Culture

Lire Jean-Jacques Gandini, Le procès Papon




Jean-Jacques Gandini, avocat, militant à la Ligue des droits de l’Homme et fondateur de la revue anarchiste Réfractions, a assisté en 1997 à l’intégralité du procès Papon. Il en avait tiré un ouvrage, Le Procès Papon : histoire d’une ignominie ordinaire au service de l’État.

Cet ouvrage est aujourd’hui réédité par les éditions Le Passager clandestin dans une version actualisée, augmentée d’une préface de l’historien Johann Chapoutot et d’une postface de l’avocat Arié Alimi. Mais pourquoi aujourd’hui ? Et pourquoi Papon ? Jean-Jacques Gandini répond à ces deux questions. Aujourd’hui « c’est “pour ne pas oublier” devant la montée en puissance et la banalisation des idées d’extrême droite qui n’ont de cesse de réécrire l’histoire et notamment celle de cette période 1940-1945 ». Et pourquoi Papon ? Avant la tenue en 1997 de ce procès, le troisième en France pour crime contre l’humanité, un crime imprescriptible dans le droit français, les deux premiers procès avaient concerné un nazi, Klaus Barbie, et un milicien, Paul Touvier, qui par son parcours représentait la figure du sale type d’extrême droite déjà militant avant le début du conflit.

Le « cas Papon » est exemplaire en ce qu’il est une parfaite illustration du « mensonge d’État » qui s’est construit sur le mythe Gaulliste de la « France résistante » qui affirme que « Vichy n’était pas la France », que Vichy était « nul et non avenu » selon les mots de Charles De Gaulle en août 1944. Si l’on sait depuis les travaux pionniers de l’historien étasunien Robert Paxton qu’il n’en est rien, ce minutieux travail de reconstitution du « dossier Papon » apporte des éléments précieux autant qu’accablants sur sa responsabilité individuelle quant à la déportation de milliers de Juifs et Juives vers les camps de la mort. Les propos de Gandini, s’inscrivant en cela dans les pas de Paxton, montrent à partir d’une trajectoire individuelle le poids de ces actes dans la bonne marche d’un régime totalitaire.

Si ce n’est pas le cœur de l’ouvrage, Gandini n’en oublie pas que Papon fut également en charge de la répression policière le 17 octobre 1961, lors de « la Nuit de cristal de la police parisienne ». Là encore il pointe les mensonges de Papon et rappelle sa responsabilité dans la répression accrue des militants et militantes indépendantistes dans ce qu’il nomme l’« apartheid anti-Algériens » mis en place dès la nomination du Préfet Papon en 1958.

Le minutieux et très documenté travail de l’auteur réduit à néant la défense de Papon. Papon savait, Papon a décidé d’être le serviteur zélé du régime de Vichy, non pas par antisémitisme, mais juste par ambition personnelle. Contre la « raison d’État », Jean-Jacques Gandini oppose le « devoir de désobéissance », et rappelle que « l’éthique de conviction doit primer sur l’éthique de fonctionnement ». Un livre qui nous parle autant du passé que de notre présent… et peut-être même de notre futur.

David (ami d’AL)

  • Jean-Jacques Gandini, Le procès Papon, Le Passager Clandestin, 2025, 240 pages, 12 euros.
 
☰ Accès rapide
Retour en haut