Procès : Refuser les injonctions à se taire




Une obscure organisation d’extrême droite attaque en justice les deux auteurs du livre Nique la France - devoir d’insolence pour injure publique. S’inscrivant dans la polémique nauséabonde du racisme anti-blanc, ce procès illustre les injonctions au silence qui sont faites aux enfants d’immigré-e-s.

Saïdou, chanteur du groupe Zep, et Saïd Bouamama, sociologue et militant, sont attaqués en justice pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » suite à la sortie de leur livre et de l’album Nique la France, devoir d’insolence. La plainte s’inscrit dans la polémique lancée par le livre de Copé à propos du « racisme anti-blanc ». Ce concept, encore récemment exclusivement d’extrême droite, permet d’accuser des maux qu’ils vivent les victimes du racisme d’État. Le concept n’est pas nouveau, Frantz Fanon en parlait comme d’une arme contre les revendications des colonisé-e-s. Commençons par une remarque : en accablant de racisme ces deux pamphlétaires au motif qu’ils insultent la France, cette obscure association d’extrême droite qu’est l’Alliance générale contre le racisme et pour la défense de l’identité française et chrétienne (Agrif) leur sous-entend une inexorable exterioritée à la France !

Français à part entière

Or tous deux ont vu le jour et ont grandi en France. La question est posée ainsi par Bouamama : « pourquoi Michel a-t-il le droit de ne pas aimer la France et pas Mohamed ? ». Tout le problème est là, et on l’a déjà constaté avec les procès intentés à divers groupe de rap. Si on compare des chansons du groupe Sniper comme "La France" ou le "Nique la police" de NTM, avec les propos d’un chanteur blanc comme Renaud se proposant de « tringler la république » et appelant « au fusil, pavé et grenade face au flicard », ou encore sa chanson Hexagone où les Français sont traités de cons, on saisit le deux poids deux mesures. Cela implique surtout pour les premiers de ne pas être Français à part entière, car en faisant comprendre comme du « racisme anti-blanc » le fait d’insulter la France, ces Fafs affirment tout simplement qu’être français, c’est être blanc ! La riposte est en marche, une pétition a très rapidement été mise en ligne avec l’objectif d’atteindre 100 000 signatures d’ici février, et une campagne de soutien national se monte – Devoir d’insolence antiraciste – dont Alternative libertaire est signataire.

Devoir d’impolitesse

Nous devons combattre l’injonction au silence, ou ce que le sociologue de l’immigration Abdelmalek Sayad appelait l’injonction à la politesse faite aux immigrés. C’était l’objectif de Saïdou et Bouamama. Ce dernier analyse les trois formes d’injonction au silence (soulignées) par Sayad, que les enfants d’immigré-e-s et de colonisé-e-s, français, subissent et remettent en cause, provoquant l’inflation actuelle de réaction, lois et discours politiques les visant. Injonction d’invisibilité (lois sur le voile et nikab, offensives islamophobe…), injonction d’apolitisme (dépolitisation et criminalisation des émeutes), enfin, ce procès illustre la dernière de ces injonctions : celle à la politesse. Merci madame la France ! Et bien non, il n’y a pas de merci pour les discriminations, les violences policières, la misère, la précarité, et les crimes coloniaux d’hier et d’aujourd’hui. Les sifflets de la Marseillaise lors des matchs de foot sont également une contestation de l’injonction à la soumission qui est faite aux enfants d’immigré-e-s et de colonisé-e-s. Avec ce procès, c’est la criminalisation d’un appel à l’égalité auquel nous assistons !

Nicolas Pasadena (commission antiraciste)

 
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