Pleins feux

Le mouvement libertaire d’Ukraine dans la tourmente




Un siècle après l’épopée makhnoviste, et malgré ses divisions depuis l’Euromaïdan de 2014, le mouvement anarchiste doit agir en contexte de guerre. Plusieurs groupes ont pris les armes contre l’envahisseur. D’autres ont préféré se concentrer sur ­l’entraide et la protection civile.

En majorité, les libertaires d’Ukraine semblent avoir choisi la mobilisation active et la résistance, notamment armée, à l’envahisseur. À Kiev (Kiyv en ukrainien), plusieurs réseaux de la gauche anti-autoritaire se coordonnent au sein du Comité de résistance qui, dès le premier jour de l’invasion, a lancé un appel à soutien.

Des groupes très en froid avant la guerre s’y coordonnent désormais. L’organisation RevDia (Action révolutionnaire) y côtoie des supporters antifascistes (le Hoods Hoods Klan) du club de football Arsenal et d’autres libertaires de la ville. Le comité regrouperait deux unités distinctes intégrées à la Défense territoriale, cette « armée citoyenne » supplétive de l’armée régulière.

L’organisation RevDia a pris les armes

Parmi la cinquantaine de militantes et militants se trouvent beaucoup d’anarchistes russes ou biélorusses réfugiées en Ukraine. Le groupe Drapeau noir a choisi la même stratégie et effectue des gardes et des patrouilles dans l’agglomération de Kiyv. D’autres libertaires n’ont pas pu rejoindre ces unités et se sont enrôlés dans des bataillons classiques de l’armée ou de la Défense territoriale. Au moins l’un d’entre eux, Igor Volokhov, a été tué dans les bombardements à Kharkiv, dans le nord-est du pays.


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Toutes et tous les militants anarchistes n’ont cependant pas pris les armes. Plusieurs groupes collectent du matériel et des fonds pour alimenter les unités armées, régulières ou formées spontanément. Des cantines et des espaces de séjour temporaire s’organisent pour aider les déplacées et exilées. Des camarades ont aussi dû fuir vers l’ouest pour mettre leur famille à l’abri.

« Communisme de catastrophe »

Parallèlement, une critique du militarisme se maintient. Comme celle de Yurii Sheliazhenko, secrétaire du Mouvement pacifiste ukrainien, qui refuse la conscription et prône l’évacuation de toutes et tous les civils des zones de conflit. Ou comme celle de L’Assemblée, un média anarchiste de Kharkiv qui, sous les bombardements, couvre les initiatives sociales et humanitaires qui fleurissent à travers la ville : transports, distribution de nourriture et de médicaments, déblayage, secours aux blessées et réparation de ce qui peut l’être…

Les initiatives se multiplient et dessinent, selon ces camarades, un « communisme de catastrophe » au sein duquel les habitantes et d’habitants font massivement l’expérience de la solidarité, de l’initiative et de l’autogestion. « L’arrêt brutal du cycle quotidien de production et de consommation semble avoir ouvert une brèche dans la société, au fond de laquelle couvent les premières étincelles d’un monde nouveau. » Tout l’enjeu sera de préserver ce feu de la solidarité et de l’étendre quand les canons se seront tus.

Gio (UCL Sarthe)

 
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