Syndicalisme

Rencontres syndicalistes libertaires des 14-15 mai : Le (rare) plaisir d’aller Au taf !




Les 14 et 15 mai se sont tenues à Montreuil les Rencontres nationales des syndicalistes autogestionnaires et libertaires, à l’initiative de l’UCL. De 150 à 200 participants et participantes, dont beaucoup de jeunes syndicalistes avides d’échanger sur leur pratique, et de confirmer son sens politique.

La Rencontre nationale des syndicalistes libertaires et autogestionnaires – intitulée « Au taf ! » – a rassemblé, sur deux jours, 150 à 200 personnes venues de France, mais également de Suisse romande, dans une ambiance constructive et chaleureuse, aussi bien dans les débats que dans les moments festifs. Il faut remercier au passage la Cantine des femmes battantes, le groupe Les Françoises pour le concert, la librairie De beaux lendemains pour l’espace livres, la très belle salle autogérée AERI, qui a accueilli l’événement, et plus globalement les camarades UCL de Montreuil et d’Île-de-France qui ont assuré la logistique.

Une table ronde animée par Chloé (UCL Lille) a ouvert l’événement. Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Ires, a dressé un état des lieux sans faux semblants  : faiblesse des effectifs, déserts syndicaux, mutations du salariat, précariat, structuration obsolète en syndicats d’entreprise, perte de vitalité des unions locales, faiblesse des dynamiques interprofessionnelles, poids des bureaucraties, difficultés persistantes à s’approprier les questions antipatriarcales et écologistes, manque de souplesse pour faire le lien avec d’autres formes d’organisation du prolétariat, nécessité et difficultés de la recomposition du syndicalisme de lutte. Se sont ensuivies trois interventions de communistes libertaires actifs au sein de la CGT ou de Solidaires.

Corentin (secteur ferroviaire, Rennes) a plaidé pour un retour au syndicalisme de branche en partant des collectifs de travail, et pour un renforcement des unions locales interpro pour mieux accueillir un salariat éclaté par la sous-traitance et la précarité. Afin de faire reculer les déserts syndicaux où sont 90 % des salariées, les gros syndicats doivent donner du temps syndical et des militants pour faire vivre les structures interpro.

Des témoignages de luttes éclairants

Louise (Éducation, Saint-Denis) a expliqué, en s’appuyant sur la statistique, l’enjeu de la syndicalisation des secteurs féminisés et ses 14 millions de travailleuses aussi essentielles que précaires. Sans elles le syndicalisme de masse et de classe ne pourra vaincre. Ce thème a d’ailleurs fait l’objet d’une session plénière le lendemain matin avec, pour l’UCL, un objectif qu’on pourrait résumer par «  féminiser le syndicalisme et syndiquer les féministes  ».

Jean-Yves (ex-Livre, interpro, Limousin) a évoqué la conjugaison des luttes écologistes et du monde du travail ,et des initiatives limitées mais encourageantes  : le collectif Plus jamais ça ! ou la constitution du Réseau écosyndicaliste.

La table ronde a été suivi d’un débat de très bon niveau avec la salle, avec plusieurs questions et témoignages de luttes éclairants. Un des temps forts a d’ailleurs été l’intervention de Lou (UCL Grenoble) sur les discriminations dont les personnes trans et intersexes sont victimes au travail, et la nécessité de leur faire une vraie place au sein du mouvement syndical. Au même moment, un cortège UCL participait à la manifestation de l’Existransinter.

À la table ronde a succédé un «  forum pluraliste  » qui a mis en présence des représentantes des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), de l’UCL et du NPA. Si ces options se retrouvent au coude à coude dans les luttes, le débat a révélé les différences de stratégies. En particulier avec le délégué du NPA qui, considérant le syndicalisme «  par essence réformiste  », a avancé la notion de «  parti stratège  » pour donner des perspectives révolutionnaires au mouvement social.

Des différences de stratégies

À l’inverse, les CSR prônent l’auto-organisation exclusivement dans le syndicat, considéré à la fois comme moyen de résister au quotidien, et embryon d’administration de la société postcapitaliste. Adèle Dorada, pour l’UCL, a développé une conception proche, en y ajoutant la nécessité d’un discours spécifiquement libertaire. Elle a également développé que les syndicats, comme d’autres groupes de défense d’intérêts (féministes, antiracistes, écologistes, etc.), constituaient «  potentiellement seulement  » les embryons d’une alternative politique et sociale. Ils pourront le devenir s’ils adoptent des pratiques autogestionnaires et des perspectives anticapitalistes. Avant le concert du soir, Aiphix (UCL Toulouse) a prononcé une allocution pour l’UCL, portant sur la période politique ouverte par l’élection présidentielle.

Il y a été question de s’organiser et de construire la riposte sur le terrain social, par l’action collective et les mobilisations de masse, sans oublier de « veiller à l’indépendance syndicale ». Discours trop rare ces derniers temps où de nombreuses et nombreux syndicalistes sont aspirés par les logiques électoralistes.

Le dimanche matin, place à plusieurs ateliers simultanés, qui ont permis une plus large participation. Certains ateliers (interpro, écosyndicalisme, privées d’emploi/précaires) ont poussé des réflexions lancées la veille, d’autres ont regroupé des camarades par secteurs (éducation, informatique, médico-social, jeunesse...). L’occasion de mieux coordonner l’intervention libertaire en évitant les «  y a qu’à/faut qu’on  ».

Même si l’événement a attiré principalement des membres de l’UCL, il a aussi accueilli des sympathisantes, dont des gens du Syndicat des travailleuses et travailleurs du jeu vidéo (STJV). Sa belle apparition de rue avait été une des nouveautés du 1er mai à Paris. Pour conclure, on retiendra de cette Rencontre libertaire la forte proportion de jeunes syndicalistes et la qualité des échanges, qui ont mis du baume au cœur dans cette période compliquée. Beaucoup d’envies et de… taf en perspective !

Gil (UCL Montpellier, commission Travail)

 
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