Lire : Théo Rival, « Syndicalistes et libertaires »




Il existe trop peu d’ouvrages analysant projet collectif et itinéraires militants, donnant la parole à celles et ceux qui en ont été les actrices et acteurs privilégié-e-s, tout en confrontant de façon critique les sources disponibles.
Syndicalistes et libertaires de Théo Rival, militant d’Alternative libertaire qui s’intéresse au projet politique de l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL), est de ceux-là.

Centré sur le militantisme syndical et l’intervention politique en entreprise de cette organisation, ce livre permet de mieux cerner les choix politiques en débat dans l’extrême gauche après 1968, et plus spécialement chez les libertaires et les syndicalistes révolutionnaires.

Les communistes libertaires ont alors tenté d’occuper un espace politique propre, entre les partisans de la construction du parti révolutionnaire comme principal débouché politique aux luttes, et celles et ceux qui ont fait le choix d’une autonomie de moins en moins ouvrière et plus faiblement liée à la contestation de masse que son homologue italienne.

L’UTCL au cœur des débats de l’après-1968

Si l’UTCL ne réussit pas, pendant ses années d’existence (1974-1991), à atteindre le seuil critique lui permettant de peser dans le champ politique, elle parvient à se doter d’une véritable stratégie, à la différence de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA, principale organisation libertaire de la première moitié des années 1970 dont est issu l’UTCL) qui s’est laissée porter par le bouillonnement contestataire des années 1970. L’expérience de l’UTCL a d’abord permis de renouer avec les pratiques ouvrières qui avaient contribué à donner un ancrage de masse aux idées libertaires à partir de la fin du XIXe siècle dans la CGT.

Le choix de mettre l’intervention ouvrière au cœur de sa pratique ne procède pas du fétichisme mais constitue une réponse à la montée de l’insubordination ouvrière post-68. Elle se traduit notamment par l’adhésion à la CFDT alors combative et autogestionnaire. Le reflux des luttes et le recentrage de ce syndicat dès 1978 amènent militantes et militants de l’UTCL à prioriser la construction d’une opposition qui incarne une alternative syndicale tout en étant autonome des partis.

Une histoire porteuse d’enseignements

Ce militantisme démontre son utilité en jouant un rôle dans le déclenchement des grèves des cheminots en 1986 et des instituteurs et institutrices en 1987, ainsi que dans la mise en place d’une démocratie directe assembléiste qui était alors loin d’être la norme lors d’une grève.

Lorsque la CFDT décide d’en finir avec les pans les plus radicaux de son opposition, l’UTCL est la seule organisation politique à soutenir la création des syndicats Sud, et de fait ses militantes et militants jouent un rôle-clef dans ce processus.

S’il valorise les points forts de l’UTCL, ce livre n’en masque pas pour autant les carences (activisme forcené, un certain élitisme, faiblesse organisationnelle). Il s’efforce par ailleurs de mettre en lumière d’autres aspects du combat communiste libertaire (antimilitarisme, féminisme, antiracisme, solidarité internationale...). Pour toutes ces raisons il fera date.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

  • Théo Rival, Syndicalistes et libertaires, Une histoire de l’Union des travailleurs communistes libertaire (1974-1991), Éditions d’Alternative libertaire, 2013, 12 euros. A commander sur la boutique AL en ligne.
 
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