Antipatriarcat

Royaume-Uni : La justice britannique en phase avec les lobbys transphobes




Alors que les attaques contre les personnes trans se multiplient dans le monde entier, l’offensive a été particulièrement forte ces dernières années au Royaume-Uni. Mais une nouvelle étape dans la transphobie et la transmisogynie a été atteinte à la suite d’une décision de la Cour suprême en avril dernier.

Le 16 avril 2025, la Cour suprême britannique a estimé à l’unanimité que la définition d’une femme dans la loi d’Equality Act de 2010 se référait uniquement aux « femmes biologiques », autrement dit pas aux femmes trans. Cette décision fait suite au litige qui opposait l’association For Women Scotland. Le gouvernement écossais avait émis des directives pour préciser que le terme légal de femmes incluait bien les femmes trans ayant obtenu la modification de leur mention de sexe à l’état civil. L’association transphobe bénéficie du soutien du mouvement TERF [1] bien implanté en Grande-Bretagne, et notamment de l’autrice J. K. Rowling, qui leur a fait don de l’équivalent de 80 000 euros pour mener à bien leur campagne judiciaire.

Si les juges se sont empressés de dire que les femmes trans restaient protégées des discriminations, dans les faits l’arrêt de la Cour suprême remet en question l’accès des femmes trans aux espaces non-mixtes comme les toilettes, vestiaires ou encore lieu d’hébergement de victimes de violences conjugales.

Une offensive réactionnaire généralisée

L’institution a étendu son raisonnement aux lieux de travail, aux pratiques sportives, et même aux hôpitaux – avec pour double conséquence de faire planer un climat de menace constant sur la tête des personnes trans et de donner une bénédiction nouvelle pour les attaques transphobes dont elles peuvent être la cible. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas tardé dans les jours qui ont suivi.

Ainsi, la Fédération de football anglaise (FA) décide de bannir les femmes trans des compétitions à partir du 1er juin 2025. D’autres suivront le mouvement, entraînant une plus grande ostracisation des personnes trans alors que le sport est un vecteur important de sociabilisation. L’argument de l’équité envers les femmes cisgenres est instrumentalisé et ne tient pas la route : les performances des joueuses trans sous hormones ne suggèrent pas qu’elles bénéficieraient d’un avantage physique particulier par rapport aux femmes cis... Il faut dire que, du propre aveu de la FA, seules une vingtaine de joueuses trans sont concernées.

Et puis il y a les agressions du quotidien, par exemple les accusations d’utiliser les « mauvaises toilettes », que l’on voit se multiplier au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis. Ces attaques ciblent d’ailleurs régulièrement des femmes cis dont l’apparence n’est pas jugée assez féminine. Ces phénomènes de « transvestigation » [2] ne doivent pas être compris comme une attaque envers les seules personnes trans, mais plus largement comme la conséquence d’une tentative réactionnaire de maintenir le contrôle de nos vies et de nos corps afin qu’ils correspondent aux stéréotypes de genre patriarcaux.

À la suite de la décision de la Cour suprême, un recours juridique a été lancé auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais nous aurions tort d’avoir confiance en des institutions judiciaires imprégnées par la pensée cis-hétéronormative. Pour contrer l’offensive réactionnaire actuelle soutenue par des milliardaires qui instrumentalisent les droits des femmes cis pour défendre leurs intérêts de classe, nous devons attaquer le mal à la racine et construire une alliance massive qui englobe (entre autres) luttes antipatriarcales et anticapitalistes.

Sano (UCL Marseille) et Johanna (UCL Finistère)

[1«  Trans Exclusionary Radical Feminists  » est un mouvement réactionnaire transphobe issu historiquement de certains courants féministes.

[2Pratique populaire dans les milieux d’extrême droite qui consiste à se demander si une personne est trans, en se référant généralement à des critères physiques.

 
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