Lire : Antonio Téllez Solá, « Attentat aérien contre le général Franco »




Le 12 septembre 1948, un petit avion de tourisme surchargé décollait péniblement de Dax, dans les Landes, et longeait la côte atlantique jusqu’à Saint-Sébastien, en Espagne, où se déroulait une régate très populaire. À son bord : trois anarchistes espagnols vétérans de la guerre civile ; 140 kilos de bombes, dont certaines incendiaires, toutes dérobées dans une poudrière orléanaise pendant la débâcle allemande ; un appareil photo pour médiatiser l’opération ; une pile de tracts révolutionnaires à larguer au-dessus de la ville. Leur objectif : le navire depuis lequel Franco et ses dignitaires assistaient à la régate, dans la baie de Saint-Sébastien. Une fois le Caudillo éliminé, l’avion devait se poser en Navarre, être détruit, et les révolutionnaires exfiltrés par une équipe de résistants sur place.

L’opération échoua, du fait ­d’une surveillance aérienne supérieure à ce qu’escomptaient les anarchistes. Intercepté par deux chasseurs, l’avion dut faire demi-tour précipitamment et retourner se poser en France. Nullement découragé, l’équipage résolut de redécoller dès le lendemain pour bombarder le Palais d’été, où séjournait le dictateur. Cette fois, c’est une météo exécrable qui les en empêcha, et chacun dut retourner au boulot, qui à l’usine, qui à ses affaires. Cet épisode de la résistance antifranquiste fut raconté dans un petit livre paru en espagnol en 1993, et enfin traduit en français cette année par les éditions ­Albache. On y apprend tous les détails de cet attentat avalisé par la CNT en exil, et beaucoup de choses sur ses protagonistes. L’un de ses concepteurs n’était autre que Pedro Mateu, militant qui avait eu son heure de gloire en 1921 en assassinant le Premier ministre espagnol ; son cerveau était Laureano Cerrada, personnage haut en couleurs, mi révolutionnaire mi aventurier, et faussaire hors pair ; le pilote était Primitivo Pérez, qui pendant la guerre civile avait appris à voler sur des avions soviétiques ; Antonio Ortiz, lui, avait dirigé les combattants de la colonne Roja y Negra ; quant à Georges Fontenis, alors secrétaire général de la Fédération anarchiste française, il donna un indispensable coup de main à l’opération.

L’assassinat de Franco aurait-il créé une crise de régime profitable aux révolutionnaires ? Cerrada le pensait : « Quand nous avons tenté de liquider Franco en 1948, racontera-t-il vingt-huit ans plus tard, nous étions convaincus que nous aurions complètement changé l’histoire de l’Espagne. À cette époque, Franco n’avait pas encore réussi à légitimer son système. »

Guillaume Davranche (AL Montreuil)

Antonio Téllez Solá, Attentat aérien contre le général Franco, trad. Ramon Pinos, Éditions Albache, 2014, 120 pages, 8 euros.

 
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