Partisans, octobre 1970

Anne Koedt, « Le mythe de l’orgasme vaginal »




Article publié dans le n° 54-55 de la revue française Partisans, « Libération des femmes. Année zéro », octobre 1970.

Dans les discussions sur l’orgasme et la frigidité féminins, une fausse distinction est faite entre l’orgasme vaginal et l’orgasme clitoridien. Les hommes ont généralement défini la frigidité comme l’incapacité d’une femme à ressentir l’orgasme vaginal. Or, la région vaginale n’est pas hautement sensitive et n’est pas conformée pour produire un orgasme. Le centre de la sensibilité sexuelle est le clitoris, équivalent féminin du pénis.

A mon avis, cela explique pas mal de choses : avant tout, le fait que la proportion de dite frigidité parmi les femmes est extrêmement élevée.

Plutôt que de montrer que la frigidité est due à des assertions erronées sur l’anatomie féminine, nos « experts » ont appelé frigidité un problème purement psychologique. Les femmes qui en souffraient étaient dirigées vers des psychiatres afin de tirer au clair leur « problème » - et celui-ci était alors généralement défini comme une incapacité d’accepter leur rôle de femme.

Les faits anatomiques et sexuels nous disent tout autre chose. S’il existe de nombreuses zones érogènes, il n’y en a qu’une pour la jouissance : cette zone est le clitoris. Tous les orgasmes sont des extensions de la sensation à partir de cette zone. Et comme le clitoris n’est pas nécessairement assez stimulé dans les positions conventionnelles, nous restons « frigides ».

A côté de la stimulation physique, qui chez la plupart des gens est la cause habituelle de l’orgasme, il existe une stimulation qui passe d’abord par un processus mental. Certaines femmes, par exemple, parviennent à l’orgasme au moyen d’images sexuelles ou de fétiches. Quoi qu’il en soit, même dans le cas où la stimulation est psychologique, l’orgasme n’en est pas moins physique. Si donc la cause est psychologique, l’orgasme est physique, et se situe nécessairement au niveau de l’organe équipé pour la jouissance sexuelle - le clitoris.

Le degré d’intensité de l’expérience orgastique peut aussi varier - parfois elle est plus localisée, parfois plus diffuse ou plus vive. Mais ce sont tous des orgasmes clitoridiens.

Cela nous amène à d’intéressantes questions sur la sexualité conventionnelle et sur le rôle que nous y tenons. Les hommes éprouvent l’orgasme essentiellement par friction contre le vagin, et non la zone clitoridienne, qui est externe, et ne saurait créer cette friction comme le fait si bien la pénétration. Les femmes ont donc été définies sexuellement en fonction de ce qui fait jouir les hommes ; leur physiologie propre n’a pas été proprement analysée. Au lieu de ça on leur a collé le mythe de la femme émancipée avec son orgasme vaginal - un orgasme qui en fait n’existe pas.

Il nous faut donc définir notre sexualité. Il faut rejeter les idées « normales » de sexualité, et nous mettre à penser en fonction d’une satisfaction sexuelle mutuelle. L’idée d’une satisfaction mutuelle est défendue avec libéralité dans les manuels conjugaux, mais non poussée jusqu’à ses conséquences logiques. Pour commencer, si des positions données comme classiques ne dispensent pas l’orgasme aux deux partenaires, nous devons exiger qu’elles ne soient plus tenues pour classiques. De nouvelles techniques doivent être recherchées ou inventées afin de modifier cet aspect particulier de notre exploitation sexuelle courante.

Freud, père de l’orgasme vaginal

Freud soutenait que l’orgasme clitoridien était infantile, et qu’après la puberté, dans les rapports hétérosexuels, le centre de l’orgasme s’était transféré au vagin. Le vagin, prétendait-on, était le lieu d’un orgasme parallèle, plus complet que le clitoris. De nombreux travaux ont concouru à l’édification de cette théorie ; bien peu a été fait pour en réfuter les présuppositions.

