Syndicalistes révolutionnaires : repartir du terrain




Avancée des déserts syndicaux, problème du renouvellement générationnel, absence d’idéal chez nombre de militantes et de militants… Le syndicalisme de lutte est mal en point, et le syndicalisme jaune en profite pour gagner du terrain à force de clientélisme et de collaboration avec le patronat. On ne va pas remédier à cela en un claquement de doigts, mais par un travail de longue haleine, à la base, qui sera payant dans les luttes locales. Et doublement payant en cas de remontée globale de la lutte de classe. En parallèle, il faut faire vivre le projet d’une alternative communiste libertaire à la société actuelle.

La priorité est d’insuffler de la vie dans les unions locales syndicales, au-delà des permanences juridiques et de l’accompagnement des délégué.es des petites entreprises. Il s’agit de coordonner l’activité syndi­cale sur un bassin d’emploi, mais ­aussi de reprendre ce qui faisait la force des premières bour­ses du travail  : les activités de formation syndicale, d’éducation populaire et de soutien aux ­luttes sur l’ensemble du champ social (logement, con­sommation…).

Sur ces sujets et sur bien d’autres, des associations existent et jouent un rôle non négligeable, dont certaines qui se définissent comme «  citoyennes  » et/ou d’«  éducation populaire  ». Le syndicalisme révolutionnaire du XXIe siècle doit trouver la forme et les moyens de les insérer dans la dimension de classe dont il est porteur. Cela, sans remettre en cause leur auto-organisation, leur autonomie de décision et d’action… L’équilibre n’est pas évident mais il est indispensable.

Les acquis du syndicalisme révolutionnaire sont utiles pour répondre aux nouveaux défis posés par les régressions successivement imposées. Démocratie syndicale, démocratie directe, rotation des mandats, démarche unitaire, action directe ne refusant aucune mé­thode pour aboutir au blocage de la production et de la circulation des marchandises : piquets, sabotages, grève du zèle...

Paradoxalement l’effritement du tissu syndical dégage des horizons pour un retour aux sources et ouvre des perspectives enthousiasmantes de reconstruction, partiellement libérées du poids écrasant des vieux appareils politiques traditionnels.

Ce qui va changer au quotidien

La loi impose désormais la parité homme-femme dans la composition des listes pour les élections professionnelles. Il est dommageable que ce soit la loi qui définisse en partie comment les syndiqué.es doivent choisir leurs représentantes et représentants... mais c’est l’occasion pour les femmes de s’imposer dans un monde syndical encore très ­masculin.

L’inversion de la hiérarchie des normes va faire peser sur les délégué.es syndicaux un poids énorme, puisque c’est à elles et eux que les patrons proposeront de signer des accords dérogatoires ; de même pour les élu.es dans les comités sociaux et économiques (CSE), là où ces derniers seront créés. Les structures syndicales auront à être très vigilantes pour aider les DS et les élu.es à résister aux chantages que les patrons ne manqueront pas d’exercer, y compris en manipulant une partie des salarié.es.

Pour les huit inculpés de Good Years, le 20 octobre 2016.

La tâche des révolutionnaires s’articule aujourd’hui autour de quelques enjeux prioritaires :

1. Des pratiques ouvrières offensives

En 2017, la pression policière sur les manifestations a été moins violente qu’en 2016. Mais la répression contre les actions syndicales qui débordent du ca­dre reste forte. L’organisation de la solidarité avec les victimes est une chose, mais il y a un enjeu à maintenir des pratiques ouvrières offensives là où les directions syndicales sont tentées par la prudence.

2. Utiliser les outils existants

Défendre les outils syndicaux existants, en tant que moyens de résistance de la classe ouvrière, est nécessaire d’un point de vue pratique, pour limiter la casse sociale, voire gagner sur des revendications. Ça l’est aussi dans le cadre de la guerre sociale qui est menée  : la classe ouvrière doit garder ses capacités d’auto-organisation. Cela ne dispense pas d’une critique du fonctionnement de ces outils. Certes la création du CSE qui fait disparaître DP, CE et CHSCT est une défaite de notre camp mais, objectivement, combien de militantes et de militants passent un temps invraisemblable dans des réu­nions sans intérêt, au sens où elles ne permettent pas de construire la moindre action collective  ?

3. Redonner confiance dans l’action collective

Il est nécessaire de construire des collectifs syndicaux de base partout où c’est possible. Cela renvoie aux débats sur le travail syndical interprofessionnel (pour permettre ces implantations dans de nombreux cas)  ; aux ­pratiques autogestionnaires et démocratiques dans le quotidien (pour contribuer à leur appropriation par la masse des travailleurs et des travailleuses)  ; à la prise en charge des revendications immédiates et aux combats à mener pour les satisfaire (pour redonner confiance dans l’action collective)  ; aux priorités à donner à la formation et à l’information syndicales dont les contenus et les formes doivent être sans cesse repensés afin de correspondre aux besoins (pour favoriser le renouvellement et le renforcement militants, en s’appuyant sur les forces déjà disponibles).

4. Oser en parler avec les syndiqué.es

Il faut réussir à impulser dans les collectifs militants des débats associant le maximum de syndiqué.es sur l’avenir de l’outil commun de classe qu’est le syndicalisme : unité, unification, prise en compte et autonomie des mouvements sociaux, affirmation du rôle politique du syndicalisme, etc. De même, il nous faut mettre en avant et débattre des alternatives qui peuvent se construire face à l’organisation capitaliste du travail. Tout ceci, en prenant soin de partir de situations concrètes, afin de ne pas en faire des discussions entre spécialistes.

5. ne pas se satisfaire de l’action minoritaire

Il faut rester disponibles à toute initiative, sans pour autant considérer que tout ce qui s’agite est positif. Organiser des actions minoritaires n’est évidemment pas interdit ; mais cela peu de­venir contre-productif lorsque ­l’entre-soi militant devient l’alpha et l’oméga et/ou qu’une radicalité mythifiée remplace la construction de vrais rapports de forces favorables à notre classe sociale, capables d’entraîner vers une transformation radicale de la société, une révolution. De même, l’objectif de la grève générale reconductible (inter)na­tionale demeure et nous y travaillons ; mais en faire la seule action valable est clairement contre-productif si cela doit entraîner un échec et du découragement.

6. Une organisation pour le communisme libertaire

Afficher clairement la nécessité de construire une organisation révolutionnaire parmi les travailleurs et les travailleuses, avec pour boussole politique le renversement de la société capitaliste par la grève générale, et l’autogestion de la production.
Loin de vouloir sauver le syndicalisme à tout prix, il s’agit d’œuvrer, dans la phase historique actuelle, au maintien des capacités d’organisation collective des travailleurs et des travailleuses, dans une perspective révolutionnaire affirmée à travers les priorités concrètes que nous nous donnons.

Coordination fédérale d’AL, janvier 2018 (extrait)


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