Lire : Murat, « La loi du genre »




"La question reste entière : pourquoi la différence se résumerait-elle au sexuel ? Pourquoi la différence anatomique définirait-elle à elle seule l’altérité par l’excellence ?" Homme, femme, homosexuel, hétérosexuel, pédéraste, gouine, ces catégories n’ont pas toujours existé pour certaines, et pour d’autres ont fluctué dans ce qu’elles englobaient ou dans la représentation qu’on s’en faisait.

Laure Murat mène une étude passionnante à partir de la notion de "troisième sexe" de 1835 à 1939, catégorie qui englobe tous les types de sexualité et d’identité qui ne rentrent pas dans le schéma hétérosexuel normatif et représente un corpus immense de l’androgyne au transgenre.

Elle montre comment un discours s’est constitué pour analyser et cataloguer ces pratiques, un discours médical, psychiatrique et littéraire. Reprenant les archives, textes, études, elle analyse les différents traitements des êtres et des corps, leurs évolutions et les combats pour l’émancipation et la défense de l’altérité.

"L’histoire du “troisième sexe” est à bien des égards, celle de l’invention du naturel et de la fabrication du féminin et du masculin. Elle est aussi, et peut-être surtout, une histoire politique du genre et des rapports de domination du “viril” sur le “féminin”. "

Deux axes de réflexions en découlent : d’un côte la question de la possibilité d’un troisième sexe, situé entre les deux autres ou au-delà des autres. De l’autre, le rôle du troisième sexe pour interroger les deux autres, et ébranler ce qui fonde ces catégories.

Elle montre que la notion de genre apparaît alors, que les deux sexes, homme et femme, ne sont pas fondés biologiquement et que l’on peut s’en défaire.

Ainsi la femme pour s’émanciper devait "quitter" son sexe et ne passait plus pour une femme : c’est l’image de la femme en culotte, objet créé pour la pratique du vélo et qui deviendra un symbole de la possibilité pour la femme de sortir de son rôle.

Elle explique aussi comment ces catégories multiples, fluctuantes, indéfinies, cachées vont disparaître au profit des catégories de l’homosexualité et son pendant l’hétérosexualité, inventée et imposée par la psychiatrie, bienveillante ou malveillante, dans son intention de l’expliquer par la notion d’inversion sexuelle, une âme de femme dans un corps d’homme (ou l’inverse) dont nous ne sommes pas encore sortis.

Camille Anias (AL Tours)

• Laure Murat, La loi du genre : une histoire culturelle du 3e sexe, Editions Fayard, 2006, 355 pages, 20 euros

 
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