Un rappel de la position générale de Freud sur les femmes fera pleinement goûter cette incroyable invention. Mary Ellman, dans Thinking about women, la résume ainsi : « Tout ce qu’il y a de paternaliste et de craintif dans l’attitude de Freud à l’égard des femmes provient de leur manque de pénis. Mais c’est seulement dans son essai La psychologie féminine, qu’il exprime clairement [...] le mépris des femmes implicite dans toute son œuvre. Il leur prescrit alors de renoncer à la vie de l’esprit, qui gêne leur fonction sexuelle. Quand le patient est un homme, l’analyste s’attache à développer les capacités masculines ; mais si c’est une femme, la tâche consiste à la faire rester dans les limites de sa sexualité . M. Rieff dit : "Pour Freud, l’analyse ne peut éveiller chez les femmes des forces pour réussir et s’ac­complir, mais seulement leur enseigner une résignation raisonnable". »

Le sentiment que les femmes étaient inférieures et secondaires fut donc le fondement des théories de Freud sur la sexualité féminine.

On ne s’étonnera pas qu’après avoir pondu la loi de la nature de notre sexualité, Freud découvrît un épouvantable problème de frigidité chez les femmes. En cas de frigidité, les soins d’un psychiatre étaient indiqués : le mal leur venait d’une incapacité mentale à s’adapter à leur rôle « naturel » de femme. Frank S. Caprio, disciple contemporain, déclare : « Lorsque, son époux étant un partenaire convenable, une femme ne parvient pas à l’orgasme dans le coït, et préfère la stimulation clitoridienne à toute forme d’activité sexuelle, elle peut être considérée comme frigide, et relève des soins d’un psychiatre. »

L’explication était qu’une telle femme enviait les hommes – « refus de féminité ». On diagnostiquait alors un phénomène anti-mâle.

Il faut bien préciser que Freud ne fonda point sa théorie sur une étude de l’anatomie féminine, mais sur sa propre conception de la femme comme appendice et inférieure de l’homme, et du rôle social et psychologique qui en découle.

Au cours de leurs tentatives pour résoudre le problème fatal d’une fri­gidité massive, les freudiens se livrèrent à des gymnastiques mentales très poussées. Marie Bonaparte, dans Sexualité Féminine, n’hésite pas à appeler la chirurgie au secours des femmes pour les aider à rentrer dans le droit chemin. Ayant découvert un rapport curieux entre la non-frigidité et la proximité du clitoris et du vagin, elle écrit : « Il m’apparut alors que, si chez certaines femmes ce fossé était trop large, et la fixation sur le clitoris endurcie, une réconciliation vagino-clitoridienne pouvait être effectuée par des moyens chirurgicaux, pour le plus grand bien de la fonction érotique normale. Le professeur Halban de Vienne, chirurgien et biologiste, se montra intéressé par cette question et mit au point une technique opératoire très simple : les ligaments maintenant le clitoris étaient coupés, le clitoris, conservant ses structures internes, était fixé plus bas, avec éventuellement une réduction des petites lèvres. »

Mais le plus grand dommage n’était pas localisé du côté de la chirurgie où les freudiens se livraient à d’absurdes tentatives pour changer l’anatomie féminine afin de la faire entrer de force dans leurs conceptions. Le dommage était pour la santé mentale des femmes, qui, ou bien s’accablaient elles-mêmes en secret, ou bien se pressaient chez les psychiatres, désespérément en quête du fameux refoulement qui les excluait de leur destin vaginal.

Pas d’évidences ?

A première vue, on peut regretter que ce soient là des régions inconnues et inexplorées, mais à y mieux regarder, ce n’est sûrement plus vrai de nos jours, si ce le fut jamais. Par exemple, les hommes n’ignoraient pas que les femmes étaient souvent frigides dans les rapports ; là était donc la question. Et il y a une autre évidence très spécifique. Les hommes savaient que le clitoris était et est l’organe essentiel de la masturbation, tant pour les fillettes que pour les femmes adultes. Donc, quand les femmes pensaient que leur sexualité était localisée, elles ne se trompaient pas. Les hommes étaient, éga­lement, parfaitement au fait des possibilités du clitoris, lorsque, durant les préliminaires, ils désiraient exciter les femmes et lubrifier leurs propres voies d’accès.

