Culture

Lire : Adam, « Les révoltés de la Courtine. Histoire du corps expéditionnaire russe en France »usse en France.




Un corps expéditionnaire est prêté à la France par la Russie tsariste pendant la Première Guerre mondiale, jusqu’à ce que les soldats apprennent que la révolution a éclaté.

Rémi Adam connait parfaitement l’histoire de ce corps expéditionnaire russe en France pendant la première guerre mondiale. Son livre, paru chez Agone, est le troisième ouvrage consacré à ces événements. Cette somme, avec ses nombreuses références, est à recommander pour qui s’intéresse à cette face cachée de l’histoire de la première guerre mondiale. Si l’auteur ne cache en rien sa sympathie pour les mutins, ces opprimés, il n’en cède pas pour autant à la facilité d’un simple parti pris. Il convie et cite aussi bien les soldats que les officiers et les diplomates, offrant un panorama complet des faits.

Le livre suit un cheminement chronologique de la fin 1915, date de formation du corps expéditionnaire, à 1920, retour de ces soldats en Russie. Ce parti pris méthodologique permet de mieux comprendre comment ces hommes furent envoyer en France à la suite d’un ignoble troc, résumable à des fusils contre des hommes. L’armée française, suite aux importantes pertes humaines en vint à mettre sur pied cet odieux échange, acheter littéralement de la chair à canon contre des armes  : 45 000 hommes contre 450 000 fusils.

Une partie de ce corps expéditionnaire russe devait être engagée dans l’offensive Nivelle où il subit d’importantes pertes humaines. Après un voyage par mer éprouvant, une formation rudimentaire , ces soldats russes apprirent, avec plusieurs mois de retard, que la Révolution avait éclaté. Nous étions juste avant la plus grande offensive terrestre, aux pertes humaines démesurées. Les soldats russes décidèrent de constituer un comité de soldats mais se rendirent tout de même aux combats. Le corps expéditionnaire fut laminé lors de l’offensive du Chemin des dames en 1917 où périrent 4 500 russes.

Une centaine de révoltés tués

Cette histoire épouse les contours de cette formidable époque, de la déliquescence de l’armée tsariste, de la fin d’un régime multiséculaire, de cette révolution russe naissante si pleine d’espoirs. Si éloignés qu’ils fussent de leur pays, cela bouscula certainement leurs modes de penser et d’agir mais on ne peut détacher ces phénomènes des maltraitances, des brimades qu’il connurent. Peu à peu, la conscience de classe gagna en importance et conduisit à cette rupture signifiée par la mutinerie. Cette troupe d’élite se muta en révoltés qui décidèrent de ne plus servir de chair à canon ni d’être maltraités par leurs officiers tsaristes.

Craignant un effet de contagion dans les rangs, l’état-major français décida le déplacement des soldats russes dans les Vosges puis en juin 1917, à la Courtine dans la Creuse. La situation se dégradant, les soldats russes refusèrent d’obéir à leurs chefs. La fin des mauvais traitements et le retour en Russie étaient leurs revendications principales.

Il fut demandé aux révoltés de rendre leurs armes mais ces derniers, craignant pour la suite, refusèrent. Face à ce refus, du 16 au 19 septembre 1917, des combats eurent lieu. Certains révoltés furent jugés et condamnés, d’autres purent ou retourner au front ou rester à l’arrière pour participer à l’effort de guerre. En 1919, ils purent rejoindre Odessa. Le bilan officiel fut de neuf morts… mais la réalité avoisinerait la centaine de tués.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Rémi Adam, Les révoltés de La Courtine, Histoire du corps expéditionnaire russe en France, Agone, 2020, 565 pages, 25 euros.
 
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