Politique

Covid-19 : Nous mènerons aussi cette guerre sociale




Cette épidémie de Coronavirus est une première mondiale dans notre contemporanéité. Celle-ci révèle les inégalités et les contradictions inhérentes à la société capitaliste et rappelle dans quelle mesure la destruction du service public est un danger pour toutes et tous. Pourtant les gouvernements martèlent que l’heure est à « l’unité nationale » et que nous ne devrions pas céder aux divisions et encore moins aux oppositions.

Nous refusons les appels à l’Union sacrée et n’avons jamais attendu ses injonctions pour être solidaires. En tant que communistes libertaires, notre solidarité n’attend pas. De nombreuses solidarités se déploient pour pallier aux inégalités face au Coronavirus. À Bordeaux face à l’absence d’aide de l’État, des bénévoles/camarades se sont réuni·es pour aller à la rencontre des plus isolé·es, pour apporter un soutien matériel aux plus précaires.

Aux inégalités face au travail et au risque, s’ajoutent toutes les autres inégalités sociales, de genre et d’appartenance culturelle à travers les inégalités de confinement. Qui se voit ainsi contraint de continuer à vivre dans un 35 m2. Alors que pour beaucoup de riches et de possédants ce confinement est bien plus facile pour prendre soin de soi, des siens, pour d’autres ce confinement c’est être rappelé à sa réalité et condition sociales, c’est être fixé dans son quotidien de pauvreté, de misère et de solitude.

Nous ne voulons pas d’une solidarité qui applaudit mais d’une solidarité concrète

La gestion de cette crise accentue les inégalités et injustices. Par les contrôles de police qui ne cessent d’être racistes sexistes et classistes. Qui se fait davantage contrôler, arrêter, moraliser, traiter d’inconscient, voire d’irresponsable alors même que dans cette crise c’est le pouvoir qui nous montre son irresponsabilité.
Face à l’irresponsabilité de l’État quand elle oublie les SDF, les migrant·es, les handicapé·es. Des camarades se sont relayé·es pour apporter des vivres, le nécessaire hygiénique auprès des migrants. C’est aussi grâce au travail d’association et de bénévoles que des solutions de relogement ont été trouvé pour plusieurs adolescents (mineurs donc) avaient été abandonnés dans un squat à eux même. Rappelons que depuis l’été dernier la préfecture a pour politique de de vider les squats et mettre à la rue toutes les personnes sans-papiers sans aucune solution de logement. C’est donc, depuis des mois à des bénévoles, organisations, syndicats qu’est revenu la tâche d’aider ces hommes, ces femmes et ces enfants pour trouver un toit, se nourrir et avoir accès à un minimum d’hygiène. La situation s’étant évidemment tendue depuis le début du confinement.

L’État irresponsable quand il prend des mesures qui accentue à travers les situations d’enfermement les dominations vécues par de nombreuses femmes qui se retrouve enfermées avec un conjoint ou un père violent. C’est le cas aussi pour les enfants battus. Les chiffres de ces violences montent en flèche depuis le début du confinement. C’est ainsi que des associations et individu.es mettent en place des stratégies pour aider ces femmes à quitter leur logement et en trouver un nouveau.

Le risque est aussi accentué pour les étudiants et étudiantes les plus précaires. Certain·es survivaient déjà difficilement. Aujourd’hui ils et elles se retrouvent isolé·es, oublié·es dans des chambres du CROUS et appartements minuscules. Certain·es ont été victimes de tentatives d’expulsions. Des bénévoles enseignant·es, doctorant.es et étudiant·es qui déjà mobilisé·es contre les réformes des retraites et de la recherche sont venu·es à leur aide. Certain·es étudiant·es n’ayant pour certains pas pu manger depuis des jours. Car, avec la fermeture des commerces, restaurants, bars etc. beaucoup ont perdu leur emploi et ne peuvent survivre avec les bourses. Un pot commun solidaire a ainsi été créé pour pouvoir apporter nourriture et produit d’hygiène au pied des appartements.

Cette solidarité voit aussi le jour avec un réseau de militant.es de divers organisations, syndicats ainsi que des gilets jaunes qui confectionnent des masques en tissus quand d’autres parcourent la ville pour les collecter et les livrer aux personnels soignants.

