Syndicalisme : Il était une fois les seuils sociaux




Une nouvelle «  négociation  » nationale interprofessionnelle s’est ouverte autour du «  dialogue social  » dans l’entreprise, avec pour objectif commun affiché par le patronat, le gouvernement et les syndicats d’accompagnement  : casser le code du travail pour «  simplifier  » la vie des entreprises. En jeu, les seuils d’effectifs au-delà desquels doivent être créées des institutions représentatives du personnel.

Dans les entreprises, l’obligation de constituer des institutions représentatives du personnel est déclenchée en fonction des seuils d’effectifs. Le premier, à partir de onze salarié-e-s oblige à l’élection de délégué-e-s du personnel (DP). C’est un acquis gagné en 1936 suite aux longues grèves qui permet d’avoir des délégué-e-s portant les réclamations individuelles et collectives. Ces délégué-e-s de proximité sont essentiel-le-s pour l’activité syndicale et la construction des collectifs militants. Ce sont eux qui connaissent le mieux la réalité de l’entreprise, qui sont le plus souvent en contact avec les salarié-e-s, et qui sont légitimes à leurs yeux. Les réunions de DP sont souvent ramenées par le patronat à des discussions
qui seraient «  annexes  » ou «  secondaires  », en déconsidérant ce mandat  : ce n’est pas un hasard.

À partir de 50 salarié-e-s, l’entreprise doit constituer un Comité d’entreprise (CE), conquête ouvrière d’après-guerre permettant d’opérer un contre-pouvoir dans l’entreprise via le contrôle de sa marche générale, et l’organisation d’activités sociales et culturelles ayant trait à l’émancipation individuelle et collective. Dans les grandes lignes, ces instances, avec celle du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) mis en place dès qu’un CE existe, permettent l’existence d’une activité syndicale et l’organisation d’un rapport de forces face à la direction même si les droits restent insuffisants.

Parodie de négociations

L’énième parodie de négociations qui s’ouvre au niveau national, qui viendra apporter son lot de régressions sociales après la loi dite de «  sécurisation de l’emploi  », s’appuie sur un schéma de réflexion assez simpliste. Ces obligations seraient, d’après le patronat, un frein à l’emploi et à l’embauche.
Comme en 1986 avec la suppression de l’autorisation administrative de licenciement obtenue sous un gouvernement qui a la même étiquette qu’aujourd’hui, les résultats en termes d’emploi ne sont évidemment pas liés. Supprimer des «  obligations  » qui sont des droits pour les salarié-e-s n’est ni la solution pour résoudre le chômage de manière probante, ni acceptable comme projet de société  : pourquoi ne pas supprimer la majoration des heures supplémentaires  ? Refaire travailler les enfants  ? Où est la limite posée par le patronat pour considérer que les acquis du progrès social sont à détruire pour gagner en flexibilité  ?

La seule logique qui guide ses choix est très claire. En remettant en cause les seuils, les capitalistes ne souhaitent qu’une seule chose  : supprimer l’activité syndicale ou au mieux la reléguer loin, très loin de l’entreprise pour en faire une question technocratique, entre spécialistes déconnectés de l’affrontement de classe au quotidien.

Des droits supplémentaires pour gagner

Le positionnement des syndicats d’accompagnement n’est pas une surprise, puisque tous sont prêts à monnayer des concessions graves, au détriment des salarié-e-s, en échange de reconnaissance sociale pour leurs dirigeants, de postes et de «  valorisation  » du parcours militant. En revanche, la position de la CGT, annoncée dernièrement, a de quoi interroger. Elle parie sur un positionnement proche de la CFDT mais «  plus à gauche  », en donnant la possibilité de supprimer les DP en échange de commissions territoriales paritaires, soit des délégué-e-s élu-e-s au niveau des territoires.

Les délégué-e-s du personnel sont essentiels, et ce n’est pas en permettant leur suppression qu’on renforcera l’activité syndicale. Dès aujourd’hui, c’est la question des droits supplémentaires réels qui doit être posée  : création et généralisation des CE inter-entreprises sur un bassin d’emploi (par exemple dans les centres commerciaux), protection supplémentaire des délégué-e-s, renforcement des conventions collectives pour permettre une harmonisation par le haut dans un même secteur d’activité quelle que soit l’entreprise, statut du salarié, droit de veto des CE contre les suppressions d’emplois... Le syndicalisme doit disposer de moyens et d’outils pour permettre l’expression des salarié-e-s et faire respecter leurs décisions.

Renforcer la présence syndicale et la développer restent les meilleures réponses face aux provocations du patronat et du gouvernement. Ces institutions représentatives sont une des bases de la démocratie sociale  : défendons-les  !

RoberK (AL Montreuil)

 
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