Elysée

Macron réitère ses objectifs de guerre




Si la réélection de Macron n’est pas vraiment une surprise, le réflexe tout sauf Le Pen restant puissant, les bouleversements du champ politique sont eux d’une ampleur surprenante. À présent, l’agenda présidentiel est simple : finir le sale boulot au profit des capitalistes et des marchés financiers. Le camp des travailleuses et des travailleurs doit se préparer à mener de dures batailles.

Quelles tendances retenir de cette élection présidentielle ? Le bloc de l’électorat séduit par un libéralisme débridé qui lui serait profitable est bien loin de l’hégémonie. Certes l’OPA macroniste sur la droite est un succès majeur. Les fidèles de Sarkozy vont gonfler les troupes de LREM, et les plus fachos vont se rapprocher davantage de l’extrême droite. La fiction fondatrice d’En marche, un mouvement « et de gauche et de droite », est morte.

Si quelques personnalités issues du PS ou des Verts peuvent encore se faire acheter contre un ministère ou autre récompense, il est fort à parier que cela restera marginal. Le centrisme ultralibéral est bien à droite, et il n’a plus de réserves.

Une majorité au Parlement ?

Contrairement à Tony Blair qui avait entraîné dans son ultralibéralisme la majorité du Parti travailliste, Macron a dû se contenter de faire scissionner l’aile la plus droitière du PS et d’EELV pour fonder En marche. Mais depuis l’évènement fondateur de LREM, les ralliements socialistes ou écologistes se font rares, et plusieurs personnalités de ces sensibilités ont abandonné le navire Macron. De ce point de vue, il ne faut pas, malgré leurs scores minuscules, enterrer trop vite le PS et EELV.

Parce que si les partis peuvent disparaître, le réformisme reste une option idéologique naturelle chez toutes celles et ceux qui aimeraient une société « meilleure » mais rejettent toute option radicale. D’une manière ou d’une autre, une ou des formations politiques continueront à porter l’illusion d’un capitalisme à visage humain.

Parmi les partis de gauche qui portent encore des projets de transformation sociale, la réorganisation profonde des forces n’est plus évitable. Mélenchon doit maintenant gérer son succès, et réussir à construire une alliance qui pourrait aller du NPA aux secteurs gauche du PS et des Verts. Dans l’immédiat des élections législatives cela signifie un pacte politique minimum et une répartition des circonscriptions.

Rien n’est gagné, et on peut compter sur de nombreuses situations locales pittoresques  ! Et pourtant la situation est inédite. Le regroupement des électeurs s’est fait autour de trois grands blocs : gauche, droite libérale, extrême droite.

S’il se répète en juin, ce scénario promet de très nombreuses triangulaires dont le résultat est par essence incertain. Rien ne dit que Macron aura une majorité pour gouverner. Rien ne dit non plus l’ampleur des gains en députés pour la gauche mais aussi pour les fachos…

Personne n’aura voté Macron grâce à ses concessions à caractère social, comme sa reculade verbale sur la retraite à 65 ans. Néanmoins il sera toujours temps de lui rappeler qu’il s’est prononcé pour une planification écologique et pour l’indexation des retraites sur l’inflation  !

Mais en vérité son projet est connu : finir de casser toutes les barrières légales et réglementaires protégeant nos acquis sociaux et nos services publics : l’école et l’hôpital seront achevés pour permettre au capital d’investir plus largement dans les deux secteurs. Pour l’école, égratignons au passage ces milieux « alternatifs » qui sont déjà en train de construire des structures privées où mettre leur progéniture à ­l’abri dans des établissements supposés d’excellence ce qui, en milieu rural particulièrement, contribue à accélérer la fermeture de petites écoles publiques…

L’audiovisuel public menacé

Au moment où l’ultraconservateur et richissime Bolloré s’empare de pans entiers de la presse et de l’édition du pays, Macron nous promet la suppression de la redevance audiovisuelle. Ce qui signifie que, sous-financé, le groupe public France Télévisions sera lui aussi livré à l’appétit des investisseurs privés, en multipliant les contenus publicitaires et low-cost, et en cédant certaines chaînes et radios à quelques grands patrons avides d’influence.

Sur le terrain de l’écologie, il va poursuivre son soutien aux revendications de l’agro-industrie et relancer le nucléaire, sous le prétexte illusoire du réchauffement climatique. Sur la lutte contre les violences faites aux femmes, chacune et chacun sait que les budgets ne permettent pas de tenir les quelques engagements pris. Sur le terrain démocratique, il est probable que ses penchants bonapartistes s’aggravent dans une fuite en avant pour tenir les cinq ans du second mandat. ­L’arrestation brutale de Jean-Baptiste Eyraud lors d’une récente manif déclarée par DAL à Paris en est un signe parmi d’autres.

Autres signes  : la rhétorique et la répression visant différentes militantes qualifiés hâtivement d’«  ultra-gauche  », comme la dissolution d’un groupe antifasciste à Lyon. Clairement, il est impératif d’aider au renforcement des associations combatives sur tous ces terrains.

Sur le terrain social enfin, le RSA avec activité obligatoire signerait la normalisation du travail sans vrai salaire. Il faut s’y opposer avec force. Quant à la retraite à 65 ans, elle sera bien sûr « la mère des batailles », le Medef s’étant déjà offusqué de la reculade à 64 ans.

Préparer la riposte sociale et politique

Il est probable que nous bénéficiions d’un sursis en attendant les élections législatives. Mais si elles devaient une nouvelle fois offrir la majorité absolue à Macron, il est à craindre qu’il frappe très fort dès l’été, profitant d’un effet de sidération et des congés. Dès aujourd’hui, nous avons à défendre nos salaires, nos pensions, nos aides sociales, rongés par le retour d’une inflation forte.

Avec 8,5 % d’inflation en mars aux États-Unis, il faut s’attendre au pire, d’autant que les dépenses contraintes – chauffage, trans­port, électricité, alimentation – vont atteindre des sommets. Les syndicats enregistrent d’ores et déjà un regain de grèves sur les salaires. Voilà l’enjeu central d’ici l’été.

Tous les candidats l’avaient d’ailleurs intégré dans leur propagande électorale. Cette reprise d’agitation sociale qui, davantage que la fonction publique, touche les entreprises privées, y compris de petites sociétés, est un véritable encouragement à relancer la syndicalisation.

Si les salaires sont durablement sur le devant de la scène, il faut aussi préparer, sans doute pour la rentrée, les conditions d’une grève générale contre la casse des retraites. Préparer c’est un travail concret, avec des assemblées dans chaque atelier, chaque service. Il faut inciter les collègues à faire un bas de laine pour tenir la grève, construire l’unité syndicale la plus large jusqu’à des comités permanents de mobilisation, mettre en place au plus près des salariées des caisses de grève gérées démocratiquement en intégrant les non-syndiquées là où c’est nécessaire.

Mais il s’agit aussi de préparer les conditions politiques d’une grève générale. Alors que les partis de gauche et leurs militantes sortent d’une séquence électorale où ils se sont divisés et insultés à longueur de temps, c’est dans les syndicats de lutte qu’ils et elles peuvent et doivent se remettre au service des luttes. Plus que jamais, la « double besogne » du syndicalisme révolutionnaire et l’indépendance des syndicats doivent être défendues. Une boussole naturelle pour les communistes libertaires.

Jean-Yves (UCL Limousin)

 
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