Ier congrès de l’UCL (Fougères, 28-30 août 2021)

Motion d’orientation générale de l’Union communiste libertaire




Bilan et perspective après les deux premières années d’activité de l’UCL.

Alors que les mobilisations climat, féministes et antiracistes rencontrent un écho planétaire et soulignent des enjeux de lutte similaires à différents endroits de la planète, la pandémie est venue rappeler que les bourgeoisies sont toujours adossées à des États-nations intrinsèquement égoïstes. Partout le capitalisme et sa version néo-libérale provoquent les mêmes résultats : les riches s’enrichissent toujours plus quand les pauvres connaissent une dégradation symétrique de leur situation, ce qui finira inévitablement par produire des explosions sociales.

En Chine, le capitalisme dirigé a propulsé ses nouveaux milliardaires aux premiers rangs des classements de Forbes et a permis l’élévation vertigineuse du niveau de vie d’une partie de la population. Cette nouvelle bourgeoisie veut dorénavant sa place au banquet des puissances impérialistes majeures. Cette redistribution des cartes multiplie les risques de conflits armés. Elle provoque déjà des guerres économiques mettant à mal les théories ultralibérales chères à l’OMC, dont l’idée selon laquelle l’accroissement du commerce international apporterait la paix entre les nations.

Les délocalisations massives de production de marchandises vers les pays du Sud font surgir un nouveau prolétariat dont les luttes seront déterminantes sur le chemin de l’émancipation sociale.

La pandémie du Covid-19 ou la faillite du capitalisme et de l’étatisme

Ce que le Covid-19 nous dit du capitalisme

La crise sanitaire et économique a été gérée par et pour les capitalistes, en France comme dans le monde. Chaque décision stratégique (couvre-feu, fermeture des écoles, ouverture de lits de réanimation, etc.) a été prise en suivant un principe : minimiser les pertes des profits de certains commerçants, artisans et petits patrons tout en préservant les gains du grand capital (actionnaires les plus riches, spéculateurs financiers) en canalisant le mécontentement de la population. Pour les pertes inévitables, l’État a largement débloqué des fonds afin de venir en aide aux actionnaires. Le fait que les formes graves et incapacitantes du Covid aient moins touché les personnes en âge de travailler a permis aux employeurs de maintenir leur production sans avoir à poser la question de la santé des travailleurs et travailleuses. Dans les rares secteurs où se sont posés des problèmes de main d’œuvre, la pénurie a été gérée par le travail de personnes au chômage ou/et de bénévoles (agriculture ou secteur sanitaire). Les rares décisions qui n’ont pas été prises sous pression du patronat ont été motivées par des fins électoralistes (déclaration du 1er confinement une semaine trop tard à cause des municipales, etc.).

Ainsi, la gestion de la pandémie rappelle que, dans le capitalisme, les travailleuses et les travailleurs sont des variables d’ajustement.

Par ailleurs, l’État capitaliste s’est montré incapable de s’adapter rapidement à la crise. Les réductions de budget de l’hôpital public, l’état déplorable et les sous-effectifs en Ehpad, ainsi que le sous-financement de la recherche publique, quand la “recherche et développement” privée se gave de subventions publiques, sont à incriminer. Les coupes dans les budgets publics pour réduire les dépenses de l’État, et dans les budgets privés pour augmenter les profits, sont directement responsables de la difficulté à gérer la crise. Cette destruction planifiée de longue-date de l’État social est assumé par l’exécutif.

Le fait que la production, qu’elle soit locale ou internationale, est dirigée par le capital et non par des intérêts politiques collectifs, démocratiques et populaires empêche que tout soit mis en œuvre pour produire ce qu’il faut pour répondre à la crise du coronavirus dans les temps. La pénurie de masques, de sur-blouses, de respirateurs, pendant des mois, est due en premier lieu aux choix des capitalistes de ne pas en produire suffisamment et en urgence, et elle a été aggravée par la délocalisation de la production à l’autre bout de la planète pour maximiser les profits capitalistes. La pénurie de vaccins a ensuite révélé une deuxième catastrophe, au cœur de la logique capitaliste : la propriété intellectuelle, donc la possibilité, pour les capitalistes, d’interdire une production en masse des vaccins dont ils détiennent les brevets.

