Retraites : La contre-réforme de trop




Alors qu’une énième contre-réforme des retraites s’annonce, portée par le gouvernement socialiste dans l’intérêt du Medef, c’est une nouvelle casse des droits sociaux qui nous est promise. Il s’agit dès maintenant de préparer la mobilisation, à la hauteur des enjeux.

En 1993, Balladur fait passer la durée de cotisation pour avoir une retraite à taux plein de 37,5 à 40 ans pour les salarié-e-s du privé. En 2003, Fillon aligne la durée des cotisations des fonctionnaires sur celles du secteur privé. En 2007, Sarkozy s’attaque aux régimes spéciaux. En 2010, Sarkozy/Woerth repoussent l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et reculent de 65 à 67 ans l’âge à partir duquel un ou une salarié-e peut bénéficier d’une retraite à taux plein sans avoir le nombre nécessaire d’annuités de cotisation... Et une nouvelle contre-réforme des retraites est annoncée pour la rentrée 2013 !

Faire baisser les pensions

Que le gouvernement soit de droite ou socialiste, la philosophie est la même : nous faire travailler plus longtemps pour gagner moins. Augmenter la durée de cotisations de 41,5 années à 44 pour pouvoir toucher une retraite à taux plein, c’est baisser le niveau des pensions pour le plus grand nombre, parce qu’il sera quasiment impossible d’avoir une carrière complète, entre vie professionnelle hachée notamment pour les femmes, entrée tardive dans l’emploi et mise à la porte avant l’âge : près d’une personne sur deux n’est plus dans l’entreprise à l’âge de 59 ans ; pour les autres, qui auront cotisé 44 ans, c’est l’assurance de partir à la retraite usé-e-s, avec une espérance de vie en bonne santé de moins de dix ans ! La désindexation des retraites, comme l’augmentation de la Contribution sociale généralisée (CSG), vont dans le même sens de paupérisation de la grande majorité des retraité-e-s, actuel-le-s et futur-e-s.
Le pseudo-débat sur l’alignement du mode de calcul des retraites des fonctionnaires sur le régime général est un écran de fumée : le taux de remplacement [1]des deux catégories est quasi égal et par ailleurs une telle mesure ne ferait pas rentrer d’argent dans les caisses. Parce que le gouvernement se dit socialiste, tout cela sera enrobé de discours sur la justice et l’équité, et la minuscule prise en compte de deux critères de pénibilité (travail de nuit et cancer) servira de paravent à des mesures de régression sociale.

Une communication bien rodée

Encore une fois, le patronat est préservé : ce sont les salarié-e-s et les retraité-e-s qui devraient supporter la quasi totalité des mesures. Le discours officiel fait son œuvre : lors de la présentation du rapport Moreau [2] et lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin, une seule organisation syndicale (Solidaires) rappelait son exigence d’une annulation des contre-réformes de 1993 à 2010 !
Mais le gouvernement maîtrise bien sa communication, ne présentant pas à ce stade un projet global, et laissant planer le doute par exemple sur la date d’entrée en vigueur des mesures… et donc sur les salarié-e-s concerné-e-s par de nouvelles mesures. Le flou actuel en ce qui concerne par exemple les « régimes spéciaux » (EDF/GDF, RATP, SNCF, dont on ne sait pas à ce stade comment ils seront touchés et à quelle échéance par la future réforme…) n’est sans doute pas dû au hasard.
Déjà, comme à chaque contre-réforme, et selon un scénario et une répartition des rôles qui ont fait leurs preuves, le Medef explique que ça ne va pas assez loin, et qu’il faut des mesures plus sévères encore. De leur côté, éditorialistes, experts et commentateurs entonnent le refrain bien connu « c’est nécessaire et même inévitable ma brave dame, il n’y a pas d’autres choix, il faut être courageux mon bon monsieur ».
Pourtant, si d’autres choix existent, et un des enjeux des semaines et mois à venir sera de les faire connaître et partager. Il est important de pointer les politiques d’austérité et de destruction d’emplois qui sont menées depuis des années et qui ont conduit à la baisse du nombre de cotisants et cotisantes. Il faut rappeler que les richesses existent, et que c’est leur répartition injuste qui est la cause du problème et non la solution, et que plus que jamais « de l’argent, il y en a, dans les poches du patronat » ! Selon le rapport Moreau, il faudrait trouver sept milliards en 2020 pour équilibrer les régimes. C’est à comparer aux 21 milliards de patrimoine professionnel de Bernard Arnault de LVMH, aux 80 milliards de fraude fiscale annuelle et aux 230 milliards de dividendes distribués et non taxés en 2012.

Se mobiliser pour un autre projet de société

Avoir raison entre nous n’a aucun intérêt si c’est pour laisser la majorité de la population subir le discours dominant ! Le rôle des organisations syndicales et politiques, des associations et des collectifs est de porter un autre discours au-delà des rangs militants et des déjà convaincu-e-s. Les forces opposées à l’accord mal-nommé de « sécurisation de l’empoi » n’ont pas réussi à convaincre une majorité de salarié-e-s. Cet échec doit servir d’avertissement. Les réunions publiques d’information comme les meetings qui se profilent pour la rentrée ont leur utilité et peuvent être des étapes dans la mobilisation. À condition de ne pas s’y cantonner, et de ne pas confondre réunions de militants et travail de masse. Les organisations syndicales ont une responsabilité essentielle. Même si le calendrier est serré, c’est bien une campagne dans la durée qui doit être mise en œuvre, sans tarder, et le travail d’information est indispensable.
Mais dès maintenant, il s’agit aussi de préparer la mobilisation. L’« intersyndicale nationale » n’existe plus depuis des mois. Ce n’est pas l’appel unitaire CGT - CFDT - CFTC - Unsa du 19 juin qui va la relancer ! CGT, Solidaires et FSU prévoient une mobilisation pour septembre. Nous savons bien que ce n’est pas par une succession de journées d’action que nous obligerons le gouvernement à renoncer. Nous savons aussi que la posture incantatoire qui consiste à ne rien faire qui ne serait pas la grève générale ne débouche sur rien de concret, et ne permet pas de la rendre possible. L’enjeu, pour les équipes syndicales combatives, est bien de construire la mobilisation, ensemble et à partir des réalités locales et sectorielles. Ceci ne s’oppose pas à un mouvement global mais au contraire l’enracine.

Volfoni (AL Montreuil)

[1Proportion du salaire de fin de carrière conservée au moment de la retraite.

[2Le rapport sur les retraites qui devrait inspirer la contre-réforme.

 
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