Lutte contre la casse des retraites : Pas vraiment menée, pas du tout gagnée




La mobilisation nationale contre le projet de loi du gouvernement sur les retraites ressemble à un très mauvais film. Mais le scénario en était écrit peu de temps après la journée de grève et manifestations du 10 septembre. La responsabilité des organisations syndicales est grande dans ce fiasco. Mais, cet échec est aussi le nôtre, militantes et militants impliqués dans la lutte sociale.

Tout avait relativement bien commencé. Dès début juillet, CGT, FO, Solidaires et FSU annonçaient une journée nationale de grève et manifestations contre la réforme des retraites pour le 10 septembre. Certes,
l’unité syndicale était incomplète, mais la défection des organisations soutenant la contre-réforme gouvernementale n’était ni une surprise ni un handicap pour s’opposer à celle-ci. La date retenue paraissait être dans le timing optimal  : deux mois pour préparer une action forte, suffisamment près de la rentrée de septembre pour permettre de construire une suite avant le débat parlementaire.

Stratégies

Las ! Dès ce moment-là, des erreurs ont été commises, des stratégies volontairement perdantes ont commencé à se dévoiler. Très peu d’équipes militantes ont utilisé les deux mois d’été pour mobiliser dans les entreprises contre le projet de loi. Cela concerne autant les collectifs syndicaux dans lesquels nous, militantes et militants révolutionnaires, sommes présents que les autres. Certes, en juillet et août, il y a les vacances, mais en dehors de l’Éducation Nationale il n’y a guère de secteur où «  on ferme  » durant ces deux mois. Par ailleurs, lorsqu’on présente un projet de loi comme une nouvelle régression historique des droits sociaux, il serait cohérent de ne pas se réfugier derrière les congés d’été (conquête importante, certes), pour ne pas préparer et construire le mouvement auquel nous appelons dans nos tracts et journaux ! La bureaucratie syndicale confédérale de la CGT et de FO a accompagné cette insuffisance de travail militant durant l’été, en limitant la production de matériel destiné aux équipes syndicales de terrain.

Le 10 septembre n’a pas été un échec mais est demeuré loin de ce que le rapport de forces nécessitait. Des centaines de milliers de personnes dans les rues, des débrayages dans divers secteurs professionnels, tant du public que du privé  : il y avait matière à rebondir. Les demandes de rencontre intersyndicale faites par l’Union syndicale Solidaires sont demeurées sans suite, la FSU disant son accord sans pour autant faire cette même demande, la CGT s’y déclarant favorable sans prendre la moindre initiative qui aurait confirmé cela. Les semaines ont passé, laissant la mobilisation retomber, les tractations entre gouvernement et certaines organisations syndicale se poursuivre, et le projet de loi se mettre en place de manière de plus en plus inexorable.

Absence de cadre unitaire

Parce qu’il fallait bien occuper les collectifs militants, on multiplia les courriers aux député-e-s, sénateurs et sénatrices. Comme s’ils ne savaient pas ce qu’ils et elles allaient voter  ! Le refus de la CGT d’organiser une suite au 10 septembre, l’incapacité de Solidaires à construire seule cette suite, l’absence de cadre unitaire rassemblant efficacement les collectifs syndicaux de lutte, ont laissé le champ libre à FO pour annoncer fin septembre «  sa  » journée de mobilisation du 15 octobre. Le message était clair  : il s’agissait d’une initiative identitaire, sans aucune volonté de construire un mouvement national interprofessionnel. Et pour être sûre de s’en tenir là, FO choisissait comme date le dernier jour de discussion de la loi à l’Assemblée nationale. Il ne manquait que les faire-part…

Sans autres buts que de ne pas laisser le terrain totalement libre pour FO et de répondre (bien mal) à ses équipes les plus combatives, la CGT annonçait quelques jours plus tard une semaine d’actions du 7 au 11 octobre  ! C’est ainsi qu’on se retrouva avec 200 personnes venues à l’appel d’UL CGT du Nord-Pas-de-Calais devant l’Assemblée nationale le 7, 300 retraité-e-s CGT, FSU et Solidaires le 8, et quelques rassemblements militants départementaux, dans cette même configuration intersyndicale, le 10. Le 15 ne fut guère plus réussi : de nouveau des rassemblements militants, et à Paris 900 mètres de manifestation CGT/Solidaires/FSU rejoignant le rassemblement national de délégués FO. Le tout représentant quelques petits milliers de personnes.

Renforcer, vraiment

Comment pouvait-il en être autrement, vu ce qui se passait, ou plus exactement ne se passait pas, depuis un mois ? On peut toujours continuer avec une nouvelle journée symbolique à la mi-novembre lors du vote au Sénat. Mais est-ce bien nécessaire de vouloir faire de notre défaite un symbole  ? N’est-il pas plus utile de tirer le bilan de cette défaite, de modifier nos pratiques en conséquence, de préparer la suite de l’affrontement social  ?
Les responsabilités des appareils, pas seulement confédéraux, CGT, FO, FSU est établie. Elle est même consubstantielle à leur existence. La trop faible implantation de Solidaires (et de la CNT-SO et de la CNT-f) pour construire une grève nationale interprofessionnelle est tout aussi connue. Dès lors, n’y a-t-il pas des enseignements à tirer : faire une priorité du renforcement des organisations syndicales agissant réellement pour une transformation profonde de la société, assumant et même revendiquant l’affrontement de classes  ? Reconstruire des lieux, non seulement de débats mais aussi de construction unitaire entre collectifs syndicaux de luttes, que ceux-ci soient à la CGT, à Solidaires, à la FSU, à la CNT-SO, à la CNT-f ou ailleurs  ?

Illusions électoralistes

Ces aspects organisationnels sont importants, mais ils ne peuvent être traités hors de la vie réelle des travailleurs et des travailleuses. Pour beaucoup, les seules victoires qui paraissent possibles aujourd’hui sont professionnelles ou locales. Repartons de là  ! Ces luttes ne sont pas révolutionnaires en elles-mêmes, elles peuvent le devenir dès lors qu’elles sont gagnantes et que nous agissons pour leur nécessaire coordination.
La casse des retraites n’est pas isolée des autres batailles menées par le patronat, qui poursuit la guerre sociale. Le gouvernement est là pour le servir. Les illusions électoralistes doivent sans cesse être dénoncées  : s’enfermer dans cette logique du sauveteur extérieur à notre classe et à nos
combats sociaux, contribue aujourd’hui à renforcer le poids du Front national.

Reprenons l’offensive  ! Si la radicalité est un des moyens d’en finir avec cette société capitaliste, qu’est-ce qui est le plus radical aujourd’hui  ? Répéter entre nous «  grève générale  !  » sans analyser l’état du rapport de forces ou assumer que nous avons perdu sur les retraites, en tirer le bilan et les conséquences  ?

C. Mouldi (AL Transcom)

 
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