« Préliminaires » est une notion créée pour les besoins mâles, mais tourne au désavantage de pas mal de femmes, car, lorsque sa partenaire est « chauf­fée », l’homme passe à la stimulation vaginale et la laisse à la fois excitée et insatisfaite.
On savait aussi que durant les interventions chirurgicales à l’intérieur du vagin l’anesthésie n’était pas nécessaire, ce qui montre bien qu’en vérité le vagin n’est pas une région hautement sensitive.

Aujourd’hui, avec le progrès des connaissances anatomiques, avec Kinsey, avec Masters et Johnson, pour ne citer que quelques sources, on est sorti de l’ignorance dans ce domaine. Cependant, pour des raisons sociales, cette connaissance n’a pas été popularisée. Nous vivons dans une société mâle, où le rôle des femmes demeure inchangé.

Évidence anatomique

Plutôt que de partir de ce que les femmes devaient ressentir, il eût été plus logique de partir des faits anatomiques concernant le clitoris et le vagin.

Le clitoris est un pénis en plus petit, avec la différence que l’urètre n’y passe pas. Son érection est analogue à l’érection mâle, et l’extrémité du clitoris a le même type de structure et de fonction que le gland. G. Lombard Kelly dit, dans Sexual Feeling in Married Men and Women : « La tête du clitoris est constituée également de tissu érectile, et possède un épithélium ultra-sensible, irrigué par des terminaisons nerveuses spéciales appelées corpuscules génitaux, et particulièrement adaptées aux stimulations sensorielles qui, dans de bonnes conditions mentales, aboutissent à l’or­gasme. Aucune autre partie de l’appareil génital féminin ne comporte de tels corpuscules. »

Le clitoris n’a donc d’autre fonction que le plaisir sexuel.

Le vagin. - Sa fonction est rattachée à la fonction de reproduction.

Principalement : 1) menstruation ; 2) recevoir le pénis ; 3) garder la semence ; 4) le passage de l’enfant. Les parois du vagin, qui, selon les champions de l’orgasme vaginal, est le lieu d’origine du plaisir sexuel, est « […] comme à peu près toute autre paroi interne du corps, pauvrement pourvu de terminaisons tactiles. A cet égard, l’endoderme interne de la paroi vaginale est semblable au rectum et aux autres parties de l’appareil digestif. » (Kinsey, Sexual Behaviour in the Human Female).

Le seuil de sensibilité de la paroi vaginale est si élevé que « parmi les femmes qui ont été examinées au cours de notre enquête gynécologique, moins de 14 % ont senti qu’on les avait touchées » (Kinsey).

On a découvert que, même comme centre érotique (et non pas comme centre orgastique), l’importance du vagin était secondaire.

Le mythe de l’orgasme vaginal

Autres zones :

Les petites lèvres et le vestibule vaginal. - Ces deux zones sensibles peuvent transmettre un orgasme clitoridien. Et comme en effet elles peuvent être stimulées durant le coït « normal » bien que rarement, cette forme de stimulation a pu être interprétée comme un orgasme vaginal. Il est toutefois important de distinguer entre des zones susceptibles de stimuler le clitoris, mais non susceptibles elles-mêmes d’orgasme, et le clitoris : « Compte tenu des moyens d’excitation employés pour amener l’individu au stade de la jouissance, la sensation est perçue au niveau des corpuscules génitaux et localisée là où ils sont stimulés : à l’extrémité du clitoris ou du pénis. » (Kelly.)

Orgasme d’origine psychique. - Outre les stimulations directes ou indi­rectes du clitoris mentionnées ci-dessus, l’orgasme peut être obtenu d’une troisième façon : au moyen d’une stimulation mentale (corticale), lorsque l’imagination excite le cerveau, qui à son tour stimule les corpuscules génitaux pour aboutir à l’orgasme.

Les femmes qui disent avoir un orgasme vaginal

Confusion. - Par ignorance de leur propre anatomie, il est des femmes qui acceptent l’idée qu’un orgasme ressenti durant le rapport « normal » est d’origine vaginale. Cette confusion est due à deux facteurs : 1) l’incapacité de localiser le centre de l’orgasme ; 2) le désir de ces femmes de faire concorder leur expérience avec la conception/définition mâle de la normalité sexuelle.

