Pesticides : Médaille empoisonnée pour la France




Malgré leur mauvaise presse, les pesticides restent massivement utilisés dans l’agriculture intensive. La France est n°1 mondial pour leur consommation à l’hectare. Petit tour d’horizon des méfaits si bien cachés des pesticides.

Les quantités de pesticides utilisés au niveau mondial augmentent régulièrement depuis soixante ans dans l’agriculture intensive. La France était, en 2006, le 2e consommateur mondial, et le 3e en 2007. C’est presque autant que les États-Unis avec une surface agricole dix fois moindre ! Si on tient compte de ces proportions, la France et les Pays-Bas détiennent le record mondial de la plus grosse quantité de pesticides par hectare.

Pourtant, lors d’un traitement, plus de 90 % des quantités utilisées n’atteignent pas leur but. L’essentiel des pesticides s’accumule dans les sols et migre vers les nappes phréatiques. On en retrouve des résidus partout. D’après l’Institut français de l’environnement, 96 % des eaux superficielles et 61 % des eaux souterraines françaises en contiennent. Sur environ 400 substances recherchées, 201 ont été mises en évidence dans les eaux de surface et 123 dans les eaux souterraines. Mais les pesticides sont aussi présents dans l’air, les brouillards et l’eau de pluie ! En 1995 et 1996, l’Institut national de recherche agronomique (Inra) de Rennes a installé des stations de mesure de pesticides dans les eaux de pluie. Presque tous les échantillons contenaient des pesticides et 60 % dépassaient 0,0001 milligramme par litre, la concentration maximale admissible pour l’eau de distribution !

On trouve également des résidus pesticides dans nos aliments et nos boissons : plus de 50 % des fruits et des légumes produits par l’agriculture intensive en contiennent. L’exemple du DDT, un insecticide organochloré est symptomatique. Alors qu’il est interdit en Europe depuis 1972, on en trouve encore dans certaines régions éloignées de toute source de pollution directe, y compris par exemple dans les régions polaires où il s’accumule dans la graisse des phoques.

220.000 décès par an

Les personnes les plus fréquemment victimes d’intoxications aiguës par les pesticides sont bien sûr les ouvrières et les ouvriers qui les produisent, mais aussi les agriculteurs et leurs salarié-e-s, qui les appliquent sur les cultures. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’il y a chaque année dans le monde un million d’empoisonnements graves par les pesticides, avec quelque 220 000 décès.

Ainsi un nématicide (le DBCP) a provoqué chez les employé-e-s de l’usine où il est synthétisé un nombre important de cas d’infertilité. Une étude de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement, à Bordeaux, a conclu mi-2007 que le risque de tumeur cérébrale est plus que doublé chez les agricultrices et les agriculteurs. Les particuliers utilisant des pesticides sur leurs plantes d’intérieur ont également un risque plus que doublé de développer une tumeur cérébrale.

Les simples consommateurs de produits agro-industriels sont eux menacés par les effets chroniques des pesticides. Depuis 1980, plus de 150 études réalisées dans différents pays ont décelé des pesticides dans les tissus adipeux, le cerveau, le sang, le lait maternel, le foie, le placenta, le sperme et le sang du cordon ombilical humain.

Quarante-huit pesticides autorisés en Europe – dont le fameux désherbant Roundup – sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens. Les conséquences d’une exposition à ces produits peuvent être très diverses, avec un risque plus élevé pour les enfants : anomalies congénitales, déficits immunitaires, problèmes de reproduction, cancers, problèmes neurologiques, cognitifs et comportementaux, infertilité masculine. Ce sont au total 92 substances actives de pesticides qui sont classées cancérigènes possibles ou probables par l’Union européenne ou par l’Agence de protection de l’environnement aux États-Unis.

Les êtres humains ne sont pas les seuls touchés, bien évidemment. L’appauvrissement de la biodiversité lié à la pollution de l’eau, de l’air et des sols par des résidus de pesticides mériterait elle aussi de longs développements !

Une alternative vitale

La révolution agricole a démarré au XVIIIe siècle, bien avant l’arrivée des pesticides chimiques vers 1930. Ces derniers ont certes augmenté les rendements. Mais ils ont surtout permis de supprimer des emplois dans l’agriculture et ainsi d’accélérer l’exode rural si utile, en son temps, au développement d’un capitalisme qui avait besoin de masses ouvrières.

L’agriculture biologique est en plein développement, même si elle reste encore marginale en France. Pour combattre les insectes ravageurs, elle utilise des substances d’origine minérale ou végétale, des purins végétaux et des algues calcaires riches en oligo-éléments, tendant à renforcer la résistance naturelle des plantes. La viabilité économique de l’agriculture biologique n’est plus à démontrer, même si sa généralisation nécessiterait une transformation importante des structures sociales dans les campagnes... tout comme probablement un renchérissement des produits alimentaires lié au redéploiement de l’emploi dans l’agriculture. Mais en comparaison des conséquences massives de l’empoisonnement de l’environnement, a-t-on le choix ?

Jacques Dubart (AL Agen)


UN HÉRITAGE DES INDUSTRIES DE GUERRE

Le terme générique de pesticide désigne diverses substances chimiques telles les insecticides, les fongicides, les herbicides, les parasiticides... Il s’agit toujours de substances toxiques, répandues dans l’environnement pour détruire de façon ciblée certains groupes végétaux ou animaux. Bref, il existe des pesticides contre tout ce qui peut nuire à l’agriculture intensive.

L’ère des pesticides de synthèse débute dans les années 1930, profitant des recherches sur les armes chimiques menées durant la Première Guerre mondiale. La Seconde Guerre mondiale a à son tour engendré, avec la mise au point de nouveaux gaz de combat, la famille des organophosphorés qui, depuis 1945, a connu un développement considérable, toujours de mise aujourd’hui pour certains de produits, tel le malathion. Il existe dans le monde près de 100 000 spécialités commerciales autorisées à la vente, composées à partir de 900 matières actives différentes, auxquelles s’ajoutent tous les ans entre 15 et 20 nouvelles matières actives. Les pesticides les plus utilisés en quantité sont les désherbants. La molécule active la plus vendue comme désherbant et la plus utilisée dans le monde est le glyphosate.

Le comble, c’est qu’à présent des cultures OGM sont résistantes à certains herbicides – aux Etats-Unis on cultive ainsi un soja transgénique résistant au Roundup. Pour désherber un champ de ce soja, il suffit de pulvériser du Roundup. Résultat, les ventes de cet herbicide ont bondi de 72 % depuis 1997.

 
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