Mais la crise sanitaire a également été un accélérateur de la crise économique. Si l’effondrement économique que beaucoup attendaient n’a pas (encore) eu lieu, les plans de licenciements se sont multipliés. Effet d’aubaine pour certains patrons, qui mettent sur le dos de la crise des velléités de licencier antérieures. Réelles difficultés économiques dans d’autres secteurs. Mais les plans de licenciements cachent une réalité encore plus terrible : de nombreux intérimaires, salariées en CDD et auto-entrepreneurs ont perdu leur emploi, entraînant une hausse de la pauvreté. Le capitalisme néolibéralisé produit et tire un intérêt de l’existence de millions de travailleuses et travailleurs privées d’emploi, dont le nombre toujours plus élevé risque de mettre plus de pression encore sur les conditions de travail, sur les salaires et sur les cadences des travailleuses et des travailleurs ayant un emploi.

L’État, plus préoccupé de contrôle social que de lutte contre l’épidémie

La réduction de la pandémie passait à minima par un refinancement historique des services publics de santé et d’éducation. L’État a mis sous le tapis cet impératif tout en distribuant des milliards d’euros d’aides aux grands groupes. En paravent, et pour se prémunir des contestations, l’État s’est appuyé sur la loi d’État d’urgence sanitaire pour restreindre nos libertés, et renforce son appareil répressif avec la loi sur la Sécurité Globale…

Des millions d’euros d’amendes, un second confinement taillé sur mesure pour le patronat, des interdictions périodiques des manifestations, un couvre-feu calibré pour maintenir la production à un niveau maximal, tel est le continuum permettant à l’État de défendre l’ordre social inégalitaire. La loi “séparatisme” constitue un pas supplémentaire dans le durcissement autoritaire et raciste de l’État.

L’environnement sacrifié

De nombreuses et nombreux chercheurs et chercheuses ont expliqué que la pandémie est certainement liée à la proximité des centres d’élevage intensif avec la faune sauvage et à la déforestation, et que sans changement de modèle, de nouvelles pandémies sont à craindre. Pourtant, ils et elles n’ont pas été écoutées.

Dans le même temps, des pans entiers de l’économie sont sous le contrôle total du capital autoritaire et centralisé. Il n’existe à leur sujet aucun débat public, partant de la base. Cette gestion de l’économie par le capital implique une course effrénée aux profits. Celle-ci se fait au détriment de l’environnement et de la sécurité de tou.te.s. C’est le cas de la gestion actuelle des énergies dites renouvelables (production ultra polluante de panneaux solaires et éoliennes), des sols (fracturation hydraulique pour extraction de gaz et pétrole qui corrompe les sources d’eau potable), de l’énergie nucléaire (quantité croissante de déchets mal gérés et risques d’accident), de la qualité de la production (obsolescence programmée et dégradation volontaire de la qualité et de la durée de vie des biens et services produits), de l’agriculture (productivisme, réintroduction des néonicotinoïdes, insecticides néfastes pour la biodiversité et notre santé). D’une manière générale l’augmentation de la consommation énergique de nos sociétés au service des intérêts capitalistes a des conséquences environnementales inévitables. Les travailleurs et travailleuses de la terre sont en première ligne face aux dangers du productivisme, et leurs combats seront moteurs pour en sortir.

L’impuissance des États à résoudre la question écologique est patente. Les grands sommets internationaux tels que les « COP », véritables réunions de pompiers pyromanes, n’y changent rien. En France, le gouvernement, officiellement condamné pour « inaction climatique », a fait en sorte que les propositions issues de la « Convention citoyenne sur le climat » ne remettent pas en cause la course aux profits. Un éventuel référendum pour inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution ne serait qu’une mascarade destinée à masquer la vacuité des mesures gouvernementales en faveur de l’environnement.

Face à cela, des luttes pour l’environnement et la justice environnementale existent, notamment contre des grands projets industriels. Aujourd’hui, le slogan revendiquant la « convergence des luttes sociales et écologistes » est repris dans les mobilisations. Et le syndicalisme de lutte en vient de plus en plus fréquemment à participer à des mobilisations écologiques ou à donner aux luttes contre les licenciements une dimension écologique. Ces dynamiques encourageantes doivent se généraliser et s’amplifier face au compte à rebours climatique.

