La glorieuse armée Egyptienne




La participation aux élections parlementaires égyptiennes de l’automne 2015 a été très faible. Elle reflète la conscience qu’a le peuple de l’inefficacité des urnes face à des gouvernants corrompus qui protègent leurs intérêts politico-économiques.

Après les « élections » présidentielles de 2014, au cours desquelles les bureaux de vote étaient restés déserts, le même scénario se répète pour les « élections » parlementaires qui ont eu lieu en octobre et novembre derniers, et ceci malgré les appels au vote des généraux et des médias.

Il est vrai que les généraux n’ont aucun besoin d’organiser des élections parlementaires, dans la mesure où aucune force politique intérieure ne les y pousse, et que certains politiciens ont même été jusqu’à dire qu’un parlement serait une menace pour le chef d’État Sissi. Ils n’ont pas à s’inquiéter non plus des pressions internationales. La France n’a aucun problème à traficoter avec un président sans parlement pour lui vendre des rafales (ouf, un acheteur !), et l’Allemagne a accueilli en grande pompe Sissi en juin dernier…

Ces élections n’ont connu ni grands meetings, qui constituent pourtant une tradition bien ancrée en Égypte, ni foules scandant des slogans pour leur candidat. Le taux de participation a été de 0,6 % à 2,7 %, ce qui n’a pas empêché le Haut Comité des élections d’annoncer une participation de 27 %.

Les candidats n’ont pas été en reste dans cette farce : la liste Pour l’amour de l’Égypte, avec à sa tête Sameh Seif Al-Yazal (qui est officier des renseignements et directeur régional de la firme de sécurité G4S), a rassemblé, des anciens du parti de Moubarak aux retraités de la police, avec comme programme de réduire les pouvoirs du futur parlement.

Le désastre économique

L’économie connaît des faiblesses structurelles innombrables, lesquelles constituent un obstacle presque insurmontable empêchant la mise en place d’un minimum de services publics. Alors que l’armée contrôle plus de 45 % de l’économie égyptienne, nulle trace d’un reversement d’impôts, ni de contrôle, ni de droits de douane ou de tout ce qui peut s’apparenter à un fonctionnement « normal ». Le reste de l’économie est gouverné par la corruption, et là encore, l’absence de contrôle est totale. À cela s’ajoute le secteur informel (plus de 6 millions de vendeurs ambulants). Enfin, l’État est le premier employeur du pays, avec (5 millions de fonctionnaires, sans compter les forces de police et de l’armée).

On comprend que, dans cette situation, l’équilibre est difficilement tenable, surtout qu’en plus de cela la loyauté des officiers et des juges se facture chère à l’État. Ce dernier se trouve également dans l’incapacité d’avoir assez de réserves en devises étrangères : cela est dû en partie à un tourisme paralysé ainsi qu’à la baisse persistante des recettes du canal de Suez. Face à cette situation, l’armée continue de protéger avec férocité sa prédation sur l’économie.

Cette volonté de ne rien céder sur leurs privilèges et de continuer à rogner sur l’économie fragilise encore plus l’alliance de l’armée avec les hommes d’affaires civils. Ces derniers ont, grâce aux médias notamment, aidé Sissi à faire le putsch de juillet 2013.

L’indifférence et le mépris semblent être la réponse des Égyptiens et des Égyptiennes à tous les jeux politiques actuels. Éviter l’effusion de sang reste encore la principale raison de l’absence de contestation. Cela ne peut durer éternellement, et il est probable que peu scanderont « pacifique, pacifique » au prochain soulèvement populaire !

Yasser Abdelkawy, MSL (Égypte), traduit de l’arabe par Marouane Taharouri

 
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