Les classiques de la subversion : Alain Krivine, « La Farce électorale »




Le titre est intriguant qui sonne comme celui d’un pamphlet libertaire.
Il ne peut qu’inciter l’esprit curieux à parcourir les 60 pages de La Farce électorale, signée Alain Krivine et publiée au Seuil en 1969.

Le mouvement de mai-juin 68 est encore dans tous les esprits et il a donné naissance à la Ligue communiste (LC). La jeune organisation vient de mener campagne pour le boycott du référendum d’avril 1969, lequel a conduit à la démission de De Gaulle et à l’organisation de présidentielles anticipées. Ce référendum, Krivine le condamne dans son livre comme une « manœuvre électorale de diversion […] envoyant le travailleur à l’isoloir, le laissant seul devant l’urne, au lieu d’organiser les luttes de masse dans les usines et dans la rue ». Difficile de dire mieux…

Et pourtant, surprise, c’est bien la « candidature révolutionnaire d’Alain Krivine » aux présidentielles de juin de la même année que veut promouvoir La Farce électorale ! La justification de ce choix se fait en trois temps : l’absence d’un candidat unique de la gauche ne peut que faire gagner la droite ; dans ce cas le mouvement de mai doit s’exprimer ; il faut donc utiliser la tribune des élections pour le discours révolutionnaire (un totem depuis lors pour ce courant). Le hic c’est qu’il s’agit à la fois pour la LC de dénoncer le « crétinisme parlementaire »… et de faire voter Krivine !

Car la Ligue compte aussi par ce biais « travailler à l’édification d’un véritable parti révolutionnaire ». En 1969, 70% des adhérents et adhérentes de la LC sont de jeunes scolarisé-e-s et 20% sont enseignants.
Alain Krivine, en permission du service militaire, recueille 240.000 voix et 1,06% des suffrages exprimés… vingt fois moins que le PCF. La participation à la « farce électorale » n’est finalement pas plus convaincante aujourd’hui qu’hier. Le mérite de ce petit livre est de nous restituer la matrice d’une stratégie léniniste et discutable.

Théo Rival (AL Orléans)

  • Alain Krivine, La Farce électorale, 1969, Seuil, 60 pages
 
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