Combattre les fausses solutions

Face à la montée du nationalisme

L’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite dans plusieurs pays ces dernières années – Pologne, Hongrie, Italie… – accentuent le nationalisme et le racisme. En France, le Rassemblement national, omniprésent médiatiquement, se rapproche d’une victoire à l’élection présidentielle de 2022, en parallèle de mobilisations réactionnaires, comme celles contre la PMA, qui visent notamment les personnes LGBTI. Loin d’être un barrage à l’extrême droite, le gouvernement mis en place par Emmanuel Macron lui fait en permanence la courte-échelle en reprenant ses idées-forces : mesures sécuritaires et liberticides, islamophobie assumée, chasse aux immigrées… La lepénisation des esprits dénoncée dans les années 1980 est maintenant largement avancée dans tous les partis électoralistes, même si la bourgeoisie et le capital préféreront toujours l’extrême-droite à la gauche même réformiste.

Pour autant, l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite en France serait un coup de massue pour toutes les oppositions au libéralisme. Elles seraient les premières cibles des mesures prises qui impacteraient fortement nos capacités de résistance. En effet, sans remonter au fascisme des années 1920, tous les États dont les gouvernements sont passés à l’extrême droite ces dernières années ont eu à cœur d’attaquer d’abord les organisations capables de leur résister, avec succès. Il n’est qu’à observer par ailleurs l’état du mouvement social et des forces politiques antifascistes dans les mairies conquises par le RN pour se convaincre que toute victoire de l’extrême droite ne rime pas obligatoirement avec la révolution sociale..

L’impasse du réformisme

De toutes parts, des appels à l’union de la gauche sont émis, pour que LFI, PCF, EELV, Génération.s fassent alliance en vue de l’élection présidentielle de 2022. Pourtant, au-delà des questions de personne, les réformistes échouent à proposer un projet émancipateur qui emporte une adhésion large et permette de croire à une présence de la gauche réformiste au second tour.

Le réformisme, même drapé sous des habits neufs, entretient l’idée d’un État neutre, d’une république conquise par la seule voie électorale permettant d’imposer des réformes sociales sans résistances du camp bourgeois. En réalité, si la gauche de gouvernement devait remporter les élections de 2022, elle se retrouverait face aux intérêts du patronat et à la volonté de la bourgeoisie de ne rien céder. Si les mobilisations sociales n’étaient pas en capacité alors d’être fortes et d’avoir leur propre calendrier, il serait fort probable que cette gauche de gouvernement fasse tampon entre les aspirations populaires et les capitalistes, pour finir par se conformer à ces derniers comme cela a été le cas en Grèce.

Face à la crise, le combat révolutionnaire peut être à même d’emporter l’adhésion de secteurs importants de la société. Il faut pour cela poursuivre notre démarche d’un combat renouvelé et ouvert sur le plan des pratiques et des idées, cherchant à s’extraire de certaines cultures militantes (refus de l’échange, discours hors sol, entre-soi). Les révolutionnaires et notre courant en particulier auront un poids politique en capacité de peser sur le cours des événements si nous nous donnons les moyens d’incarner dans les luttes une perspective révolutionnaire et libertaire. Pour ce faire, nous avons à mettre au centre de notre intervention militante, le choix d’animer et de développer les organisations larges que sont les syndicats, les collectifs d’habitants afin d’être en capacité d’étayer notre stratégie de fédération des contre-pouvoirs vers la construction d’un pouvoir populaire.

Dans cette perspective, nous cherchons partout où cela est possible à construire l’unité des forces anticapitalistes car nous savons quelle formidable force d’entraînement l’unité peut susciter chez les milliers de militant.es et salarié.es que nous côtoyons chaque jour au travail et sur nos lieux de vie.

La séquence électorale de la Présidentielle ne nous est pas étrangère. Bien au contraire, la majorité des salarié.es avec qui nous luttons se questionne quant à la capacité qu’une force issue de la gauche soit présente au 2d tour pour enfin, d’après eux et elles, tourner la page du libéralisme et de la menace national-conservatrice. Les divisions multiples des formations de gauche et la course à l’égo vont sans doute conduire les partis anti-libéraux de gauche à un échec aux élections, dont ils porteront la responsabilité. Mais nous savons combien cet échec pèsera aussi dans la capacité de la gauche sociale à lutter, tant et si bien qu’il n’y a pas d’alternative de masse crédible, anticapitaliste et anti-autoritaire qui soit en capacité d’émerger pour le moment. C’est pourquoi, notre positionnement politique tient avant tout compte des données actuelles des rapports de force. Ainsi, nous tenons un discours anticapitaliste et autogestionnaire qui ne se pare pas du drapeau de l’abstention comme celui du vote béat. Un discours qui pose la question de l’unité de chacun à son niveau, de toutes les forces politiques, sociales, syndicales pour construire sur le terrain, celui des lieux de travail et d’étude, des lieux de vie, des mobilisations populaires autour de l’Egalité, des Libertés et de la Solidarité, indépendamment des choix électoraux de chacun et chacune.

