Culture

Lire : Naudin, « Journal d’un rescapé du Bataclan »




Prof, historien spécialiste de l’islam médiéval, Christophe Naudin s’est penché sur les récupérations politiques de l’Histoire. Mais il est aussi un amateur de rock et de bière. Et le 13 novembre 2015, c’est l’Histoire qui se penche sur lui, armée de kalashnikov. Il est dans la fosse du Bataclan, les corps s’effondrent autour et il trouve refuge dans un cagibi jusqu’à l’intervention de la police.

Malgré le trauma, la vie reprend. Mais ce n’est plus la même vie. Il décide d’écrire, en parallèle d’une thérapie, un journal dont il situe d’emblée l’enjeu  : comprendre ce qui lui est arrivé, ce qui nous arrive en fait puisque son journal, ironie de l’Histoire, est publié quelques jours avant l’assassinat de Samuel Paty, et qu’il évoque à plusieurs reprises ses craintes devant les risques et menaces visant les enseignants.

Même après avoir frôlé la mort, Naudin affirme combattre l’islamophobie. Quand d’autres ont basculé, lui refuse absolument tout amalgame. Et il récuse le concept d’islamo-gauchisme. Mais certaines postures dans sa famille politique, qui l’agaçaient avant l’attentat, le mettent définitivement en colère. Et il renvoie dos à dos, comme deux faces d’une même médaille, les islamophobes et ceux qu’il appelle « islamistophiles ».

Le journal raconte au jour le jour sa lente «  guérison  ». Comment il rompt progressivement avec des amis dont il ne supporte pas les propos. Il tient également une chronique des attentats islamistes à travers le monde (occidental surtout). Mais s’il annonce chercher une voie entre islamophobes et «  islamistophiles  », c’est surtout à ces derniers qu’il s’en prend. Qui aime bien châtie bien  ?

Entre islamophobes et « islamistophiles »

Le journal devient alors un réquisitoire à la Prévert, rejetant pêle-mêle Edwy Plenel et le CCIF, Bondy blog et Ramadan, Fassin et Bouteldja... C’est la partie faible du journal car si, en historien, il traque chaque approximation erronée, chaque cécité (en particulier à l’antisémitisme), chaque erreur manifeste et même les guillemets trop précautionneux, la critique théorique est trop souvent lapidaire.

Il faut néanmoins lire ce livre témoignage jusqu’au bout car il pose de vraies questions à celles et ceux qui luttent à juste titre contre l’islamophobie. Et dans sa postface, Naudin revendique d’avoir publié le journal brut de colère en reconnaissant sans doute des excès. Soit.

Reste qu’il nous manque toujours une analyse solide et stable pour comprendre comment fonctionne la machine à recruter les tueurs entrecroisant psychologie, sociologie, religion, géopolitique postcoloniale mais aussi rivalités entre régimes autoritaires, dictatures ou théocraties fondées sur l’islam. Peut-être l’objet d’un prochain livre, plus apaisé, alors que Naudin se pense seul au monde à poser la question d’un fascisme islamique  ?

Jean-Yves (UCL Limousin)

  • Christophe Naudin, Journal d’un rescapé du Bataclan, Libertalia, octobre 2020, 168 pages, 10 euros.
  • Lire aussi William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, Les Historiens de garde, Libertalia, 2016.
 
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