Rencontres : Deux journées pour relancer les luttes féministes




Les rencontres Alternatives féministes qui ont eu lieu les 10 et 11 décembre derniers à Bobigny (Seine-Saint-Denis) ont permis à la fois de dresser une sorte d’« état des lieux » du mouvement féministe et, pour le Collectif national droit des femmes (CNDF), de penser les enjeux actuels et de redéfinir les luttes à mener.

Créé en 1995, le CNDF regroupe aujourd’hui environ 150 associations, syndicats, partis et organisations politiques. S’il apparaît d’une part assez clairement que des divergences existent au sein du collectif – et on peut se demander dans quelle mesure cette superstructure est capable de les appréhender –, et que d’autre part certains courants y trouvent peu ou difficilement leur place (les groupes féministes libertaires, la réflexion politique sur le genre), il est incontournable dans la perspective de toute initiative nationale.

Il est notamment moteur dans la mobilisation et la campagne contre les violences faites aux femmes ainsi que la Marche mondiale des femmes. Après deux ou trois ans de débats approfondis au sein du collectif, en partie dus à l’émergence sur la scène médiatique de nouveaux courants dits "féministes" (tels que Ni putes ni soumises) [1], ces rencontres ont permis de réaffirmer la globalité du combat à mener et son lien avec toutes les autres oppressions.

Deux questions ont donc sous-tendu les débats, comment articuler ces différentes luttes et comment les insuffler : égalité entre les sexes (au travail et dans la sphère privée), la liberté sexuelle, les violences sexistes, contre l’hétérosexualité comme norme. Pour y répondre, les rencontres de Bobigny avaient été programmées depuis plus d’une année et furent l’aboutissement d’un travail qui s’est déroulé "en ateliers" autour de quatre grandes thématiques : précarité et emploi ; féminisme ou féminismes ? ; libéralisme et choix et transmission générationnelle.

Ces ateliers, auxquels ont pu être associées les parties prenantes du collectif, ont donné lieu à des contributions qui furent en fait les axes principaux des débats.

Les femmes toujours premières victimes de la précarité

Cela a aussi permis de réaffirmer les bases théoriques du féminisme : “ Dans le domaine de l’économie, le libéralisme s’appuie sur le patriarcat pour contenir la demande d’émancipation des femmes, pour en faire des consommatrices dociles, un volant de main-d’œuvre malléable, tout en faisant peser sur elles le service domestique gratuit. ” [2]

Dans ce contexte où les attaques envers les droits sociaux se succèdent, et touchent les mouvements sociaux eux-mêmes et où les femmes sont les premières à en supporter les conséquences (chômage, temps partiel, inégalités salariales, minimum vieillesse, dans ces domaines les femmes sont partout surreprésentées), la lutte contre la précarisation des conditions de vie des femmes reste à mener.

Les gouvernements successifs, après avoir poussé à l’adoption du temps partiel sous prétexte de “ conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ”, favorisent la relégation des femmes dans la sphère familiale en modifiant par exemple les règles d’attribution de l’Allocation parentale d’éducation qui, après être passé du troisième au deuxième enfant, est désormais attribuée au premier enfant. Le CNDF devait donc réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour réaffirmer à nouveau la légitimité des femmes dans le monde du travail.

2006 : le renforcement des luttes ?

Quelles campagnes mener alors pour dénoncer l’illusion que ces inégalités face à l’emploi vont se résorber d’elles-mêmes grâce à la bonne volonté des élus et des chefs d’entreprises, alors même que les employeurs continuent de pratiquer l’inégalité salariale hommes-femmes malgré les lois adoptées et que les récentes "mesures pour l’emploi", telles que les contrats nouvelle embauche, ne font par ailleurs que creuser ?

Quelques pistes ont été mises en avant : d’une part la nécessité de continuer d’œuvrer pour l’application des lois existantes en matières de discrimination et d’égalité salariale, d’imposer des pénalités aux entreprises qui emploient à temps partiel, d’augmenter les minimas sociaux et d’autre part de pointer le manque d’équipements collectifs pour l’accueil de la petite enfance. Cela implique à la fois de remettre en avant les revendications syndicales des femmes, (ce qui n’est pas forcément une tâche aisée lorsque l’on veut prendre en compte l’aspect toujours minoritaire des femmes au sein de ces structures et la difficulté pour les commissions “ femmes ” des syndicats à véritablement peser dans les débats et enjeux actuels), mais également de poursuivre la campagne pour le développement et l’amélioration des services publics, comme les crèches et le maintien des petites sections de maternelles qui pourraient être remises en cause.

Si les moyens qui seront mis en œuvre pour les différentes initiatives ne sont pas encore choisies (campagne d’affichage ? Médiatisation pour une plus grande visibilité du collectif ? Interpellation des institutions ?) les questions débattues sont parfois loin d’être absentes des stratégies politiques pour 2007.

Thomas (CAL Tours) et Charline (CAL Paris-Sud)

[1Voir l’article "A qui profite le sabotage ?" dans Alternative libertaire n° 139 d’avril 2005.

[2Texte produit par l’atelier « Libéralisme et choix ».

 
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