Présidentielle : Gauche molle, austérité dure




Hollande ou Sarkozy ? Qui sera l’exécuteur des basses œuvres du capitalisme au lendemain de mai 2012 ? Et comment se prépare-t-on à la riposte au plan d’austérité qu’ils nous préparent ? Là est la question primordiale.

On le sait, tout le monde le sait. Pour des millions de personnes, et notamment dans les classes populaires, l’élection présidentielle de 2012 se résumera à un mot d’ordre : tout sauf Sarkozy. Le Berlusconi hexagonal, par ses frasques et ses provocations, a réussi à incarner à un tel degré la France d’en haut, opulente et méprisante, il a cristallisé contre lui une telle haine, que s’il pouvait chuter, personne ne pleurerait. Mais… sablerait-on le champagne pour autant ? L’accession de François Hollande à l’Élysée annoncerait-elle un changement de cap ?

A celles et ceux pour qui toute la chose politique et la question sociale se réduisent à ce leitmotiv – détrôner Sarkozy – on est bien obligé de rappeler quelques vérités. De celles qui s’appuient sur des faits, et pas seulement sur des paroles, ou sur le « style » du candidat. Sous la pression de la population, et notamment des mobilisations contre la casse des retraites ou contre le nucléaire, le PS a bien compris qu’il doit proposer quelques mesures cosmétiques mais il ne s’agit que d’aménagements à la marge d’un système économique qui n’est aucunement remis en cause. Plutôt que de s’en prendre au portefeuille de la bourgeoisie, les socialistes acceptent sans broncher une dette illégitime et leurs propositions les plus ambitieuses consistent tout au plus à prôner une « régulation du système financier » ou à taper sur les doigts des capitalistes en brandissant la menace d’une fiscalité dissuasive.

[*Vous avez dit socialiste ?*]

Tout cela était connu dès avril dernier, avec la publication du programme du PS, mais certains préfèrent fermer les yeux. Faites le test. Demandez à un antisarkozyste exalté de votre entourage de vous citer une mesure, une seule, emblématique du programme du PS. Silence embarrassé assuré. Dévoilez-lui alors ce qu’est le « contrat de génération », la mesure-phare de François Hollande. Elle consiste à… créer une nouvelle exonération de cotisation patronale ! Une entreprise qui emploierait un jeune de moins de 30 ans et une personne de plus de 55 ans en bénéficierait pendant cinq ans !

Certes, il était difficile d’attendre autre chose d’un parti qui est organiquement lié à la classe capitaliste, et dont le candidat a des amis proches comme Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, ou Henri de Castries, PDG d’Axa, rencontrés au lycée à Neuilly-sur-Seine, à HEC ou à l’ENA [1].

Un gouvernement PS se situera dans la même trajectoire que le gouvernement actuel, même avec les poches lestées d’une poignée de ministres PCF, PG ou Verts. Un sarkozysme mou, sans Rollex, sans yachts, sans coups de menton télévisuels, mais avec à la clef la même politique : moins d’impôts pour les riches, plus de flics pour les pauvres.

[*La balle dans notre camp*]

La faute à qui ? Aux socialistes, qui ont le néolibéralisme dans le sang ? Pas seulement. Quand la rue gronde, quand le climat social est à la tempête, quand le prolétariat leur mord la nuque, les politiciens savent très bien rougir leur programme. Non, la faute à nous, aussi : aux syndicalistes, aux anticapitalistes, aux militantes et aux militants qui ne parvenons pas à constituer un front social uni dans la rue, doté de son propre programme indépendant, un point de ralliement opposable à la bouillie libérale des uns et des autres.

De proche en proche, la crise de la dette gagne l’Europe. Demain, Paris, Londres, Rome, Lisbonne, Madrid peuvent s’embraser comme Athènes aujourd’hui. Et ce sera peut-être, comme en Grèce, un gouvernement socialiste qui sera chargé de déchaîner la police pour contenir la révolte populaire.

Face à cette éventualité, il ne faut pas désarmer moralement les travailleuses et les travailleurs. Il est dans l’intérêt du mouvement syndical de se pénétrer de cette idée, et de l’énoncer clairement : « Changez de président si ça vous tient à cœur. Mais ayez conscience que quelle que soit la couleur du nouvel hôte de l’Elysée, il faudra nous battre contre lui pour défendre nos conditions de vie. »

C’est en tout cas ce qu’Alternative libertaire répétera tout au long des huit mois de période électorale dont on va distraire le pays avant de lui appliquer une cure d’austérité de choc.

Guillaume Davranche (AL Montreuil), Edith Soboul

[1Le Monde du 18 octobre 2011.

 
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