Lire : Christian Langeois, « Henri Krasucki »




Cette biographie d’Henri Krasucki (1924-2003) est toute en sympathie pour son sujet. Elle est une occasion de revisiter l’histoire du stalinisme. Une toute autre bio serait donc nécessaire dotée des outils critiques pour comprendre les origines, les impasses et les drames staliniens. Néanmoins elle permet d’entrer dans cet univers aujourd’hui disparu qui a fasciné et façonné le XIXe siècle en général et le mouvement ouvrier français en particulier.

Le parcours de «  Krasu  », comme il était affectueusement nommé, est en effet remarquable. Une vie de courage, de dévouement, de fidélités aux engagements staliniens. Comment oublier le jeune ouvrier issu de l’immigration juive, le jeune résistant, le déporté, le militant inlassable. Il serait trop simple, trop confortable de disqualifier toute une génération de militants ouvriers forgés dans des batailles inouïes du seul fait qu’ils étaient engagés dans une voie criminelle. Le livre nous rappelle utilement que ces militants pour beaucoup étaient sincères et défendaient la « stratégie » impulsée par Moscou en pensant qu’elle était la seule possible. Beaucoup sont morts héroïquement pour le stalinisme, certains furent lâchement assassinés par le stalinisme, les autres meurent progressivement, sans enfants. Stériles ou presque. Les tous derniers nés réussissant l’exploit d’avoir les mêmes défauts que leurs anciens sans en avoir aucune des qualités !

La dernière partie du livre est de ce point de vue la plus éclairante. Krasu déchiré, comme tout le parti, entre fidélité et ouverture, cherchant une porte de sortie (il ne comprend pas que le stalinisme a fermé d’avance toute issue). On entrevoit les batailles internes dans une période où Marchais impose des zig-zag étourdissants au PCF et cherche à les imposer dans la CGT. Alliance ou pas avec le PS ? Marchais passant de la rupture du programme commun en 1977 à la sortie des ministres PCF du gouvernement socialiste en 1984 par toutes les phases possibles, de l’hostilité excessive à l’abdication en rase campagne. Il est d’ailleurs remarquable que le PCF n’ait toujours pas trouvé la porte de sortie à propos de cette question des alliances avec le PS… Sous les pas de Staline comme sous ceux d’Attila rien ne repousse !

Le point d’orgue et la seule «  révélation  » de cette biographie c’est l’autobiographie à laquelle il décide de travailler au début de l’année 1991 en collaboration avec deux journalistes. Dans l’affrontement qui l’oppose, secrètement, à Marchais, il était disposé à étaler certains sujets au grand jour. Mais un réflexe bien stalinien lui fera stopper net ce projet : c’est le « putsch » d’Elstine en août et la disparition de l’URSS qui s’annonce. « Il faut faire front, on oublie les divergences » déclare-t-il alors à son éditeur…

Jean-Yves (AL Seine-Saint-Denis)

Christian Langeois, Henri Krasucki, Cherche-Midi Ed., 2012, 372 p., 19 euros.

 
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