Politique : La trahison des éditeurs de Thierry Discepolo




L’auteur de La trahison des éditeurs, Thierry Discepolo est un des fondateurs de la revue Agone et travaille actuellement aux éditions éponymes.

Son livre entend faire un examen critique de l’édition française. En effet, si les ouvrages critiques de la presse ou de la télévision sont légion, ceux qui portent sur l’édition sont beaucoup plus rares. Pourtant, si le monde de l’édition peut paraitre plus prestigieux, ses pratiques réelles ne sont guère plus brillantes que celles de la télévision.

Pour comprendre cela, il faut partir d’un principe : les idées de la classe dominantes sont celles qui dominent la société. Pour que cela soit possible, il faut que ces idées soient amenées aux classes dominées. C’est le rôle des médias. La télévision, la radio, la presse sont aux mains de l’État ou sont possédées par des grands patrons qui ont les capitaux nécessaires pour s’imposer sur ces marchés. Evidemment, le message porté par ces médias va être favorable aux intérêts des dominants. C’est vrai pour la télévision qui est aux mains de multinationales de même que pour la presse et la radio. Ca l’est autant pour l’édition, bien que cela semble moins évident.

Discepolo s’attache à prouver que cela vaut aussi pour le monde de l’édition. Pour ce faire, il taille en pièces la fiction selon laquelle, il y aurait les gentils indépendants (Actes Sud, Gallimard, Albin Michel) qui se battent contre le big business représenté par la groupe Lagardère (Hachette). Dans cette vision des choses, les indépendants défendraient la vraie culture contre ce groupe qui voudrait faire des livres de vulgaires produits à l’instar d’une bouteille de Coca-Cola.

Bien sur, cette version moderne d’Astérix contre les romains est fausse. En effet, les « petits groupes » tels que Gallimard ou Actes Sud ont exactement les mêmes pratiques que Lagardère. Ils se battent eux aussi pour être en supermarché (garantie de ventes élevées), et n’hésitent pas à accorder des remises de gros à Amazon pour être mieux référencés. De même, ce sont des grosses entreprises qui ne se privent pas d’exploiter leurs salarié-e-s.

Par contre, l’on pourra regretter que l’ouvrage parle autant des politiques et des actions internes au monde de l’édition, ce qui peut dérouter le lecteur étranger à ce domaine. Cela dit, La trahison des éditeurs est une lecture qui fait voler en éclats le mythe présentant les maisons d’édition comme des défenseurs de la culture, les montrant pour ce qu’elles sont réellement des relais de l’ordre dominant.

Matthijs (AL Montpellier)

Thierry Discepolo, La trahison des éditeurs, Agone, 2011, 15 euros.

 
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