Médias et propagande : L’industrie du Mensonge de John Stauber et Sheldon Rampton




D’abord parue en 2004, cette nouvelle édition de L’industrie du mensonge s’additionne d’études de cas françaises et d’une préface qui pose nettement le problème de la propagande : s’il faut vraiment d’une démocratie, il faut qu’elle soit contrôlée. Un puissant appareil d’information doit préserver les élites des classes populaires et contribuer à la liberté des entreprises, en maquillant leurs faits, gestes et paroles.

Le lobbying – c’est de lui qu’il s’agit – est un pur produit de la société « démocratique », chargé de poursuivre comme aurait pu le dire Clausewitz, la guerre sociale et économique par d’autres moyens.

Du sondage au groupe de pression, de la campagne publicitaire pour faire consommer ou pour faire écran, de l’élaboration de la législation à son encadrement au plus haut niveau étatique, les techniques de lobbying sont extraordinairement créatives. L’essentiel des exemples est étasunien, mais chaque chapitre s’assortit d’un « contrepoint » français ou européen. Fourmillant, la petite histoire rencontre la grande : atermoiements de l’industrie nucléaire, collusion des lobbies avec les narcos Colombiens et le Pentagone, Haïti, Nicaragua, Chiapas, nul endroit où les lobbies n’ont pas la main. Comme savent le faire les journalistes d’investigation étasuniens, les auteurs ont réalisé une description factuelle, étayée, vivante des stratégies des lobbies, précieux catalogue pour militants vigilants : espionnage, écrans de fumée, techniques de division-récupération, décodage de « comment les consultants rédigent l’information ». Des dizaines d’exemples où le criminel le dispute à la tromperie quotidienne, le livre rappelle que même appliqués aux « bonnes causes », le lobbying n’est jamais neutre : « il n’y a pas de bon lobbying ». Mais il est le signe aussi que l’opposition existe, que la démocratie pose problème au pouvoir, et donc, qu’en creux, celui-ci est néfaste par nature.

En guise de conclusion pour que les lobbies n’aient plus barre sur nous , les auteurs proposent des contre-feux consistant à ne dépendre que de nous-mêmes : vigilance (ADN, données personnelles), et alternatives : « s’investir dans des initiatives (locales) échappant au contrôle des grands groupes (…) susceptibles d’aborder (plus) directement les problèmes ». Bref, autogestion et résistance.

Cuervo (AL Banlieue Nord-Ouest)

John Stauber , Sheldon Rampton, L’industrie du mensonge : Relations publiques, lobbying et démocratie, Agone, 2012, 406 pages, 14 euros

 
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