Notre-Dame-des-Landes : On sème après la victoire




Après la joie de la victoire, et la formidable manifestation qui l’a célébrée, la lutte entre dans une nouvelle phase, avec de nouveaux enjeux. AL continuera d’en être.

Dans un contexte où le mouvement social accumule défaite sur défaite, la victoire à Notre-Dame-des-Landes (NDDL) apporte une lueur d’espoir. Mais celle-ci n’est pas tombée du ciel. Parmi les particularités du mouvement contre l’aéroport, la plus importante a été sa capacité, non pas seulement à faire coexister, mais bien plus à conjuguer des pratiques militantes dissemblables. Entre le mouvement «  citoyenniste  » incarné par l’Acipa, les organisations professionnelles agricoles regroupées au sein de l’association Copain et les occupantes et occupants « radicaux » installé.es sur la ZAD – ces derniers étant multiformes dans leurs pratiques – la probabilité de d’éclatement du mouvement était grande.

Convergence des luttes !

Mais chacun et chacune savait à quel point chaque composante apportait une brique indispensable au combat. Et bon an, mal an, les assemblées générales régulières ont permis au mouvement de rester uni durant toutes ces années. Cela a permis des initiatives communes ou convergentes. Ce mélange de diversité des tactiques et de convergence des luttes a permis au mouvement de se renforcer, de construire sa légitimité et… de conduire à la victoire.

La construction un peu tardive d’un collectif syndical contre l’aéroport, organisant les syndicalistes de Solidaires, de la CGT et de la CNT opposés à l’aéroport, en lien avec Copain et avec une partie des occupantes et occupants, est sans doute le produit de cette unité et la dernière brique du rapport de force sur le terrain.

L’abandon du projet, première victoire du mouvement, a mis en difficulté cette belle unité. Mais les divergences n’apparaissent pas là où on aurait pu le redouter. Elles se manifestent au sein de la ZAD elle-même entre les différentes «  sensibilités  » qui traversent «  les zadistes  ». La grande majorité des occupantes et des occupants a commencé à construire son avenir sur cette terre, qui en produisant des céréales ou des légumes, qui en installant une boulangerie, une brasserie ou diverses activités artisanales. Une micro économie s’est construite, symbolisée par le «  non marché  » lieu d’échange fondé sur des «  prix libres  ». Ils et elles veulent aujourd’hui consolider leurs expériences, y compris en recherchant un modus vivendi avec les pouvoirs publics.

Gérer la fin de l’affrontement avec l’État

Toutefois une poignée d’irréductibles s’opposent aux décisions prises, soit parce qu’elles et ils se projettent dans un affrontement direct et perpétuel «  avec l’État  », soit parce qu’elles et ils craignent d’être les sacrifié.es des discussions futures que le reste du mouvement souhaite tenir avec les pouvoirs publics.

L’acte 1 de ce scénario s’est joué autour du nettoyage de la « route des chicanes » – promis aux habitantes et aux habitants du voisinage – c’est-à-dire de la route départementale 281 traversant la ZAD et symbole de la résistance. La grande majorité du mouvement a décidé de rendre la route à sa fonction de circulation – malgré l’opposition de ces quelques dizaines d’occupantes et occupants – à la fois pour éviter que la réouverture de la route ne serve de prétexte aux forces de l’ordre pour investir la ZAD mais aussi pour permettre l’ouverture de négociations avec la préfecture sur l’avenir des terres.

En échange de ce nettoyage, l’ensemble du mouvement s’est engagé à s’opposer à toutes les expulsions. Il appartient maintenant à l’ensemble du mouvement d’être attentif à ce que cette promesse collective soit tenue – en particulier lors des négociations avec les pouvoirs publics – pour permettre à toutes celles et ceux qui ont participé à la lutte en occupant le site d’y construire leur avenir. Un certain apaisement de la ZAD est inévitable pour permettre d’ancrer dans la durée les expérimentations qui ont vu le jour durant l’occupation  : autres formes de production agricole et autres façons de vivre sa vie, autant d’éléments porteurs de projet alternatifs et de réflexions anticapitalistes.

L’État, Vinci, et la chambre d’agriculture ne l’entendent pas de cette oreille, et veulent tuer dans l’œuf l’expérience. Quant au conseil départemental de Loire-Atlantique, dirigé par le PS et EELV, il a demandé à l’État la rétrocession des 895 hectares du site dont il a transitoirement été le propriétaire.

La bataille pour les terres sera au cœur de la lutte dans les mois et les années à venir et elle ne pourra pas être gagnée sans maintenir l’unité du mouvement. Il faut y conjuguer une opposition déterminée à toute tentative d’évacuation de la ZAD et la revendication d’une gestion des terres de la ZAD par le mouvement dans toute sa diversité – paysannes et paysans, naturalistes, riveraines et riverains, anciens et nouveaux habitants.

D’autres grands projets inutiles

Cette victoire à Notre-Dame-des-Landes en appelle d’autres. Nous pensons en premier lieu à tous ces grands projets inutiles, ou dangereux, tel le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse), le Center Parcs de Roybon (Isère), le projet No-TAV de liaison ferroviaire Lyon-Turin à moyenne vitesse, pour citer les plus emblématiques. Mais nous n’oublions pas cette multitude de projets, grands ou plus modestes, imposés aux populations en dépit de leur nocivité sociale ou environnementale.

Il est possible de gagner  ! C’est ce que démontre la lutte à Notre-Dame-des-Landes. Les opposantes et opposants à tous ces projets le voient. Il nous reste à instiller le doute dans l’esprit de nos adversaires !

Jacques Dubart (AL Nantes)


Une victoire  : ne boudons pas notre plaisir  !

Le gouvernement a annoncé l’abandon du projet d’aéroport le 17 janvier. La déclaration d’utilité publique (DUP) de l’aéroport est caduque depuis le 9 février, enterrant définitivement ce projet d’un autre âge. Le 10 février le rassemblement sur la ZAD pour fêter l’événement a été, avec plus de 30 000 personnes y participant, un gros succès populaire. Des personnes de tous âges, de partout en France et au-delà, ont fait le déplacement. Pour l’anecdote, les pro-aéroport rassemblaient le même jour à Bouguenais (Loire-Atlantique) à peine 300 personnes.

Par la participation de militantes et militants d’Alternative libertaire dans des collectifs de soutien à la lutte, par la contribution d’autres militantes et militants à la constitution et aux actions du collectif syndical contre l’aéroport et son monde, par la participation là encore de nos militantes et de nos militants aux actions du mouvement, par l’intervention directe de notre organisation dans les rassemblements publics à l’appel du mouvement, Alternative libertaire fait partie de celles et ceux qui ont œuvré pour que cette victoire éclose  !

Le 10 février, les militantes et militants des collectifs locaux d’Alternative libertaire étaient nombreux et visibles dans la déambulation du Gourbis à Bellevue, en particulier celles et ceux de Nantes, de Rennes, de Lorient, d’Angers, du pays d’Auge, de Fougère, de Paris. Cette journée était bien agréable, très familiale et, malgré la boue, festive. Le goût de la victoire était présent à tous les niveaux !

Jacques Dubart (AL Nantes)

 
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