Taxe Zucman : Le séparatisme des bourgeois au grand jour

1 800 riches patrons qui siphonnent des milliards de subventions publiques et pratiquent l’évasion fiscale, alors que leurs partisans refusent le moindre débat autour de l’alignement de leurs impôts sur le même niveau que le reste de la population. En somme un séparatisme de nantis.
Deux événements ont marqué une même date cet été, le 8 juillet : d’un côté la loi Duplomb est promue pour répondre aux exigences de profit de l’agro-industrie au dépend de la vie et d’une agriculture durable, de l’autre un rapport sénatorial est publié pour faire la lumière sur le coût des aides publiques au patronat – l’estimation basse est de 210 milliards d’euros par an de subventions publiques aux entreprises et leurs actionnaires !
Deux événements différents de prime abord, mais dans les deux cas c’est la loi du profit, suprême vertu capitaliste, qui se trouve mise sous les projecteurs de la manière la plus crue. Quelques jours plus tard, le 15 juillet, François Bayrou, alors encore Premier ministre, présente son plan d’austérité budgétaire pour l’année 2026.
La coupe est pleine
Ce plan exige 44 milliards d’euros de saignée à vif dans les finances publiques. Les velléités austéritaires du pouvoir français n’étaient un secret pour personne, mais le degré de violence contre la majorité de la population, celle qui n’a que sa force de travail pour vivre, est extrême. L’arrogance du pouvoir va même jusqu’à l’insulte et le mépris en déclarant que les travailleuses et travailleurs ne triment pas assez, pour justifier de supprimer deux
jours fériés.
En parallèle, la pétition pour l’abrogation de la loi Duplomb bat les records, avec plus de deux millions de signatures en quel que jours sur le site du sénat, « du jamais vu ». Une telle initiative a pu favoriser l’impulsion d’une autre : les appels pour tout bloquer le 10 septembre.
Si l’Union syndicale Solidaires ou des syndicats CGT ont appelé au 10 septembre, les appels de l’intersyndicale n’ont mentionné que le 18 septembre puis le 2 octobre.
Un des fait marquants depuis cet été, malgré les limites des différentes initiatives, c’est qu’elles ont fini par donner une résonance à une idée de base en matière de justice : que la bourgeoisie mette la main à la poche ! Certes, cela n’est pas la fin du capitalisme, mais avec la « taxe Zucman », le débat public a tourné pendant plusieurs semaines sous un angle revendicatif pointant directement les capitalistes.
La taxe Zucman ou le moment PS ?
Disons-le ouvertement, le patronat, ses alliés au pouvoir, l’extrême droite et ses relais, ont haï cette séquence. Mais le patronat ne s’y est pas trompé : c’est bien dans le cadre du rapport de force inhérent à la lutte de classe qu’il a réagi, notamment avec l’annonce de son grand meeting (finalement ajourné en raison de la mascarade de la démission de Lecornu). Le pouvoir, avec ses composantes macronistes et Républicains, tape sur les tambours de la menace rouge qui menace de faire s’écrouler l’économie du pays. L’extrême droite allume des contrefeux, dont celui lancé par la sphère médiatique fascisante de Bolloré qui agite une pétition réactionnaire, sur « le rejet de l’immigration » ayant « recueillie » plus de 1 million de signatures... avec notamment des robots et des adresses mails non vérifiées. Le fort écho au sein de la société de cette notion de « taxer les riches » ne peut être balayé d’un revers de la main par les révolutionnaires.
Et ce même si, avec la taxe Zucman et la supposée suspension de la réforme des retraites, le Parti socialiste trouve une tribune inespérée regonflant ses prétentions électorales... et son « rapport de force » dans les tractations pour une non-censure du nouveau gouvernement.
Rappelons qu’une taxation laisse l’État comme arbitre de son utilisation. Avec le pouvoir actuel ou celui d’extrême droite, rien n’empêchera, même si une telle mesure est appliquée, que les sommes prélevées soient reversées aux subventions aux entreprises, aux marchands de canon ou autres capitalistes.
La démocratie bourgeoise, un champ de ruine
Que dit ce décor ? Il s’agit de taxer moins de 0,003 % de la population, la plus riche, et de seulement l’aligner sur le même niveau d’impôt que le reste de la population.
Pour les capitalistes, c’est déjà trop ! Qu’on évoque l’idée est déjà une remise en cause de l’hégémonie idéologique qu’ils imposent ; quant à l’appliquer ce serait pire ! C’est bien la preuve que cette hégémonie capitaliste peut se fissurer et laisser apparaître des brèches. La bourgeoisie ne veut plus s’encombrer de la démocratie représentative pour asseoir sa domination.
L’extrême droite est ouvertement plébiscitée par ces capitalistes afin de garder leurs privilèges et les élargir en détruisant les faibles contrepouvoirs qui restent encore en place.
Le blocage institutionnel actuel pourrait offrir à l’extrême droite un accès au pouvoir sur un plateau en or. Cependant, le cirque parlementaire dessiné par le pouvoir montre en contraste la centralité des luttes. Si même Elisabeth Borne parle de manière intéressée de suspension de la retraite à 64 ans, c’est que la pression sociale dans l’opinion se maintient pour retirer une telle injustice.
Quelles ripostes de notre camp ?
Beaucoup ont imaginé la date du 10 septembre comme un nouveau souffle aux Gilets jaunes ; la réalité est autre. Les AG préparant le mouvement indiquaient une dynamique peu semblable. Malgré cela, nous ne pouvons que regretter que l’intersyndicale ait appelé à une autre date. Pourtant l’équation parait claire : les appels
de l’intersyndicale ne suffisent pas, les appels en dehors de l’intersyndicale non plus. Comment installer un rapport de force face aux capitalistes ?
Se cacher derrière la trahison « des bureaucraties syndicales » pour jouer les radicalités n’apporte aucune réponse, si ce n’est de l’autosatisfaction. Quelle portée mobilisatrice ce discours amène-t-il ? N’y a-t-il pas, avant tout, un problème de mobilisation à la base, sur le terrain, dans les entreprises et services ? Un souci lié aux déserts syndicaux ? Une difficulté à organiser des réunions de salariées, qu’on les appelle AG ou pas ?
C’est l’auto-organisation des travailleuses et travailleurs qui est au centre de l’analyse et des enjeux d’action de notre classe.
Concrètement, il ne sert à rien de constater l’absence d’AG et de leur désertion par le plus grand nombre, si ce n’est pas pour chercher, tous les jours, inlassablement, les possibilités de les préparer. Il faut maintenir la raison d’être de l’engagement syndical, associatif et politique partout, et c’est un travail quotidien. Les obstacles ne manquent pas, mais il en va de la possibilité de nous doter d’outils face à l’exploitation et la misère qu’elle charrie.
On peut croire qu’un spontanéisme venu d’on ne sait où va faire le travail ; mais il est incontestablement plus sûr, même si c’est aussi plus difficile, de préparer, de créer les conditions de l’auto-organisation de notre classe sociale, en pratiquant aussi une contre-offensive plurielle des idées de rupture avec le capitalisme.
UCL Nantes





