Échos d’Afrique

Rwanda 1994 : les dangers de la mécanique raciste




Il y a 25 ans, le Rwanda vivait le dernier génocide du XXe siècle, organisé contre les personnes désignées comme Tutsis, par un pouvoir hutu extrémiste et raciste, ayant la capacité d’entraîner une partie importante de la population dans l’exécution de ce crime contre l’humanité.

De même que pour les autres génocides connus, le pouvoir en place a préparé, pendant des années, le terrain d’un point de vue technique,
en établissant des listes, en formant des milices, en achetant des armes, mais aussi et surtout d’un point de vue idéologique en amenant la population à participer, ou tout au moins à accepter l’élimination d’une partie de la population désignée comme nuisible.

C’est une véritable mécanique raciste qui est à l’œuvre, et dont les rouages sont les mêmes que ceux que l’on retrouve en France et partout lorsqu’il s’agit de justifier des discriminations racistes, sexistes, homophobes, etc.

Pour décrypter cette idéologie, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Pierre Tevanian (cofondateur du collectif Les mots sont importants ; lmsi.net) sur la mécanique raciste en France : une combinaison d’opérations mentales qui produit une conception du monde dans laquelle il est légitime que certaines catégories de personnes soient privilégiées et d’autres discriminées… ou éliminées si l’on considère le cas extrême des génocides.



La première opération est la différenciation ; la polarisation
d’une différence sur la base d’un critère d’identité. Dans le cas du Rwanda, la distinction « ethnique » est notamment le fruit des premiers colonisateurs qui ont interprété la société rwandaise précoloniale à travers le prisme de la théorie
des races. La distinction initialement sociale (comme la noblesse en Europe) s’est transformée en distinction ethnique, et les Tutsis furent alors considérés comme un peuple d’envahisseurs implantés parmi les « vrais » Rwandais hutus…
Cette idée correspond à la seconde opération de la mécanique :
la péjoration. « Les Tutsis sont des envahisseurs, ils sont moins légitimes
à vivre au Rwanda, fourbes, etc. »

Viennent ensuite la réduction de l’individu à son stigmate (LE Tutsi n’agit que pour son peuple) et l’essentialisation, l’amalgame… quel que soit le sexe, la classe sociale, la situation géographique ou familiale, les Tutsis sont identiques.
Cette mécanique conduit à mépriser et/ou à avoir peur des personnes ainsi désignées comme « autre », que l’on peut alors humilier, asservir, violer,
ou massacrer selon les cas et les époques. Et l’effet est d’autant plus fort si l’on peut associer ce « groupe » à une menace réelle extérieure : dans le cas du Rwanda, c’était le Front patriotique rwandais (FPR), une armée d’exilés tutsis qui menait une guerre (finalement victorieuse) contre le régime rwandais de 1990 à 1994 ; et avec lequel toutes et tous les Tutsis de l’intérieur étaient soupçonnés
de collaborer !

Noël Surgé (AL Carcassonne)

 
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