Mémoire

Lire : Montanya, « Les derniers exilés de Pinochet »




Durant les cinq années qui se sont écoulées, entre l’écriture du texte original en catalan et la traduction d’Agone, la situation des exilés de Pinochet, désormais « exilés de la démocratie », n’a toujours pas été posée.

A travers la narration de moments clefs de l’histoire du Frente Parioticò Manuel Rodriguez (FPMR), X. Montanyà, journaliste, ne cherche pas à retracer toute l’histoire de la dictature de Pinochet, mais plutôt la vie qui a été menée par certains militants luttant contre la dictature, et leur rôle décisif dans l’ébranlement du régime Pinochet. Il cherche à mettre en lumière, les mécanismes qui ont mené à l’oubli de certains Chiliens, et qui ont permis à certains tortionnaires, tel Pinochet lui-même, d’étouffer les crimes qu’ils ont commis, en particulier contre les opposants politiques. C’est ainsi qu’est mis en avant le « rôle d’un égoïsme pragmatique accablant » des Etats-Unis, dans la transition démocratique qui ne pouvait se produire sans zone d’ombre, ainsi que celui de certains organismes tels que la Centre national de renseignement (CNI) ou la Direction nationale du renseignement (Dina), qui avaient pour but essentiel de traquer, enfermer et assassiner les opposants à la dictature.

Le FPMR, qui est au cœur de cet ouvrage, ne se considérait pas comme un parti politique ayant vocation à initier un nouveau projet de société, mais plutôt comme le bras armé du peuple chilien écrasé sous la force militaire et la répression orchestrées par le dictateur et l’armée. La plupart de ses militants sont issus du Parti communiste chilien, et avaient vécu l’espoir insufflé par l’arrivée au pouvoir d’Allende ; beaucoup étaient fils et filles d’exilés espagnols ayant fuit Franco. Le FPMR, est l’organisation qui a subit avec le MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) la plus grande part de la répression sanglante du régime. Bien qu’il ait affirmé en janvier 1990 qu’il ne mènerait pas d’action armée contre la démocratie qui se mettait en place, et qu’il bénéficiait d’un large soutien de la population, la justice et les discours officiels ont continué à accabler les attentistes et les prisonniers politiques.

Ecrit à partir de témoignages des derniers exilés, pour la plupart membres importants du FPMR, l’ouvrage nous raconte avec un réalisme impressionnant le déroulement des évènements clés de la lutte armée, ainsi que le traitement et les tortures qu’ont subi les prisonniers politiques. Les recherches minutieuses effectuées par le journaliste, tentent de rétablir le déroulement exact des faits, ainsi que les responsabilités de chacun des hommes et partis ayant participé à la dictature ou à la transition démocratique. Il n’est pas difficile de comprendre comment se sont déroulés chacun des événements, même sans une grande connaissance de l’histoire du Chili à cette époque, les notes et les annexes rendent cet ouvrage accessible à tous.

Marine (AL Montpellier)

Xavier Montanya,
Les Derniers Exilés de Pinochet, Agone, 219 pages,
18 euros.

 
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