Le pape et sa capote : L’abstinence se heurte au réel




Les propos de Benoît XVI sur le préservatif lors de son dernier voyage en Afrique ont soulevé un vent de protestation général. Mais ce sont plutôt les solutions de l’Eglise qui pourraient aggraver le problème du Sida.

Lorsque l’on débarque sur le continent où se trouve la grande majorité des malades (voir encadré), on vérifie ses faits à deux fois avant de dire : « on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution des préservatifs : au contraire, ils augmentent le problème. » [1]

Peu importe que de nombreux scientifiques aient rappelé, études à l’appui, la fausseté des paroles du pontife. Peu importe que l’on puisse voir le préservatif plutôt comme un prophylactique que comme un contraceptif (ce que font d’ailleurs certains hommes d’Eglise, qu’au passage, Benoît XVI désavoue). Peu importe que par de telles paroles, on puisse rendre plus difficile l’accès à une méthode simple, peu coûteuse et efficace de protection de vies humaines. Vérité, ouverture d’esprit et éthique peuvent ainsi être sacrifiées sur l’autel papal.

Pour remédier au problème, le pape propose « une humanisation de la sexualité » et « une véritable amitié [...] surtout pour les personnes qui souffrent ». Face à tant de sagesse (qui nous rappelle que l’enfer est pavé de bonnes intentions), l’Eglise se doit d’être plus claire et précise et de rappeler que : « toute pratique sexuelle en dehors du mariage et non rangée est dangereuse et propice à la diffusion du sida. C’est pourquoi elle prône l’abstinence pour les célibataires et la fidélité au sein du couple. » Encore une fois, des assertions assénées sans le moindre fait pour les soutenir.

éducation sexuelle

Leur hypothèse veut que l’abstinence avant le mariage protège contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) et donc a fortiori le VIH. Le syllogisme « pas de sexe donc pas de MST » semble imparable.
Depuis 1982, le gouvernement fédéral des Etats-Unis, dont le fanatisme religieux de ses dirigeants est un secret de polichinelle, a investi des sommes croissantes dans des programmes d’éducation sexuelle prônant seulement l’abstinence avant le mariage dit Asbtinence only. Passons outre le fait que ces programmes sont sexistes, truffés d’erreurs scientifiques et ne correspondent pas au type d’éducation sexuelle voulue par la population américaine (y compris catholique et protestante) [2], et regardons quels sont les résultats d’une telle expérience sociologique.

Effets secondaires

Ces programmes peuvent modifier l’opinion des adolescentes et des adolescents en faveur de l’abstinence mais ont peu d’effets sur les comportements réels [3]. En conséquence, on voit peu de changements des comportements sexuels mis à part le fait que l’utilisation des préservatifs diminue [4]. Sachant cela, les annonces du Center for Disease Control and Prevention américain disant qu’un quart des adolescentes de 14 à 19 ans ont une MST et qu’il y une recrudescence des cas d’infection au VIH dans la population des jeunes gay afro-américains sont beaucoup moins surprenantes [5]. Un des effets « secondaires » de tout cela : le nombre d’adolescentes enceintes a augmenté de 3 % en 2006. Face à l’inefficacité de ces programmes, la moitié des Etats (dont plusieurs traditionnellement conservateurs) refuse les fonds fédéraux destinés aux programmes Abstinence only [6].

Personne n’a jamais dit que le préservatif était une méthode infaillible contre les MST et le VIH : le risque zéro n’existe pas. Mais, n’en déplaise à Joseph Ratzinger, les faits montrent clairement qu’il marche mieux que
l’abstinence seule.

Rémy Hergé (AL Paris Sud)


<titre|titre=L’Afrique ravagée par le Sida>

Dans le rapport 2007 de l’ONU sur la pandémie, on peut lire qu’à elle seule, l’Afrique sub-saharienne comptabilise : 68 % des adultes infectés (dont 61 % sont des femmes), 90 % des enfants infectés et plus des trois quarts des morts du Sida de l’année 2007. Rapport disponible à http://data.unaids.org.

[1« Déclaration de la Conférence épiscopale du Cameroun relative au message du Saint-Père sur la lutte contre le VIH/SIDA lors de sa visite apostolique au Cameroun » sur www.eglise.catholique.fr.

[2Douglas Kamerow, « The papal position on condoms and HIV », British Medical Journal, 25 mars 2009.

[3Scott Murray, « Abstinence-only sex education, annual funding for abstinence-only is close to $175 million », Z Magazine, octobre 2008.

[4Marissa Miley, « Fewer sexually active teens are using condoms », Huffington Post, 3 juin 2008

[5Steve Yoder, « Chastity science still an oxymoron », Z Magazine, mai 2008

[6Anna Clark, « What happens when states say no to abstinence-only education ? », www.rhrealitycheck.org, avril 2009.

 
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