Loi de « cohésion sociale » : le mensonge est un art !




Dans le grand jeu des petites manœuvres pour brouiller les cartes, Borloo semble en passe de réussir un exploit. Il s’affirme le digne héritier de Chirac et de sa « lutte contre la fracture sociale ».

Dans l’exposé des motifs du projet de loi dit de cohésion sociale, Borloo dresse un constat accablant (1 100 000 Rmistes, 1 500 000 familles surendettées, 50 % des jeunes de 16 à 24 ans au chômage dans les « zones urbaines sensibles », racisme en augmentation, doublement du « nombre de logements indécents »…). Face à cela, que propose Borloo ? Si l’on en croit le discours officiel, il s’agirait de mesures novatrices, attentives aux besoins des populations en difficulté.

Il est intéressant de comparer son texte avec d’autres textes officiels comme le « Document unique de programmation 2004-2006. Décision Commission européenne 2004-2021 du 7 juin 2004 » : les orientations sont les mêmes. La « fibre sociale » de Borloo est un simple habillage des « Objectifs de Lisbonne de mars 2000 », qui doivent être mis en application par la toute nouvelle et très réactionnaire Commission européenne en cours de nomination.

Jeune, la précarité te guette !

Face à la précarisation croissante de la jeunesse, Borloo propose :

 « Les jeunes sont orientés vers les métiers du plein emploi », ce qui signifie que leurs souhaits n’ont aucun intérêt. Seuls comptent les besoins des capitalistes.
 Des contrats aidés pour ceux qui ne sont pas adaptables. Dans le privé, « Contrat Jeune en entreprise », Civis (Contrats d’insertion dans la vie sociale). Dans le public, « 100 000 jeunes seront recrutés en alternance », ce qui implique une modification des lois statutaires des trois fonctions publiques.
 Des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises.
 Le développement de l’apprentissage avec un objectif affirmé de 500 000 apprentis.

Le projet Borloo n’est pas très original. Il se contente de réaffirmer les recettes du « traitement social du chômage » qui n’ont jamais rien résolu. L’insistance sur les formations en alternance, sur l’apprentissage est un alignement sur les objectifs de la Commission européenne visant à « faciliter le passage de l’école au travail et développer la formation en alternance ». Ainsi l’école, comme la formation en alternance, doit préparer des travailleurs adaptés au monde du travail tel qu’il est et aux emplois tels que les capitalistes les proposent : de plus en plus mal payés et avec des conditions de travail dégradées. Enfin, comment ose-t-il proposer le recrutement de 100 000 jeunes en alternance dans le public quand toutes les politiques suivies visent à diminuer le nombre de fonctionnaires, sinon pour préparer le remplacement d’emplois statutaires par des précaires ?

Mobiliser les chômeurs

Le texte de la Commission européenne dit des chômeurs qu’ils forment un « vivier d’emplois considérable » qu’il s’agit de mobiliser. Le plan Borloo se situe dans la perspective d’un assouplissement de la législation relative aux CDD et à l’intérim, des règles régissant les licenciements économiques, la durée du travail, le repos hebdomadaire, le temps partiel, etc. Il propose la création de 300 « maisons de l’emploi », dans le cadre, d’une part, de la privatisation rampante des ANPE (Chapitre I - l’article 5 prévoit la fin du monopole de placement dont bénéficiait l’ANPE, la possibilité pour l’ANPE de « créer des filiales »), et d’autre part d’une accélération des réductions et des suppressions des allocations à ceux qui ne s’impliqueraient pas suffisamment dans « une véritable recherche d’emploi ». Le « contrat d’avenir » est créé pour ceux qui perçoivent le RMI, l’ASS ou l’API (allocation de parent isolé).

Ce nouveau « contrat » de 26 heures minimum et de 3 ans maximum payées au SMIC horaire aidera surtout l’employeur qui touchera les allocations à la place du travailleur. La différence entre allocation et rémunération sera remboursée par l’État à l’employeur à hauteur de 75 % la 1re année, de 50 % la 2e et de 25 % la 3e. Ce sont donc les patrons qui sont assistés et ce sont les contribuables qui paient pour augmenter leurs profits. Concernant les chômeurs, Borloo les engage à passer de « l’assistance à l’emploi ». Pour eux, le contrat d’avenir c’est un avenir sans droit et un risque de perdre toute allocation en cas de conflit avec leur employeur.

Logement, égalité des chances…

Le plan Borloo comporte deux autres chapitres, le premier concerne le logement, le second l’égalité des chances.

Concernant le logement, les mesures proposées ne répondent en rien à la crise actuelle du logement et de plus comportent de nombreuses mesures perverses pour les populations déjà en difficulté :

 Au niveau national, 7 000 places supplémentaires de logement d’urgence, soit l’augmentation de 1,4 % du parc par an pendant cinq ans… Voilà qui va changer le monde !
 D’autre part, la loi affiche l’objectif d’augmenter le nombre de logements sociaux construits chaque année pour parvenir à un chiffre annuel de 120 000 (« répondre aux retards de construction de logements locatifs sociaux cumulés depuis plusieurs années »). Bel effet d’annonce qui repose sur un effort des organismes HLM et du 1 % logement et a toutes les chances de ne pas être tenu face aux restrictions budgétaires. Par contre, des modifications réglementaires prévues par la loi Borloo sont, elles, bien réelles :
 sous couvert du renforcement de la gestion « sociale » des impayés, la loi va rendre plus opérationnelles les décisions judiciaires d’expulsions locatives ;
 sous prétexte de mobiliser le parc locatif privé, des cadeaux sont faits aux propriétaires, et la loi les aidera à faire payer leurs locataires et, le cas échéant, à les expulser.

Quant au chapitre « égalité des chances », plus poudre aux yeux que ça, tu meurs ! Prenons simplement la question de « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». L’article 53 bis prévoit : « la salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité bénéficie de la part de l’employeur d’un droit à entretien professionnel ». De plus, l’article 53 ter incite le patronat à conclure des accords de branche permettant la prise en compte des congés parentaux dans la période de référence du droit individuel à formation. Ce sont les mesures « phare » concernant les discrimination subies par les femmes ! Le reste est à l’avenant.

L’alternative face à Borloo !

Au total, les dispositions réellement applicables du projet Borloo concernent la volonté de mettre en œuvre une « mobilisation pour l’emploi ». Tout le monde est appelé à s’engager dans la grande armée des petits bras du capitalisme. Même ceux qui n’ont aucun droit. Même quand il n’y a pas de travail. La loi Borloo est d’abord une volonté de mise au pas. Elle ne s’oppose pas à la montée de la précarité dans la société.

Les gadgets Borloo n’apportent rien dans la lutte contre la précarité. Il est plus que jamais nécessaire de se battre pour :

 Une refonte de la protection sociale du chômage dans son entier, avec pour socle une allocation mensuelle individuelle permettant de vivre dignement. Une telle mesure apporterait un début de solution à la faillite de l’Unedic et au développement des différentes formes de précarités. Le niveau de cette allocation ? La réponse est simple : peut-on décemment proposer à quelqu’un de vivre avec moins que le SMIC ?
 Renforcer les résistances contre la multiplication des plans sociaux, contre les délocalisations et contre toutes les nouvelles législations favorisant les licenciements.

Jacques Dubart

 
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