Pas contre la guerre

Les campistes les pieds dans le tapis (de bombes)




L’agression impérialiste de Poutine sur l’Ukraine a semble-t-il dessillé les yeux de Mélenchon. Il était temps... Mais d’autres, à gauche, s’entêtent à prendre la défense du Kremlin, ce qui les conduit à renier leur engagement antiguerre traditionnel. Quelle est leur logique ?

On connaît l’anti-impérialisme sélectif de certains courants de gauche qui dénoncent – à raison – les guerres de l’Otan, mais deviennent subitement relativistes, acritiques, voire aphones quand les crimes sont le fait d’États rivaux des États-Unis. L’intervention impérialiste de la Russie en Syrie ? Elle est là en tant que « puissance invitée » voyons ! L’annexion de la Crimée, les protectorats au Donbass ? Pure nécessité humanitaire ! L’islamophobie d’État et la persécution coloniale des Ouïghours en Chine ? Très exagéré, des mensonges de la CIA !

Au contraire de l’UCL qui dénonce tous les impérialismes, cette gauche ignore délibérément l’impérialisme du camp qu’elle soutient ; en cela elle est « campiste ». Ce n’est pas tant qu’elle adhère aux conceptions capitalistes, nationalistes et policières de Poutine, de Bachar el-Assad ou de Xi Jinping. Mais son aspiration à un monde multipolaire, sans hégémonie états-unienne, lui fait défendre tout rival de « l’ennemi principal », quelle que soit sa nature. Entraînée par cette logique, la gauche campiste se retrouve donc complice d’entreprises capitalistes, colonialistes et bellicistes « secondaires ». C’est le cas pour l’Ukraine, dont elle justifie l’invasion avec pour argument essentiel que le régime de Kiev est criminel, mafieux, terroriste.

Tiens donc ? N’est-ce pas exactement la rhétorique de l’Uncle Sam pour justifier chacune de ses interventions impérialistes (Panama, Serbie, Afghanistan, Irak, Libye...) ?


Tout le dossier sur l’Ukraine


La gauche, la guerre et eux

En 2020, dans leur livre La Gauche et la Guerre, Michel Collon et Saïd Bouamama interpelaient la gauche et l’extrême gauche française avec ce très juste argument : « On peut critiquer ces régimes tout en se mobilisant effectivement contre l’agression impérialiste. Ce qui est problématique, c’est lorsque cette critique conduit à une position abstentionniste sur la question de l’engagement contre cette agression ». Deux ans plus tard, face à l’agression de l’Ukraine, l’abstentionnisme de ces auteurs est, de ce point de vue, très « problématique » ! Sur leur site Investig’action, on trouve bien une foule de critiques du régime ukrainien... mais pas une seule fois ces mots si simples : « Non à la guerre ! Stop aux bombardements ! Retrait des troupes d’occupation ! »

Au sein de cette gauche campiste, même duplicité du côté de la librairie Tropiques (Paris 14e), rendez-vous ordinaire du 3e âge staliniste et asselineauphile, et dont le blog enrobe d’un style sarcastique sa tendresse pour l’impérialisme russe.

Enfin, le ton est nettement plus agressif dans les courants staliniens, la palme revenant à l’inénarrable PRCF « rouge-tricolore » qui, cartes à l’appui, commente au jour le jour la campagne de « libération » de l’Ukraine, et pour qui la priorité est de lutter contre... l’« union sacrée euro-atlantiste, impérialiste, prétotalitaire, antinationale, voire exterministe qui se met en place avec la complicité des états-majors de la fausse gauche, des faux écolos et des confédés syndicales euroformatées ». [1] Quelle saveur !

Guillaume Davranche (UCL Montreuil)

[1Georges Gastaud, « Le courage de refuser l’union sacrée belliciste », Initiative communiste, 14 mars 2022.

 
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