En particulier, dans le cas d’un duel au second tour entre un candidat LREM ou LR et un candidat RN, nous n’opposerons pas celles et ceux qui veulent faire barrage au RN et celles et ceux qui refusent de voter pour un candidat de droite.

Le complotisme n’est pas anti-système

L’idée qu’une poignée de décideurs mal intentionnés manipulent dans l’ombre les événements et l’information à leur profit n’est pas nouvelle. L’antisémitisme de nos sociétés actuelles s’est ainsi notamment développé en France autour d’un prétendu « complot juif ». Avec aujourd’hui un contexte politique, social et sanitaire favorable, l’audience des théories du complot est à la fois inédite et dangereuse pour notre camp social.

Malgré leur diversité, les théories conspirationnistes ont en commun de nier la réalité institutionnelle et sociale des rapports de domination et de refuser la pensée critique fondée sur des bases rationnelles et scientifiques. Elles ne proposent pas non plus, dans leur grande majorité, de projet de société émancipateur. Parce qu’elle véhicule un raisonnement simpliste et non matérialiste de la société et qu’elle désigne des bouc-émissaires, l’extrême-droite fraye volontiers avec le complotisme. On pense notamment à la théorie du « grand remplacement ».

Mais les théories du complot constituent aussi une réponse, certes dangereuse et fallacieuse, à des préoccupations sociales réelles. Elles prospèrent grâce à la faible audience de la critique sociale révolutionnaire. L’action de l’UCL contre ces idées ne peut donc être uniquement propagandiste. Le recul du complotisme sera le fruit de nos mobilisations sociales, permettant aux classes populaires et aux dominées de créer des solidarités, d’identifier les véritables oppresseurs et d’envisager un futur émancipé. La lutte contre le complotisme ne doit pas non plus épargner l’État et des médias lorsqu’ils créent ou relaient des théories du complot – par exemple avec la « gangrène islamo-gauchiste ».

Des résistances existent, mais ne fragilisent pas encore le pouvoir

L’urgence des luttes antiracistes

Depuis sa création, l’UCL a été partie prenante des grandes mobilisations antiracistes, qui s’organisent selon trois axes majeurs.

Dans la lutte contre l’islamophobie, l’UCL soutient la construction de cadres unitaires larges, incluant les organisations progressistes (comme les syndicats) et les associations antiracistes. Si l’UCL ne cherche pas à les y associer, la présence d’organisations confessionnelles dans ces cadres n’est pas un problème dès lors qu’elles ne défendent pas de projet réactionnaire et que les forces progressistes et laïques soient en situation de dynamique, prenant part à ces mobilisations tout en étant capables d’y porter clairement et distinctement leurs voix.

L’offensive islamophobe est désormais portée au plus haut sommet de l’État comme on l’a vu avec la loi « séparatisme ». Elle peut malheureusement s’appuyer sur les atermoiements d’une partie des forces progressistes, comme on a pu le voir lors de la dissolution du CCIF, une ONG active sur le terrain juridique, et abusivement qualifiée d’« officine islamiste » par le ministre de l’Intérieur.

Le caractère raciste des violences policières, particulièrement dans les quartiers populaires, en font un front de lutte à part entière, principalement auto-organisé par des collectifs de famille de victimes. Après la mort de George Floyd aux États-Unis, c’est autour du combat pour la vérité et la justice pour Adama Traoré que des mobilisations de masse ont explosé à l’été 2020.

Ces mobilisations sont porteuses de revendications propres (comme la dissolution de l’IGPN ou l’interdiction des techniques d’étranglement).

