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Sexisme au travail : 80% des salariées s’estiment régulièrement victimes




Les violences au travail sont le lot de bien trop de salarié.es en souffrance face à un chef qui abuse de sa position d’autorité. Mais, en plus des coups de pressions, des chantages, des humiliations et des tentatives d’intimidation, les femmes doivent aussi faire face aux violences sexistes au travail.

Celles-ci sont dans la continuité des violences faites aux femmes dans la société en général. Aucune raison pour que les patrons, chefs et sous-chefs, en général des hommes, laissent tranquilles les femmes dans cet environnement hautement oppressif qu’est le lieu de travail.


Cet article tiré du dossier spécial d’Alternative libertaire de novembre 2016 s’inscrit dans le cadre de la campagne d’AL contre les violences faites aux femmes.


Qu’appelle-t-on violences au travail ?

Les violences au travail sont toutes les manifestations de violences psychologiques, physiques et sexuelles qui atteignent un ou une employée dans un cadre professionnel, que ce soit sur son lieu de travail ou en-dehors, de la part d’un chef ou d’un collègue. Ces violences sont notamment le résultat de l’oppression capitaliste qui oppose le propriétaire de l’entreprise et les chefs aux employé.es dont la force de travail est exploitée. L’une des manifestations de ces violences est le « burn-out », dont seraient victimes plusieurs millions de Français.es.

Mais dans le cas des violences sexistes au travail, un autre axe d’oppression vient s’ajouter : l’oppression patriarcale. En particulier, les violences sexuelles sont répandues et pourtant largement tues. Elles peuvent être de différents types, il existe en particulier le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle et le viol.


Selon une enquête de 2015 menée sous l’égide du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), 80% des salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes [1].


Comment ça fonctionne ?

Les femmes subissent de nombreuses discriminations professionnelles. Elles sont ainsi discriminées à l’embauche, moins payées et moins promues au cours de leur carrière. Plus insidieusement, les femmes sont également souvent cantonnées à des métiers moins valorisés socialement et moins payés, ou encore doivent réaliser les tâches sociales qui fluidifient les relations interpersonnelles (encouragements, communication…). Ces discriminations servent l’exploitation des femmes par les hommes qui sévit dans le reste de la société.

Les violences sexistes au travail ont pour but de maintenir les femmes dans un état de peur et donc de faiblesse, et ainsi de les neutraliser malgré les injustices dont elles sont victimes socialement et économiquement. En effet, le commentaire sur la prise de poids, la « blague » graveleuse de la pause déjeuner, la main aux fesses que personne d’autre n’aura vu et le viol par son supérieur hiérarchique sont autant de méthodes qui humilient les femmes, leur font perdre confiance en elles et en leurs capacités.

Elles les isolent aussi de leurs collègues, puisque toute dénonciation publique risque de ne pas être prise au sérieux : « C’est bon, il rigole », « Tu exagères… », « Oui mais tu sais, il n’appartient pas à la même génération que nous », sont le genre de réponse qu’une victime de violences risque systématiquement de recevoir. D’autant plus que, le monde du travail capitaliste étant un lieu où il fait bon être compétitif, les collègues avertis ne tireront aucun avantage à tirer la sonnette d’alarme après de telles confidences, et les femmes victimes de ces violences se retrouveront certainement perdantes.

Le travail, un lieu de subordination pour les salariées

Parler est donc difficile pour les victimes de violences sexistes au travail, comme pour toutes les femmes victimes de violences. Mais, au-delà du dénigrement du témoignage des victimes, celles-ci courent un autre risque en cas de dénonciation. En effet, une salariée est dépendante de son patron : elle lui vend sa force de travail contre un salaire dont elle a besoin pour vivre. Ainsi, que le patron soit l’agresseur ou qu’il souhaite protéger l’image de son entreprise ou de son administration, il n’a aucun intérêt à accompagner la victime, à lui permettre de travailler dans un environnement sécurisé et débarrassé de son agresseur, à l’aider à déposer plainte si elle le souhaite, à lui prêter à la fois la confiance et l’indulgence dont ont besoin les victimes.

La subordination à son patron a donc souvent pour effet le statu quo : la victime et l’agresseur continuent de travailler ensemble, les agressions se perpétuent, et le reste de l’environnement ferme les yeux. Si la victime a parlé, elle s’expose à une mise en mobilité, à des chantages à la promotion ou encore à un licenciement. Le recours devant la justice reste bien entendu une possibilité, mais rappelons ses freins et ses limites :

  • Il ne limite pas, au moins dans un premier temps, les contacts entre la victime et l’agresseur,
  • Les preuves sont difficiles à présenter, car beaucoup d’agresseurs évitent de laisser des traces écrites ou d’agir devant témoins,
  • Les victimes sont souvent déjà affaiblies psychologiquement,
  • Les procédures sont donc longues, coûteuses et sans garanti de résultats.
    Les violences sexistes au travail sont également un frein à l’égalité dans la sphère professionnelle. Une femme qui pose régulièrement des arrêts-maladie, qui n’ose pas prendre d’initiative car elle a perdu confiance en elle, qui évite certains collègues, qui se désociabilise… ne bénéficiera pas de la prochaine promotion, ne se verra pas confier les tâches les plus valorisantes et intéressantes, n’aura pas la confiance de l’équipe.

Face à ces violences, il est importants pour les femmes d’être solidaires et d’apporter une oreille bienveillante à leurs collègues. Des associations existent et les syndicats peuvent parfois être des outils pour se défendre.

En France, 80% des salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes
selon une étude de 2015 du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle.

Si vous êtes victimes de violences sexistes au travail, vous pouvez contacter :

L’AVFT : L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail est une association de référence sur cette question. Elle réalise un rôle d’écoute, de soutien et d’accompagnement judiciaire des victimes qui les contacte. Elle s’inscrit également résolument dans le champ politique, portant des revendications féministes claires contre ces violences.

Les syndicats : Une équipe syndicale combative et indépendante de la hiérarchie peut apporter son aide et réagir dans des situations de violences. Avant de vous confier, vérifiez toutefois que vous pouvez faire confiance à la personne à laquelle vous parlez. S’il n’y a aucune présence syndicale dans votre entreprise, vous pouvez contacter directement des organisations syndicales au niveau national, qui se chargeront ensuite de vous mettre en lien avec la structure adaptée.

[1CSEP, « Le sexisme dans le monde du travail, entre déni et réalité », 2015. Enquête menée auprès de 15.000 salarié.es.

 
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