On doute que l’État déjà démissionnaire puisse en faire autant. En témoigne les conditions de travail des personnels soignants. Après avoir été humilié·es et réprimé·es ils et elles se retrouvent aujourd’hui comparé·es à des héros, maigre pitance quand on sait qu’après des années de coupes budgétaires et de précarisation on les envoie aujourd’hui sauver des patient·es sans protection, en effectif réduit et pour un salaire de misère.

Que nous cachent ces appels à la solidarité nationale ?

Cette crise sanitaire rend plus visible la division. Nous ne sommes pas égaux face à l’épidémie. Celle-ci touche très différemment nos positions dans les divisions même de nos situations sociales. La crise sanitaire n’a pas supprimé les divisions de classes, de genre, de sexualité ou de « race ». Elle les montre au contraire dans toute leur acuité. Cette crise nous confine dans nos intérieurs et à nos places socialement déterminées. Ceci nous montre que cette « guerre sanitaire » est avant tout une guerre sociale qui touche les plus précaires et en particulier les femmes.

Être cadre supérieur ou patron d’une entreprise pouvant travailler de chez-lui n’est pas la même chose qu’être salarié·e en chômage partiel ou contraint·e de se rendre au travail sans protection sous peine de licenciement. Face aux risques nous ne sommes pas égales et égaux. On pense bien sûr aux personnels soignant·es et administratif de la santé, aux chauffeuses routières, éboueurs, travailleuses du bâtiment, caissiers, personnels de ménage etc. qui continuent à aller travailler pour un maigre salaire. Ils et elles ne sont pas invulnérables et prennent des risques chaque jour au contact des patient·es, client·es, collègues etc. Certain·es en ont déjà payé de leur vie.

Au même moment, beaucoup de gestionnaires du grand capital, patrons de centre commerciaux, actionnaires de lobbies pharmaceutiques, des GAFAM, mais aussi simples dirigeants d’entreprises, sont protégés, voire profitent de la situation économique. Eux sont remboursés à 100% lorsqu’ils dédaignent ne pas faire tourner la machine. Certains bénéficient même illégalement des aides de l’État en continuant à faire travailler leurs salarié·es ou ne mettent pas en œuvre les conditions de sécurité adéquates. Certains jours, l’indice boursier remonte en flèche et des grands groupes continuent de verser des dividendes records à leurs actionnaires.

C’est la continuité d’une guerre sociale, une guerre entre ceux qui profitent de la structure hiérarchique de nos sociétés et qui nous divisent nos expériences de vie, et ceux qui en sont les soubassements, qui la font tenir, malgré leurs propres intérêts, et qui sont contraints ou habitués à le faire et écrasés par elle. Cette guerre montre que nos sociétés sont traversées par des divergences d’intérêts, d’idéaux de solidarité, et surtout que la solidarité nationale n’existe pas. Cette solidarité est fortement marquée socialement et oppose les personnes qui restent cachées et donnent des ordres, et celles qui sont au front et s’opposent à l’avarice, la stratégie de division et l’égoïsme des classes capitalistes et gouvernementales.

Et ce pouvoir nous parle de solidarité ?

La solidarité réelle dans nos existences, la liberté et l’égalité réelles sont les éléments constitutifs de nos conceptions sociales, écologiques, et libertaires. Ces idéaux ne sont pas rattachés à des idéaux nationaux-républicains. Ils sont des idéaux de classes et d’internationalisme. Depuis longtemps nous réclamons une rupture avec ce système de surproduction capitaliste, que ce soit pour développer des moyens de production et distribution plus locaux, organisés de façon collective et autogérés par celles et ceux qui les font tourner, que les décisions soient prises par toutes et tous au profit de tous et toutes et non au profit des parasites du système se nourrissant du fruit de notre travail. Nous ne voulons plus que nos choix soient déterminés par les dominants. Nous voulons vivre dignement dans des conditions en accord avec nos valeurs libertaires.

Aujourd’hui nous revendiquons l’application générale du droit de retrait et la récupération par les travailleuses et travailleurs des activités sociales les plus indispensables. Nous exprimons notre souhait d’une réflexion poussée sur le partage des richesses et collectives des activités sociales et que chacun et chacune puissent s’en saisir selon ses capacités et selon ses besoins.

Reconstruisons de vraies solidarités sociales, libertaires et écologistes, repensons la production économique et locale, arrêtons de produire hors de nos besoins, repensons la question de nos conditions de vie. Matérialisons aussi la guerre sociale pour rompre avec la rhétorique nationale et sécuritaire ambiante !

Union communiste libertaire Bordeaux-Gironde, le 9 avril 2020

 
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