Tromperie. - La grande majorité des femmes qui affirment à leurs partenaires qu’elles jouissent avec eux truquent ; comme le dit Ti-Grace Aktinson : « get the job ». Dans un nouveau best-seller danois, J’accuse (traduit par moi), Mette Ejlersen se penche précisément sur ce phénomène très courant, qu’elle appelle « comédie sexuelle ». Cette comédie a de nombreux motifs. D’abord, la femme, est soumise à une très forte pression de la part de l’homme, qui place souvent très haut ses propres talents amoureux. Pour ne pas blesser sa vanité, la femme endosse le rôle qui lui est imparti et simule l’extase. Parmi les femmes danoises mentionnées, il en est qui, restées frigides, sont dégoûtées du sexe, et font semblant de jouir pour abréger le coït.

D’autres reconnaissent qu’elles ont simulé l’orgasme vaginal pour s’attacher un homme. Dans l’un de ces cas, la femme feignit d’éprouver un orgasme vaginal et amena ainsi son partenaire à quitter sa femme qui, elle, s’avouait frigide. Elle fut obligée par la suite de continuer la duperie, car elle n’osait demander à son partenaire de stimuler son clitoris. De nombreuses autres femmes, ayant constaté que l’acte sexuel était surtout satisfaisant pour l’homme, et le plaisir qu’une femme y pouvait prendre un petit « extra » en supplément - ont simplement peur de revendiquer le droit à un plaisir égal.

D’autres, assez fermes pour repousser le conseil d’un traitement psychiatrique, refusent de reconnaître leur frigidité. Elles ne veulent pas se sentir en faute, mais, ignorantes de leur propre physiologie, ne savent pas comment en sortir. Celles-là se trouvent dans un complet désarroi.

Un des résultats les plus révoltants et les plus désastreux de tout cet imbroglio fut peut-être que des femmes sexuellement saines furent persuadées qu’elles ne l’étaient pas. Si bien qu’elles étaient privées de plaisir et il fallait encore qu’elles en portent le blâme quand il n’y avait rien de leur fait.

Chercher la guérison d’une maladie qui n’existe pas peut amener une femme au dernier degré de la haine de soi et de l’insécurité. Car son analyste lui raconte que le seul et unique rôle qui lui revient dans la société mâle - rôle de femme -, elle n’est même pas capable de le remplir. Elle est placée en position d’accusée, devant l’absurdité, donnée comme une évidence, d’avoir à être encore plus femme, et surmonter son dépit de n’être pas un homme. Et celle-là c’est la meilleure, baby...

Pourquoi les hommes entretiennent le mythe

1 - Ils préfèrent la pénétration

Le meilleur stimulant pour le pénis est le vagin. Il fournit le frottement et la lubrification nécessaires. D’un point de vue strictement physiologique, ce procédé offre les meilleures conditions de jouissance pour l’homme.

2 - La femme invisible

Une des composantes du chauvinisme mâle est le refus ou l’incapacité de voir la femme comme un être complet et autonome. Mieux, les hommes ont jugé préférable de définir strictement les femmes en fonction de leurs propres avantages. Sexuellement, la femme n’est pas perçue comme un individu désirant prendre part au plaisir à égalité, pas plus qu’elle ne l’est comme une personne douée de désirs autonomes lorsqu’elle veut exercer une quelconque activité dans la société. Il est donc aisé d’en décider selon la commodité. La société étant par-dessus tout au service des intérêts masculins, les femmes n’ont jamais reçu aucune formation susceptible de leur permettre même une opposition purement verbale face aux experts mâles.

3 - Le pinacle de la masculinité

Les hommes expriment leurs vies en termes de masculinité. C’est une exaltation de l’ego, commune à tous les hommes. L’essence du chauvinisme mâle ne tient pas aux services, matériels et économiques, que les femmes assurent : elle tient à sa « supériorité » psychologique. Une telle définition du moi, négative, et non fondée sur un accomplissement ou un développement de l’être, a évidemment aliéné aussi bien l’oppresseur que la victime. Mais des deux, la victime est de beaucoup la plus maltraitée.

Il y a analogie avec le racisme, où le raciste blanc compense son sentiment de n’être rien en fabricant une image d’homme (c’est primitivement un affrontement mâle) noir, biologiquement inférieur à lui. Dans une organisation où le pouvoir appartient à l’homme blanc, il lui est permis de renforcer socialement cette division mythique.