Les luttes des sans-papiers ont réémergé lors du premier confinement, du fait de l’aggravation des conditions de vie de nombre d’entre elles et eux à cette occasion. Un cadre unitaire, la Marche des solidarités, a été à l’initiative de plusieurs journées d’action des sans-papiers, de leurs collectifs et de leurs soutiens dans de nombreuses villes. Les grèves des travailleurs et travailleuses sans papier restent un des principaux leviers de cette lutte, auxquels doivent s’ajouter les mobilisations contre les centres de rétention administrative (CRA) et en solidarité avec les jeunes scolarisés (mineurs comme majeurs, isolés ou en famille).

Ces trois grands axes ne sont pas les seuls terrains de la lutte antiraciste : il faut saluer par exemple la remontée, à gauche, de la nécessité de lutter contre l’antisémitisme. Parce que le racisme divise les classes populaires, l’UCL a toute sa place à prendre dans les mobilisations antiracistes.

Un mouvement syndical en difficulté mais pas résigné

Ces deux dernières années ont été marquées, en plus de luttes sectorielles, pendant quelques mois par la grève contre la réforme des retraites, intense moment de luttes de classes. La grève historique de 2019-2020 a permis de réaffirmer l’actualité de la grève de masse comme mode d’action central des travailleurs et des travailleuses de certains secteurs. Elle s’ajoute à des épisodes contestataires marqués par un recours privilégié aux manifestations et occupations de rue (« Nuit debout », « gilets jaunes »…) qui se sont largement déployés en dehors des lieux de travail à partir d’autres fractions de la classe du travail.

Les limites éprouvées dans la généralisation et la reconduction de cette grève, notamment dans le privé, renvoient aux difficultés structurelles rencontrées par le syndicalisme aujourd’hui : des équipes syndicales moins nombreuses et moins formées, qui peinent à exister en dehors des « bastions » syndicaux de la fonction publique et des grandes entreprises, des outils interprofessionnels sous-investis, un syndicalisme de branche (adapté à l’éclatement et à la précarisation du salariat) à reconstruire, un répertoire d’actions peu diversifié, un syndicalisme d’accompagnement voire cogestionnaire qui se renforce… Ce n’est donc pas, une nouvelle fois, l’absence d’un « appel à la grève générale » venu d’en haut qui serait responsable de l’apathie d’un trop grand nombre de travailleurs et de travailleuses, mais bien notre incapacité à les convaincre sur le terrain de se joindre à l’action et de participer à son auto-organisation. Ce rappel n’exonère pas de réfléchir et de critiquer les pratiques et les stratégies des directions ou des exécutifs syndicaux lorsqu’elles encouragent la bureaucratie, le corporatisme et le compromis social. Le renforcement du pôle syndical de collaboration de classe, incorrectement qualifié de « réformiste », est également une donnée à prendre en considération.

Pour toutes ces raisons, un sursaut du monde du travail n’a pas encore eu lieu face à l’État et au patronat qui veulent lui faire payer la crise économique née du Covid-19. Des luttes syndicales, partielles et sectorielles, ont malgré tout permis d’obtenir de meilleures garanties de protection sanitaire au travail, une meilleure prise en charge du chômage partiel ou encore d’obtenir des indemnités plus élevées lors des plans de licenciements. Mais la coordination des luttes, dans le cadre de journées de grève interprofessionnelle ou d’actions unitaires contre les licenciements, n’a pas eu les effets escomptés.

Malgré ses insuffisances, l’outil syndical reste l’arme privilégiée par les travailleurs et les travailleuses pour défendre leurs intérêts. La tâche première des communistes libertaires est donc de reconstruire des outils syndicaux démocratiques, combatifs et ouverts à l’ensemble des questions écologiques, sociales (logement, transport, culture, énergie, alimentation…) et aux combats contre les discriminations (sexisme, racisme, LGBTphobie, etc.), à tous niveaux des organisations syndicales (section syndicale, syndicat, union locale, union départementale, fédération, confédération/union syndicale). Il s’agit d’organiser les travailleuses et travailleurs quel que soit leur statut (salariées stables, précaires, au chômage, en formation, à la retraite, « faux indépendants » et autres « ubérisées »…). Ce sont des conditions indispensables à un syndicalisme de terrain et à des victoires sociales, petites et grandes. A terme, les communistes libertaires entendent œuvrer, dans le respect de la démocratie syndicale et à leur échelle, à la réunification du mouvement syndical de classe et de lutte.

