Nicaragua : Ortega, du pouvoir populaire à l’affairisme libéral




Dans les années 1980, Ortega a gouverné le pays dans une logique populaire et progressiste. Mais depuis 2007, son clan s’est progressivement approprié les institutions dans une perspective clairement néolibérale.

À la tête du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), Daniel Ortega gouverne le Nicaragua de 1979 à 1990 avec une vision de pouvoir populaire et progressiste dans un pays ravagé par la guerre civile. En 1990, lors des élections présidentielles, bien que la majorité de la population soutiennent alors le FSLN, la lassitude de la guerre civile entre le gouvernement sandiniste et les Contras-révolutionnaires, financés alors par les Etats-Unis, ainsi que le rejet du service militaire obligatoire ont raison d’Ortega, qui contre toute attente, perd la présidentielle.

Revenu au pouvoir en 2007, Ortega, veut être candidat à sa succession en 2011. La constitution nicaraguayenne n’autorisant pas plus de deux mandats présidentiels il doit obtenir une majorité qu’il n’a pas à l’Assemblée (sénat nicaraguayen) en vue de la modifier. Il fait un pacte avec l’ex-président de droite Arnoldo Alemán du Parti libéral constitutionnaliste (PLC), alors emprisonné pour cause corruption durant son règne (1997-2002). Ortega négocie la libération d’Alemán en échange du soutien du PLC. Alemán est non seulement libéré mais aussi candidat aux présidentielles de 2011 et dans le même temps le Tribunal constitutionnel autorise Ortega à se présenter pour un troisième mandat. Après ces négociations avec un criminel de droite, il devient alors évident qu’Ortega n’a pas peur d’utiliser son pouvoir et les entités de l’État pour son bénéfice personnel. Depuis, il a conduit une politique de centralisation totale du pouvoir où tout les fonctionnaires de l’État doivent lui être fidèles s’ils veulent conserver leurs postes. Plusieurs exemples peuvent être cités  : l’obligation pour les fonctionnaires publics de participer aux évènements du Parti tels que les manifestations en soutien au gouvernement ou, plus récemment, l’interdiction de participer aux manifestations ou même de les approuver publiquement. Plus de 130 médecins et 40 professeurs de l’Universidad nacional autónoma de Nicaragua (UNAN) ont ainsi été licenciés. C’est avec cette stratégie de manipulation et de concentration du pouvoir qu’Ortega est «  réélu  » en 2011, puis en 2016 avec son épouse, Rosario Murillo, en tant que vice-présidente.

Une trahison du sandinisme

Du point de vue économique, ce n’est pas mieux. En 2007, Ortega a bénéficié d’un énorme soutien de la part du Venezuela d’Hugo Chavez pour répondre aux besoins pétroliers du Nicaragua. Il en profite alors pour s’enrichir lui et sa famille et pour contrôler le pays. L’aide vénézuélienne ne fut jamais administrée par l’État mais par l’entreprise privée Albanisa, dont la filiale Petronic, qui fournit du pétrole, est la propriété de la famille Ortega-Murillo. Un de leurs fils Laureano Ortega, est le directeur de l’Agence Pro-Nicaragua qui était chargée de gérer l’investissement de 50 000 millions de dollars pour la construction du Canal du Nicaragua, projet qui n’a jamais démarré et qui a été très contesté par les paysans. Ces fonds ont permis à la famille Ortega-Murillo de créer toute une série d’entreprises privées et de devenir propriétaires des principaux médias dont des chaînes de télévision et des radios. Ortega a tissé des relations avec les milieux d’affaires, créant des zones franches et offrant des concessions importantes à condition que ces personnes n’interviennent jamais en politique. Ortega contrôle ainsi toutes les institutions étatiques, la justice et la police. Les intérêts économiques de la famille Ortega-Murillo, et la conduite d’une politique complètement néo-libérale soutenue par le FMI sont la preuve d’une trahison du sandinisme et de toutes celles et ceux qui ont lutté pour la révolution. C’est pour cette raison que plusieurs anciens combattants de la révolution et anciens dirigeants du FSLN, comme Dora Maria Téllez ou même le général Humberto Ortega, frère ainé d’Ortega, critiquent le président pour sa politique peu progressiste, peu socialiste, violente et centralisée. Le slogan d’Ortega «  Nicaragua socialiste, chrétien et solidaire  » est un message vide. Son gouvernement n’a rien de socialiste et encore moins de populaire et progressiste, il s’apparente plutôt à une oligarchie néolibérale.

Pavel Bautista

 
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