Quand les hommes essaient de rationaliser et de justifier la supériorité mâle par une différenciation physique, la masculinité est symbolisée par le fait d’être le plus musclé, le plus poilu, d’avoir la voix la plus grave, et la plus grosse queue. Les femmes, elles, seront appréciées (i.e. dites féminines) si elles sont faibles, petites, glabres, ont la voix flûtée et pas de pénis.

Le clitoris étant à peu près identique au pénis, il se trouve, dans des sociétés diverses, beaucoup d’hommes qui essayent ou de l’ignorer et de privilégier le vagin (comme le dit Freud), ou, comme dans certains pays du Moyen-Orient, qui pratiquent l’excision. Freud voyait dans ce rite ancien, encore pratiqué, un moyen de rendre la fille plus « féminine » en supprimant ce vestige majeur de sa masculinité. Notons aussi qu’un gros clitoris est considéré comme laid et masculin. Certaines traditions conseillent de verser un produit dessus pour le réduire à une dimension décente.

En vérité, il est clair pour moi que les hommes craignent le clitoris comme une menace pour leur masculinité.

4 - L’homme sexuellement facultatif

Si le clitoris détrône le vagin comme centre de la jouissance féminine, les hommes peuvent craindre de cesser d’être sexuellement indispensables.

En fait, si l’on considère seulement l’anatomie, c’est tout ce qu’il y a de plus vraisemblable. La position du pénis à l’intérieur du vagin, bien que parfaite pour la reproduction, ne provoque pas nécessairement un orgasme chez les femmes, parce que le clitoris est situé dehors et plus haut. Dans la position « normale », les femmes ne peuvent compter que sur une stimulation indirecte.

Les relations saphiques représentent un exemple, reposant sur des données anatomiques, de l’inutilité de l’organe mâle. Albert Ellis dit à peu près qu’un homme sans pénis peut être un excellent amant pour une femme.

Sur un plan purement physique, le vagin est hautement désirable pour un homme et on commence à entrevoir quel sale coup pourrait leur porter la pleine reconnaissance du clitoris. Et nous voilà nous-mêmes forcées d’écarter bien des arguments « physiques » expliquant les raisons pour lesquelles les femmes ont des rapports avec les hommes. Il me semble que ce sont d’abord des raisons psychologiques qui poussent les femmes à prendre des hommes comme partenaires sexuels, et non des femmes.

5 - Femmes rigoureusement contrôlées

On invoque comme motif de l’excision pratiquée au Moyen-Orient ; la nécessité de préserver les femmes de la perdition. En supprimant l’organe de l’orgasme, on est assuré que ses débordements sexuels seront amoin­dris. Quand on sait combien les hommes considèrent leurs femmes comme leur propriété, spécialement dans les nations où le poids de la tradition est grand, on commence à bien comprendre pourquoi les hommes n’ont pas inté­rêt à laisser les femmes courir librement. Le « double standard », pratiqué par exemple en Amérique latine, est destiné à maintenir la femme comme propriété absolue de l’homme tandis que ce dernier est libre d’avoir toutes les aventures qu’il désire.

6 - Saphisme et bisexualité

A côté des raisons strictement anatomiques qu’ont les femmes de cher­cher également d’autres femmes pour faire l’amour, il existe chez les hom­mes une crainte que les femmes se mettent à rechercher, dans la compagnie des autres femmes, des relations complètes et réellement humaines. La pro­motion de l’orgasme clitoridien serait une menace pour l’institution hétéro­sexuelle. Car montrer que le plaisir sexuel peut être atteint avec d’autres hommes ou femmes ferait de l’hétérosexualité non un absolu, mais une op­tion. Ainsi serait posée au-delà du présent système féminin-masculin la ques­tion entière de relations sexuelles humaines.

Anne Koedt

  • Anne Koedt a fondé le Mouvement féministe radical à New York (NY Ra­dical Women, The Feminists, NY Radical Feminists), publie Notes, et travaille actuellement à un ouvrage traitant de la sexualité féminine, à pa­raître chez Random Bouse en 1971.
 
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