Toulouse : Des sans-abri qui mènent une vie de château




À Toulouse, depuis le 20 février, des sans-abri, des travailleurs sociaux, ainsi que des militants associatifs et politiques s’organisent autour de mots d’ordre sur le logement et par la réquisition de logements vides.

La lutte a été initiée au moment où le plan « Grand froid » a été levé, signifiant la fin des hébergements d’urgence. Les travailleuses et les travailleurs sociaux du 115 se sont alors mis en grève pour dénoncer l’absence de place dans les foyers de nuit toulousains et alors que chaque soir 170 demandes n’étaient pas prises en compte. Dans le même temps, les sans-abri se sont retrouvés le soir et ont collectivement décidé d’occuper un restaurant social pour répondre à l’urgence d’un abri pour la nuit.

[*Construire ensemble un autre futur*]

Depuis lors, une dizaine de bâtiments appartenant à la Mairie, à la Préfecture ou à l’État a été squattée, rapidement et sauvagement expulsée au début, mais un mouvement de soutien s’est vite organisé. Des associations comme le Dal ou des collectifs locaux comme le Crea (Collectif pour la réquisition, l’entraide et l’autogestion) et le GPS (Groupement pour la défense du travail social) ont permis la mobilisation d’un vaste réseau militant, et l’apport d’un soutien logistique important.

L’université du Mirail a elle aussi été occupée quelques jours et, depuis le 11 mars, c’est dans le château des Vitarelles, une ancienne maison de retraite, qu’une vingtaine de sans-abri a élu domicile. Désormais, ils et elles négocient avec la mairie un bail précaire de trois ans, c’est-à-dire la possibilité d’occuper le lieu gratuitement, sans loyer ni facture à payer. Mais il reste encore de nombreuses personnes à la rue, et la possibilité d’ouvrir un nouveau bâtiment est encore à l’ordre du jour.

Cette lutte répond en premier lieu à l’urgence de la situation et à la nécessité de se loger chaque soir, mais des mots d’ordre politiques en émergent également. Ils se partagent entre la revendication d’un meilleur engagement de l’État dans la création de structures d’hébergement d’urgence et la mise en avant d’actions de réquisition contre la propriété privée, afin que le plus grand nombre de personnes puissent se loger gratuitement. Le collectif Action de rue qui loge donc au château se définit lui-même comme suit : « Nous sommes des précaires en lutte qui avons décidé de nous organiser collectivement pour se réapproprier l’espace, le temps et le politique pour construire ensemble un autre futur. »

[*Auto-organisaton du mouvement*]

Pour finir, ce mouvement est intéressant aussi par sa structuration et son fonctionnement en assemblée générale. Même si l’on sent encore un clivage entre vieilles et vieux militants organisés, familiers de ce type d’action et les sans-abri. Pourtant, ces derniers restent réellement acteurs du mouvement, et sont de plus en plus à l’initiative. Un exemple amusant illustre d’ailleurs bien l’auto-organisation : lorsqu’une salle de l’université était occupée, une assemblée générale principalement constituée d’étudiants qui ne participaient pas aux réquisitions a voté la fin de l’occupation sous la menace d’intervention policière, mais le soir, une réunion des occupants a décidé que ce n’était pas à des personnes ne participant pas à la lutte de décider pour eux, et que n’ayant nulle part où dormir le soir, ils et elles restaient une nuit de plus !

C’est donc un printemps prometteur qui s’annonce, preuve une fois encore que la solidarité et l’action collective demeurent nos meilleures armes !

Elsa (AL Toulouse)

 
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