Sécurité sociale professionnelle : Borloo et Sarko vampirisent la CGT




Après le CES (Contrat emploi solidarité), le CDD (Contrat à durée déterminée), le CNE (Contrat nouvelle embauche) et autres contrats précaires, voici le CTP. Trois initiales qui signifient « contrat de transition professionnelle ». Annoncé par le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, dans La Tribune du 12 décembre, ce dispositif semble reprendre une idée défendue par la CGT depuis 2003. Qu’en est-il ?

Récupérer et dénaturer les revendications sociales, pour les transformer en cadeaux au patronat… Avec le « contrat de transition professionnelle », le gouvernement Villepin semble vouloir s’illustrer dans ce sport où, jusqu’ici le Parti socialiste détenait la palme. En 1997, le gouvernement de Lionel Jospin avait ainsi dénaturé une revendication historique du mouvement ouvrier : la réduction du temps de travail (RTT).

Cela faisait plusieurs années que le mouvement social français (syndicats de lutte, associations de chômeurs, etc.) réclamait une réduction du temps de travail à 32 heures par semaine avec embauches correspondantes. Les socialistes avaient fait mine d’y répondre avec la loi Aubry sur les 35 heures, baptisée d’« aménagement et réduction du temps de travail » (ARTT). Ce fut en réalité une loi de flexibilisation des horaires et des salaires qui n’a pas fait baisser le chômage, a souvent bloqué les salaires, et a considérablement profité aux entreprises [1].

Ainsi fonctionne la social-démocratie : comme une éponge qui aspire les revendications sociales, et en régurgite des lois propatronales. Villepin et Borloo sont en train de faire la démonstration qu’ils peuvent en faire autant avec la revendication de la CGT d’une « sécurité sociale professionnelle » (voir page suivante).

Récupération d’un thème de la CGT

Déjà, le 30 novembre 2005, à la Convention UMP sur les injustices, Nicolas Sarkozy se prononçait, dans un discours, pour une « sécurité sociale professionnelle ». Après ce nouveau pavé dans la mare du ministre de l’Intérieur, ses rivaux chiraquiens ne pouvaient pas être en reste.

Aussi, dès le 12 décembre, dans une interview au quotidien économique La Tribune, le ministre de l’Emploi et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, annonçait la création d’un « contrat de transition professionnelle ». Le lendemain, lors d’une rencontre avec les « partenaires sociaux » au ministère, il développait l’idée, en reprenant en partie l’argumentation de la CGT sur la discontinuité des carrières : l’alternance entre emplois précaires et périodes de chômage crée une situation préjudiciable à de nombreux(ses) salarié(e)s qui ne peuvent espérer ni progression de revenu, ni évolution de carrière. D’où la proposition de ce nouveau contrat, le CTP (voir ci-contre).

La CGT n’a pas tardé à prendre ses distances avec cette récupération grossière de son thème de prédilection : « Le terme de sécurité sociale professionnelle, qui correspond à un réel besoin, ne saurait être galvaudé mais doit se traduire par de vraies garanties pour les salariés, et des obligations pour les employeurs », déclarait Maryse Dumas (n° 2 de la Confédération) dès le lendemain. « On n’est pas dans une démarche de sécurisation des parcours professionnels, mais dans une simple démarche de transition entre emploi et chômage. […] C’est en fait une contractualisation du chômage : ni le salaire, ni la qualification ne sont repris. Ce contrat n’assure en rien le maintien des acquis. Le salarié pourra être mis à disposition d’entreprises, sans contrat de travail avec l’employeur, c’est une nouvelle forme de précarité sans aucune garantie de retrouver un emploi. Le financement fait appel à l’État sans mettre en cause la responsabilité de l’entreprise qui licencie. […] l’activité à laquelle serait astreint le salarié en contrat de transition pourrait se substituer à un véritable emploi avec un véritable salaire. »

Le petit jeu du Medef

Plus cocasse est la feinte indignation du Medef, le principal syndicat patronal, contre l’annonce gouvernementale. « Nous avons été très choqués de cette annonce », a déclaré le lendemain Laurence Parisot à l’AFP. « Quand le Premier ministre parle du concept de parcours professionnel sécurisé, nous nous interrogeons, il y a une référence à un modèle qui selon nous ne peut pas être le bon, celui de la fonction publique. »

L’UMP, promoteur du statut de fonctionnaire ? On croit rêver devant le numéro de faux-derche de la « patronne des patrons » ! L’UMP et le Medef sont évidemment de mèche dans ce nouveau coup tordu. Mais du fait de sa mauvaise image, le Medef a pour habitude, pour ne pas compromettre les politiques gouvernementales, de feindre l’étonnement à chaque attaque libérale !

Cette nouveauté, le CTP, devrait être expérimentée prochainement, dans « six bassins d’emploi en difficulté », et faire l’objet d’une évaluation avant une éventuelle extension, au premier trimestre 2007.

Ce hold-up ne manquera pas de faire débat au 48e congrès confédéral de la CGT, qui se tient du 24 au 28 avril à Lille.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

[1La Tribune, « Les trente-cinq heures ont fait bondir la productivité des entreprises », 24 juin 2005. Article s’appuyant sur une étude de l’Insee.

 
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