L’UCL continuera à valoriser les luttes syndicales et à favoriser l’engagement syndical de ses membres, dans le respect de la démocratie syndicale et pour y lutter contre une logique de fraction, afin de renforcer l’organisation collective des exploité.es, condition de luttes offensives.

Consolider le mouvement féministe en France

Le mouvement féministe est aujourd’hui l’un des premiers contre-pouvoirs dans le monde, engrangeant de nombreuses victoires, en termes de démonstration de force numérique, de droits obtenus et de reculs des gouvernements, bien que la montée des politiques réactionnaires entraîne aussi des reculs des droits des femmes. Il est en première ligne pour se battre dans ce monde globalisé parce qu’il a les capacités de fédérer. Pour une fraction grandissante de ce mouvement, l’État n’est pas la solution mais une partie du problème. Le recours à l’action directe y supplante toujours plus l’action parlementaire, ouvrant la voie à la démocratie directe et à des fonctionnements anti-autoritaires, proches de notre courant libertaire et les fonctionnements anti-autoritaires, proches de notre courant libertaire, sont toujours très répandus dans le mouvement féministe.

En France, la mobilisation féministe a été marquée par le refus des violences machistes qui a provoqué une réaction de masse.

Pour autant, en dépit des manifestations d’ampleur et de la montée des consciences antisexistes, il n’y a actuellement pas un élan d’organisation collective, ni même un renforcement des organisations syndicales dans les secteurs professionnels féminisés. L’organisation collective est indispensable à l’amélioration effective des conditions de vie et de travail, à la possibilité de poser concrètement les bases d’une subversion de l’ordre patriarcal et libéral. Aussi, depuis six ans, l’idée de grève des femmes peine à émerger à une échelle de masse.

La stratégie de l’Union communiste libertaire est de rejoindre, de renforcer et de soutenir les organisations féministes et LGBTI existantes, et en créer si elles n’existent pas. Ces contre-pouvoirs permettent de mettre en commun nos forces pour une émancipation par et pour nous-mêmes, face aux oppressions subies. Pour cela, nous y défendons l’autogestion, la combativité, l’indépendance, l’anticapitalisme, l’antiracisme et l’anticolonialisme.

A l’instar du syndicalisme, un mouvement féministe fort passe par un renforcement des organisations populaires, par le développement de son autonomie, par la prise de parole des premières et premiers concernées et par son unité.

Cet objectif est dénié et court-circuité par les tendances réformistes et libérales du féminisme qui tentent de caporaliser les mobilisations et de rabattre les revendications des opprimées. Notre féminisme libertaire est un féminisme de classe et de base. Il n’est pas une libération individuelle ou une simple prise de conscience, mais une lutte dont l’objectif est l’émancipation de toutes et tous.

Mieux se préparer au durcissement sécuritaire de l’État

Ces deux dernières années, le durcissement autoritaire de l’État s’est principalement traduit par deux lois : l’une sur le « séparatisme », l’autre sur la « sécurité globale ».

Le débat sur le prétendu « séparatisme » à l’œuvre dans la société française, lancé par Macron en octobre 2020, n’est rien d’autre qu’une nouvelle expression de l’offensive islamophobe. Stigmatisant les personnes de confession musulmane ou considérées comme telles, il a pour but de désigner un « ennemi de l’intérieur ». Il vise à entraver le débat public autour par exemple de la réalité du racisme d’État.

Les tentatives de construction d’un cadre unitaire contre la loi « séparatisme » (rebaptisée « confortant le respect des principes de la République ») ont été impulsées au départ par le Collectif du 10 novembre contre l’Islamophobie mais n’ont pas réussi à survivre à la vague d’instrumentalisation raciste ayant suivi le meurtre de Samuel Paty par un intégriste islamiste le 16 octobre. La capacité de résistance du mouvement social à ce moment a été durement éprouvée.

Le projet de loi sur la sécurité globale est intervenu au même moment, fin octobre 2020. Il a déclenché un puissant mouvement de contestation avec des centaines de milliers de manifestantes dans près d’une centaine de villes en France, les « marches des libertés » chaque samedi à compter de la mi-novembre.

