Culture

Lire : Maud Royer, « Le lobby transphobe »




Comment décrypter l’offensive transphobe en cours depuis le début des années 2020 ? Dans ce court essai, Maud Royer, militante trans, lesbienne et féministe, cofondatrice de l’association Toutes des femmes, revient en détail sur les différents réseaux transphobes, qu’elle appelle malicieusement le « lobby transphobe » en France.

Elle analyse ainsi la tentative de mise en place d’un féminisme transphobe. Discours sur l’«  effacement des femmes » par la simple existence des personnes trans, invention d’un conflit entre femmes trans et lesbiennes, victimisation des féministes transphobes… si ces stratégies ont fonctionné au Royaume-Uni et aux États-Unis, où les « terfs » (trans-exclusionary radical feminists, « féministes radicales excluant les trans ») ont désormais une place importante dans le débat public, notamment avec la complicité de médias dits de gauche comme le Guardian, elles sont restées lettre morte en France face à la résistance du mouvement féministe.

En revanche, c’est par un tout petit milieu psychanalytique conservateur, avec des psychologues parfois classés à gauche que les discours transphobes s’implantent en France. On y compte l’Observatoire de la petite sirène, se voulant représenter les soignantes et soignants bien que défendant des positions ultra-minoritaires dans le champ scientifique, et l’association « de parents » Ypomoni prétendent défendre les intérêts des enfants, qui seraient incitées à transitionner par les mouvements trans.

Ces paniques morales sont rapidement relayés par les médias conservateurs. Ainsi, Valeurs actuelles, mais aussi L’Express, Marianne ou encore Charlie ­Hebdo sont prompts à relayer tout discours anti-trans, et la transphobie devient même ces derniers années un des éléments du discours de l’extrême droite. Sur le terrain, ce sont les anciens et anciennes de La Manif pour tous, largement défaites sur la question de l’égalité devant l’accès au mariage, qui se reconvertissent dans cette nouvelle cause, plus accessible à leurs yeux. Bien que sans justification religieuse officiellement, ces militantes et militants reprennent pourtant la rhétorique élaborée par le Vatican sur les dangers de la « théorie du genre » et la nécessaire binarité et complémentarité entre les sexes.

Alors comment riposter aujourd’hui face à la montée en puissance de ce lobby transphobe ? Pour l’autrice, une des clés réside dans la puissance du mouvement féministe, barrage contre la transphobie. Surtout, il est essentiel d’obtenir des victoires. Davantage que tenir une position, il faut conquérir de nouveaux droits. Pour cela, Maud Royer imagine un chemin dans l’obtention du changement d’état civil libre et gratuit. Sans illusion sur son caractère révolutionnaire (« le patriarcat […] n’en sera pas soudainement ébranlé », écrit-elle), l’adoption de cette mesure faciliterait la vie des personnes trans, et renforcerait en même temps les mouvements féministes et ceux pour l’autonomie corporelle. C’est lorsque nos droits progressent sur les questions de genre et féministes que les conservateurs s’affaiblissent : « on est alors utile à toutes celles et tous ceux qui luttent pour leur émancipation ».

Agrippine (UCL Nantes)

  • Maud Royer, Le lobby transphobe, Textuel, 2024, 160 pages, 17,90 euros.
 
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