
 3/4 Pour une économie libérée du carcan colonial
 4/4 Les états-généraux de l’Outre-Mer : un non-événement

Sur la grève générale de février-mars 2009 en Martinique, procurez-vous le livre de Nemo, Matinik Doubout.


« C’est pour la victoire que nous luttons » : les Martiniquais et Martiniquaises ont obtenu la satisfaction de leurs principales revendications. Malgré la victoire, la vigilance reste de mise.

Cela faisait plusieurs mois qu’une Intersyndicale, réunissant les plus importants syndicats de la Martinique s’était constituée. Sa présidence était assurée par rotation de six mois par chacun des syndicats à tour de rôle. Pendant l’été 2008, des meetings et des rencontres furent organisés où s’affirmèrent de plus en plus les revendications populaires.

Le mouvement du 5 février

Alors que les prix des carburants étaient auparavant alignés sur ceux de France, et même avantageux à quelques centimes près, la baisse du prix du pétrole n’a pas été répercutée sur le prix à la pompe alors qu’elle l’était déjà en métropole depuis plusieurs mois.

Aux Antilles, l’exclusion sociale par le chômage se double souvent d’une exclusion raciale. Et à qualification égale, l’entreprise, souvent dirigée par un Blanc, aura une préférence pour le candidat blanc lui aussi. Dans l’Administration, tous les hauts postes sont occupés par des Blancs. Il n’y a pas de juges noirs en Martinique.

Le 5 février, le rassemblement et la manifestation lancés par l’intersyndicale vont trouver au sein de la population un écho étonnant, à l’image de ce qui s’est passé en Guadeloupe, près de deux semaines auparavant. Plus de 15 000 manifestants graves et déterminés arpentent la ville de Fort-de-France et ses faubourgs en un gigantesque cortège.

354,16 euros d’augmentation

Le soir même se constitue le « Collectif du 5 février contre la vie chère et pour la hausse des salaires ». Rapidement une liste de revendications est élaborée à partir de celles de l’intersyndicale. Il serait sans doute fastidieux d’en énoncer tous les points par le détail. On pourrait les classer en quatre domaines.

Primo, la revendication d’une baisse de 20 % sur les prix des denrées de première nécessité. On est arrivé à 100 familles de produits et à 400 articles. Au départ le Collectif demandait une baisse de 30 %. Les patrons ne proposaient que 10 % de baisse. C’est 20% qui ont finalement été obtenus.

Secondo, les revendications salariales, avec une augmentation des bas salaires de 354, 16 euros. Pourquoi un tel chiffre ? Parce qu’il a été calculé sur la différence de pouvoir d’achat entre un salarié de métropole au Smic et celui d’un salarié en Martinique où le coût de la vie est encore plus élevée qu’en Guadeloupe. Cette revendication de 354,16 euros sera ramenée à 250 euros : 200 euros d’augmentation dans l’immédiat et 50 euros supplémentaires négociés en septembre. Cette augmentation de 200 euros ne concerne, pendant un premier temps des négociations, que le secteur privé. Ce n’est que dans les derniers jours des discussions que les employé-e-s de la fonction publique territoriale seront aussi concerné-e-s par cet avantage.

Tertio, les revendications sur les minima sociaux avec augmentation des petites retraites. En clair il s’agit de l’établissement d’un minimum vieillesse égal à celui de la métropole. Aujourd’hui certaines retraites ne varient qu’entre 190 à 300 euros. Il s’agit aussi de la mise en place d’un revenu minimum pour les jeunes de 18 à 25 ans qui acceptent une formation ou un emploi et de l’alignement de l’allocation logement sur celle de la métropole.

Quatro, les revendications sur les services : eau, gaz, électricité, téléphone, services bancaires, assurances, où l’on demande une baisse des tarifs. Au moment où ces lignes sont écrites, seule France Télécom demeure inflexible.

Au 35e jour de la grève générale, la victoire semblait acquise. Mais la joie reste cependant discrète car on sait que les négociations se poursuivent et que tout n’est pas acquis, que l’on tentera de nous reprendre ce que nous avons arraché. On reste sur le pied de guerre même si le travail a repris, permettant avec la levée des barrages, de se ravitailler, de faire une pause.

Nemo (Fort-de-France)

 
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