Syndicalisme

Mory Ducros : Cas d’école de stratégie patronale




L’offre de reprise validée le 4 février du transporteur Mory Ducros par la société Arcole prévoit les licenciements de 2.790 des 5.000 salarié-e-s. Il s’agit du plus gros plan social depuis Moulinex en 2001, et pourtant Montebourg le considère comme une « victoire ».

Scénario classique que celui du plan social à Mory Ducros. Comme à FagorBrandt, l’intervention de Montebourg laisse imaginer aux syndicats que pour peu qu’ils se tiennent à carreau, celui-ci va leur dégoter de bons repreneurs. Mais la meilleure offre présentée au comité d’entreprise du 23 janvier ne concerne que 1 900 salarié-e-s, avec des primes de licenciement de 7.000 euros en moyenne. A cela s’ajouteraient 2.000 intérimaires et 2.000 salarié-e-s de sous-traitants selon les syndicats.

Cette annonce a provoqué la colère des salarié-e-s, qui ont envahi le CE. La grève a démarré dans plusieurs agences le lundi 27 fluctuant autour d’une vingtaine de sites (sur 85) durant la semaine. De fait, la révélation (illégale) du détail du plan social avant le CE a démobilisé les salarié-e-s sur les sites non-impactés. La CFDT (31,9% des voix aux dernières élections professionnelles) et la CGT (30,9%) ont refusé de signer l’accord de reprise et ont soutenu les débrayages mais sans appeler franchement à la grève au niveau du groupe, préférant des actions « coup de poing » au moment du CE ou sur la plus grosse plate-forme du groupe à Artenay (Loiret) le 29 janvier.

Pétition téléguidée par la direction

Le patronat est passé à la contre-offensive en lançant un ultimatum : si les blocages ne cessaient pas, Arcole retirerait son offre, qu’elle relevait au passage à 2210 salarié-e-s. En parallèle, une pétition dite des « 2.210 pour la reprise de Mory Ducros », très relayée médiatiquement, en fait signée par 606 personnes sur Internet, appelait les syndicats à accepter l’offre de reprise. L’Humanité a révélé des courriers transmis aux cadres du groupe, tous repris par Arcole, confirmant la «  validation  » de la pétition par la direction, organisant la mise en place de «  correspondants  » médiatiques locaux, et recommandant d’insister sur le fait « qu’il n’y a aucune instrumentalisation de la part des directeurs régionaux ». Les cadres ont également organisé une campagne de pression sur la CFDT à tous les niveaux.

Montebourg a, de son côté, mis tout son poids dans la balance pour obtenir la signature de la CFDT. Il a dégainé son fonds de sauvetage en engageant l’État à hauteur de 17,5 millions d’investissements remboursables dans l’entreprise (soit autant que le repreneur Arcole) et annonce mardi 4 février avoir des engagements moraux auprès d’entreprises publiques pour la reprise de 1.000 salarié-e-s, dont 500 à la Poste et la RATP. De tels engagements avaient déjà été avancés auprès des salarié-e-s de PSA-Aulnay, qui ont interpellé le ministre fin janvier pour les lui rappeler...

Ces pressions, ainsi qu’une dernière hausse à 10.000 euros en moyenne des primes de licenciement, ont finalement eu raison de la CFDT, la fédération des transports ayant signé l’accord le 4 février, soi-disant en passant par-dessus la CFDT de Mory Ducros. Soi-disant, car plusieurs salarié-e-s témoignent dans la presse de leurs doutes et imaginent plutôt une répartition des rôles entre les deux.

Cette lutte témoigne malheureusement de la difficulté des salarié-e-s à se mobiliser dans l’unité contre un patronat de combat, soutenu par le gouvernement.

Grégoire (AL Orléans)

 
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