Palestine : La question des prisonniers




La grève de la faim suivie par plus de 4 000 prisonniers politiques palestiniens a remis sous les feux de l’actualité la question des prisonniers politiques palestiniens. Dans les années 70, leur nombre tournait autour de 18 000 avec une rotation importante, puisque la plupart d’entre eux n’ont jamais été condamnés à de longues peines.

Il suffit d’être soupçonné d’être actif dans la lutte contre l’occupation militaire pour être arrêté. Il est aujourd’hui difficile de trouver une famille dont aucun membre ne soit ou n’ait été emprisonné. De plus, les terribles histoires de tortures que les prisonniers ou leurs familles racontent renforcent la tendance et le désir de montrer une solidarité. Les anciens et nouveaux prisonniers forment un secteur écouté et influent dans la société palestinienne. Lors de la grève de la faim, manifestations, sit-in, grèves se sont déroulés dans chaque ville ou village dans les territoires palestiniens sans exception, expression d’un fort sentiment de solidarité avec la cause des prisonniers. Le slogan porté lors de ce mouvement : « pas de paix sans la libération de tous les prisonniers politiques » a permis de ressouder quelque peu le peuple palestinien, après les conséquences désastreuses des décisions de Yasser Arafat cet été.

Ce mouvement de grève de la faim était d’abord la conséquence d’une dégradation importante des conditions de vie dans les geôles israéliennes. Les revendications des prisonniers concernaient principalement : la cessation des mesures humiliantes (fouille au corps intégrale à chaque fois qu’un prisonnier entre ou sort d’une cellule), des mesures d’isolement sur de longues périodes (des mois ou parfois des années), des châtiments corporels et de la torture (dénoncée régulièrement par les associations israéliennes des droits de l’homme), les droits de visite, le statut des enfants prisonniers, l’accès aux soins adaptés pour les prisonniers malades, la séparation entre les prisonniers politiques et les détenus de droit commun, etc.

Pendant la grève de la faim, les autorités pénitentiaires ont fait des pressions énormes : refus de visite aux prisonniers par la Croix-Rouge, transferts incessants des prisonniers dans des cellules différentes, suppression du sel alors que les grévistes de la faim ne boivent que de l’eau salée, refus de soins médicaux, suppression de tout moyen de communication avec l’extérieur : plus de droit de visite pour les familles et les avocats, plus de journaux et d’accès à la radio-TV, plus de papier pour écrire.

« Au 18e jour de la grève, les noms de la direction unifiée des prisonniers ont été dévoilés, suite à leur mise en isolement dans la prison d’Ofik puis à al-Jalama, pendant que la direction des prisons entreprenait des négociations avec les prisonniers, alors qu’elle le niait encore. Ces négociations ont abouti à l’accord de la direction des prisons sur certaines revendications, avant que les dirigeants du mouvement des prisonniers soient de nouveau transférés chacun à sa prison initiale. La suspension de la grève a été déclarée. » (Communiqué du 10 septembre du comité de solidarité avec le député Hussam Khadr et les prisonniers.)

Au nom de la lutte « contre le terrorisme » !

Tali Fahima n’a jamais été impliquée dans quelque activité violente que ce soit. Mais depuis une visite dans le camp de réfugiés de Jénine, elle soutient activement les réfugiés. Avec un groupe de ses ami(e)s, elle a recueilli des dons pour rouvrir un club de jeunes dans le camp et est restée en contact avec les militants du camp. Fin 2003, Tali Fahima a déclaré aux médias israéliens qu’elle était prête à servir de bouclier humain pour Zakariya Zbeida, activiste principal du camp de Jénine, qui avait déjà échappé plusieurs fois à des tentatives d’assassinats de l’Etat israélien. Dès ce moment-là, Tali et sa famille ont commencé à subir des harcèlements systématiques : Tali a été renvoyée de son travail de secrétaire. Elle a dû quitter son appartement.

Après avoir été emprisonnée pendant vingt-huit jours sans aucune inculpation, Tali Fahima a été officiellement placée, dimanche 5 septembre 2004, en détention administrative pour une durée de quatre mois. La détention administrative, c’est l’arrestation sans qu’il soit nécessaire de justifier l’inculpation et sans qu’il y ait de recours juridiques possibles. Lors des vingt-huit jours d’interrogatoire préalables, Tali Fahima a été emprisonnée dans une petite cellule sans fenêtre, 24 heures sur 24, avec la lumière allumée en permanence. Elle n’a pu recevoir aucune visite de membres de sa famille. Elle a subi des interrogatoires pendant quinze à dix-huit heures, avec les mains menottées dans son dos.

Cet exemple rappelle comment la lutte « contre le terrorisme » est utilisée pour tenter de briser toute résistance, toute contestation de la politique coloniale d’Israël. Tout comme l’ont montré l’assassinat par l’armée d’un anarchiste israélien, lors d’une action contre « le mur », ou encore de plusieurs « internationaux », l’une écrasée par un bulldozer en tentant de s’opposer à la destruction de maisons, d’autres tués par balles. Orchestrée avec la collaboration active des médias, cette répression féroce ne s’exerce pas seulement contre les palestiniens, ni pour réprimer des actions violentes.

En fait, les prisonniers palestiniens n’ont pas obtenu grand chose de l’État d’Israël. Le 15 septembre, ils ont confirmé l’arrêt de leur grève de la faim, car en l’absence d’un rapport de force suffisant, il ne s’agissait pas de prendre le risque de voir mourir nombre de ces prisonniers. Cet arrêt ne vaut pas renoncement définitif, mais il s’agit de reprendre des forces en vue de relancer une action similaire dans les semaines ou mois qui viennent.

Jacques Dubart

 
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