Roman : Huet, « Les Émeutiers »




Dans le précédent numéro d’Alternative libertaire, on vous conseillait de lire Les Quais de la colère de Philippe Huet, premier numéro d’une trilogie de romans sur les luttes ouvrières du Havre. Les Émeutiers, deuxième de la saga, nous fait découvrir la terrible lutte des métallos de 1922, douze ans après l’affaire du syndicaliste charbonnier Jules Durand.

Entretemps, la boucherie de 14-18 est passée et les capitalistes en ont bien profité. Mais si la paix est revenue, la guerre sociale elle, bat son plein. Les patrons imposent arbitrairement une baisse de 10 % du salaire des métallos, ils sont alors près de 20 000 au Havre. En fait, le patronat cherche à provoquer la révolte qu’ils pourront ensuite écraser, brisant ainsi les organisations ouvrières, CGTU en tête. La grève se déclenche alors comme prévue, les patrons refusent toute négociation. Sauf que la grève dure et ne faiblit pas. Les enfants qu’on peine à nourrir sont envoyés dans d’autres familles de camarades, certains grévistes sont envoyés s’embaucher dans d’autres usines sur le temps de grève pour alimenter les caisses de solidarité, les dirigeants de la CGTU viennent remonter le morale des troupes lors des meetings quotidien. Mais la grève des métallos doit sortir de son isolement pour être à la hauteur. Pour écraser le mouvement, les patrons cherchent à ce qu’il dégénère, vieille recette. L’issue terrible du conflit marquera le mouvement ouvrier et syndical havrais pour des décennies.

Une nouvelle fois, il est difficile de distinguer les faits réels du roman tant le travail de Huet est historiquement sourcé et précis. L’écriture, simple et directe, décrit bien la condition ouvrière et nous tient en haleine. En plus de rendre un bel hommage à cette lutte et à celles et ceux qui l’ont menées, Les Émeutiers est un exposé historique instructif, où la collusion des intérêts économiques et politiques est bien illustrée. Un roman qui montre également bien comment les capitalistes savent s’organiser et réfléchir pour mener la lutte contre le prolétariat et maintenir ses privilèges. Le rôle de la presse bourgeoise est ainsi mis en lumière à travers un des personnages principaux, jeune journaliste déjà présent dans Les Quais de la colère. Enfin, le lecteur se confronte à des questions qui, aujourd’hui encore se posent : comment convaincre de l’utilité de la lutte ? Comment savoir si le moment de mettre toutes ses forces dans la bataille est le bon ?

Benjamin (AL Nantes)

  • Philippe Huet, Les Émeutiers, Rivages, 287 pages, 18,50 euros
 
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