À l’origine de ce mouvement, les syndicats de journalistes protestant contre l’interdiction de filmer la police ont eu un rôle prépondérant. Au plan national comme dans la plupart des villes, les structures interprofessionnelles CGT et Solidaires ont permis de structurer cette mobilisation, cette nouvelle loi sécuritaire faisant en effet peser de graves menaces sur les libertés de manifester.

Le mouvement a toutefois peiné à se structurer et, au plan national, l’animation en a été chaotique. Les convergences avec les mobilisations contre les licenciements ont été compliquées, voire inexistantes. De même qu’il a été difficile de prendre appui sur cette mobilisation pour faire rebondir celle contre la loi « séparatisme ».

La séquence de mobilisation contre la loi sécurité globale interroge donc crûment les capacités de résistance et d’organisation collective, jusque dans les structures de masse du mouvement social, face à un durcissement autoritaire du pouvoir d’État. Ce qui met les militantes révolutionnaires au défi d’ancrer ces contestations au sein des classes populaires.

L’action de l’Union communiste libertaire dans la période

Renforcer les contre-pouvoirs, contre l’avant-gardisme

Dans la période actuelle, le fossé est toujours plus grand entre d’un côté les attentes immédiates des exploitées (ne pas tomber malade, finir les fins de mois, ne pas perdre son boulot…) et leurs capacités à se mobiliser, et de l’autre les nécessités d’aborder des questions plus globales, plus politiques, pour construire une riposte d’ensemble. La tentation est grande de ne s’appuyer que sur des petits noyaux radicalisés pour riposter aux attaques. C’est l’option retenue, sous différentes formes, par certains courants avant-gardistes : insurrectionnalistes, léninistes etc. Cette stratégie est vouée à l’échec, quel que soit le front de lutte considéré : c’est par l’unité des exploité.es que nous pourrons construire une contre-offensive.

A l’inverse, ne se borner qu’aux revendications immédiates, sans voir le tableau d’ensemble, est tout autant une impasse. Cette stratégie mène au corporatisme, au localisme, et au fractionnement des luttes, et ne permet pas non plus une riposte d’ensemble.

C’est pourquoi notre premier investissement militant va dans le développement des contres-pouvoirs, c’est-à-dire d’organisations non spécifiquement libertaires, de classe, de masse et démocratiques. Nous y intervenons à la fois pour impulser des pratiques combatives, de terrain, et pour favoriser la convergence et la construction du tous ensemble.

Cela concerne naturellement les organisations syndicales, car c’est la forme privilégiée par les travailleur.ses pour résister sur leur lieu de travail et pour lutter en faveur des droits de celles et ceux qui en sont exclu-es (précaires, chômeurses…). L’intervention sur ces lieux de travail est primordiale pour . Nous n’abordons pas que les questions économiques au sein de nos organisations syndicales, mais faisons également le lien avec notamment la lutte écologiste et les luttes contre le patriarcat et le racisme (grève des femmes, grève de sans-papieres, lutte contre les discriminations, contre les violences sexistes et sexuelles au travail, etc.).

Les luttes populaires ne se réduisent pas au syndicalisme, d’où la nécessité d’intervenir aussi sur les lieux de vie : associations féministes, de mal-logé.es, contre les violences policières, écologistes etc. Les communistes libertaires y défendent également l’auto-organisation, l’action directe et la convergence des luttes, dans une perspective révolutionnaire globale.

La convergence des luttes contre la concurrence des luttes

L’UCL lutte contre toutes les oppressions spécifiques, sans exclusive. L’ensemble de ses membres ont vocation à œuvrer, parce qu’ils et elles en font partie, aux côtés de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs victimes de l’exploitation capitaliste pour leur libération intégrale. L’UCL place donc la lutte des classes « au cœur de [son] combat révolutionnaire » (extrait du Manifeste). Il importe, pour autant, de ne pas subordonner l’ensemble des combats à la lutte anticapitaliste ou de les hiérarchiser (« la classe avant tout »). Associer nos revendications anticapitalistes, antipatriarcales et antiracistes renforce les luttes plutôt qu’il ne les divise. Lutter efficacement contre le capitalisme suppose de construire l’unité populaire et doit tenir compte de l’éclatement du prolétariat en plusieurs fractions victimes du racisme, du sexisme et plus largement de discriminations. Réciproquement, l’abolition du patriarcat ou du racisme ne peut atteindre son but sans remise en question frontale de l’accumulation du capital par quelques-uns au détriment de l’immense majorité de l’humanité.

