Représentativité syndicale : Un pas en avant, deux pas en arrière




Le monde syndical est en émoi. Depuis l’avis rendu par le CES (Conseil économique et social), jamais les règles de la représentativité syndicale n’ont autant été misen en débat. Quels enjeux ? Quelles perspectives ?

Le 29 novembre, le Conseil économique et social (CES) rendait un avis (lire Alternative libertaire n°155 et 156), sur fond d’examen à l’Assemblée de la loi de « modernisation du dialogue social ». Dans la même logique que le rapport Hadas-Lebel de mai dernier, cet avis proposait entre autres d’abroger l’arrêté de 1966, et de fonder la représentativité des syndicats (et par voie de conséquence la validité des accords conclus avec le patronat), sur la base du vote des salarié-e-s.

Début décembre, la CGT et la CFDT soumettaient une proposition d’amendement aux parlementaires qui s’apprêtaient à voter la loi sur le dialogue social. L’amendement, qui allait dans le sens de l’avis du CES, a été rejeté. La réforme des règles est donc renvoyée à après 2007.

L’amendement de la CGT et de la CFDT ajoutait aux critères proposés par le CES d’autres conditions, plus restrictives, plus subjectives aussi en partie, pour qu’un syndicat ait le droit de se présenter aux élections professionnelles dès le niveau de l’entreprise : l’existence d’une section syndicale, la preuve d’une activité, des ressources liées à ses adhérentes et adhérents. Sur cette base, les confédérations existantes bénéficieraient évidemment d’une présomption favorable pour se présenter aux élections.

Accéder au saint des saints

L’enjeu d’une éventuelle réforme, celui qui obsède toutes les structures syndicales quelles qu’elles soient, c’est le maintien ou l’accession au saint des saints : la représentativité nationale interprofessionnelle. Si la représentativité nationale est décrochée, c’est le jackpot : la confédération n’a plus à faire ses preuves pour être reconnue aux échelons inférieurs, branches professionnelles ou entreprises.

Selon le scénario du CES, cette représentativité nationale serait calculée sur la base des résultats aux élections professionnelles dans chaque branche, et en vertu de seuils à définir. Quels seraient ces seuils ? C’est encore le flou, et cela nourrit toutes les spéculations. La CFTC et la CGC, voire FO pourraient avoir du mal à maintenir leur position. L’Unsa et Solidaires pourraient éventuellement prétendre à cette représentativité.

Bien sûr il ne faut pas être dupe des argumentations qu’avancent les uns et les autres en fonction de leurs intérêts propres. Cela étant, on ne peut que se réjouir d’une éventuelle abrogation de cette rente de situation. Consulter les salarié-e-s ne peut être que plus légitime, encore qu’il faille examiner les conditions de ce vote. De ce point de vue, les élections à la Sécurité sociale seraient les plus légitimes, car les plus universelles… sauf que ces élections n’ont plus été organisées depuis 1983 ! Il faudrait également en finir avec le paritarisme et exclure le patronat de la gestion d’un système où ils n’ont rien à faire.

Organiser les travailleuses et les travailleurs

Pour le reste, on ne peut que déplorer l’angle sous lequel débat est présenté par le gouvernement, et qui parfois est repris même au sein de Solidaires. On ne parle que d’améliorer la “ légitimité ” des accords signés. Pourtant certains accords majoritaires sont parfaitement dégueulasses ! La vraie question, c’est la liberté pour les salarié(e)s de choisir leurs représentant(e)s. Liberté qu’ils et elles n’ont pas aujourd’hui, puisque les règles actuelles entravent l’émergence de syndicats alternatifs (dont les SUD) et permettent la survie de syndicats jaunes comme la CFTC ou la CGC. C’est cela qui motive l’opposition du Medef à tout changement.

Notre opinion est que si des élections peuvent constituer un indice de la représentativité, la légitimité repose avant tout sur la capacité à mener l’action revendicative dans les entreprises. Les bureaucraties adeptes de la “ négociation ” font de la légitimité des accords collectifs une question déterminante pour justifier leur stratégie. Les travailleuses et les travailleurs n’ont rien à y gagner. La question clé pour les anticapitalistes et les syndicalistes autogestionnaires doit être, sur ce problème précis, comment bouleverser les règles actuelles pour favoriser l’organisation des travailleuses et des travailleurs, et accroître leur capacité à se battre.

Secrétariat de la branche Entreprises d’AL


QUI REPRÉSENTE QUOI ?

Un arrêté de 1966 a fixé la liste des confédérations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel : CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC. En vertu de cet arrêté vieux de quarante ans, ces cinq organisations sont réputées représentatives, par ricochet, à tous les échelons : au niveau national, dans toutes les branches d’industrie, dans toutes les entreprises. Elles n’ont jamais à justifier de leur légitimité pour signer des accords engageant l’ensemble des salarié-e-s. Avec une réforme qui ferait la dépendre des élections professionnelles, la représentativité de chacune serait régulièrement remise en jeu.

 
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