Comme par le passé, de nombreuses luttes populaires se retrouvent déjà à l’intersection de plusieurs systèmes de domination, sans qu’elles aient toujours besoin de le spécifier par un vocabulaire spécifique (« privilèges », « intersectionnalité »…). Les commissions « femmes », handicap ou antiracistes dans les syndicats, les luttes de sans-papiers, les grèves féministes ou encore l’afro-féminisme s’inscrivent par exemple dans cette perspective.

4.2.3 Les communistes libertaires défendent donc, au sein des contre-pouvoirs, la convergence des luttes, autrement dit l’articulation « classe, “race”, genre », et refusent leur mise en concurrence. Cette ligne de conduite implique de renforcer l’inclusivité des luttes, d’adapter nos revendications aux oppressions spécifiques et de créer du lien entre les différents collectifs de lutte.

La démarche du Comité Adama, ouverte aux gilets jaunes, aux syndicats ou encore aux associations écologistes, est à ce titre intéressante.

Plus que jamais nous devons investir dans la solidarité internationale, le syndicalisme international et dans le développement de notre réseau international : Anarkismo.

L’antifascisme a besoin de forces sociales pour enrayer ce danger, ici et ailleurs. L’UCL poursuivra les initiatives antifascistes dans des cadres unitaires, dans nos contre-pouvoirs féministes, syndicaux (VISA), etc. afin d’avoir un levier pour être audible et mobiliser largement celles et ceux qui ont intérêt à contrer cette menace.1

Consolider les acquis issus de la fusion

La fusion d’AL et de la CGA a permis de constituer une organisation unifiée et a créé un appel d’air. Au-delà, cette nouvelle organisation a séduit, sans pour autant mener de réelle campagne de recrutement, de nombreuses personnes sans expérience militante préalable. L’enjeu, maintenant, est de poursuivre ce développement quantitatif de l’UCL en proposant systématiquement une formation militante complète à celles et ceux qui rejoignent l’organisation. Cette formation doit permettre de consolider les bases politiques de l’UCL et d’accompagner les nouveaux et nouvelles adhérentes dans la mise en pratique de notre conception du militantisme, s’agissant en particulier de l’articulation entre intervention politique spécifique et intervention dans les organisations de masse.

À ce titre, il est nécessaire de poursuivre l’investissement des militantes et militants de l’UCL dans la construction et l’animation d’organisations syndicales et d’associations combatives : c’est indispensable pour toucher largement les travailleurs et les travailleuses et pour que notre ligne politique s’instruise des préoccupations quotidiennes, et non pas qu’elle torde le cou à la réalité pour la conformer à une idéologie.

L’UCL entend poursuivre le travail de confrontation et de convergence avec toutes les organisations anticapitalistes afin de contribuer à la refondation d’une force politique révolutionnaire qui soit en phase avec les données politiques et économiques de notre temps.

Nul repli de notre part sur un quelconque pré-carré idéologique communiste libertaire. Si notre filiation est celle de l’anarchisme ouvrier international, nous avons intégré et pouvons encore intégrer à notre identité et notre projet bien des réflexions de courants provenant du féminisme, de l’écologie, de l’anticolonialisme, et de l’antiracisme et des courants marxistes hétérodoxes. Cette volonté de synthèse et de dépassement idéologique reste d’actualité. Elle est nécessaire à la refondation d’un projet révolutionnaire contemporain qui imprime de larges secteurs de la société.

Promouvoir l’actualité du projet de société communiste libertaire, devenir une force politique qui compte

L’objectif de l’UCL n’est pas de s’adresser uniquement à celles et ceux qui ont l’habitude de battre le pavé et encore moins de ne s’adresser qu’aux cercles militants, mais bien de porter et d’incarner un discours audible en direction des travailleurs et travailleuses, que ce soit sur les marchés, les lieux de travail ou les lieux d’habitation mais aussi dans les médias, de la presse locale jusqu’aux journaux, radios, télévisions nationales.

C’est pourquoi la réflexion déjà entamée sur la forme du discours produit par l’UCL doit être poursuivie, en veillant à s’en tenir à des phrases simples, à limiter au maximum le lexique trop technique ou trop militant et à ne pas se montrer trop bavard.

 
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