Syndicalisme

Ukraine : Témoignage d’un syndicaliste en temps de guerre




Retour sur le témoignage que Yuri Samoilov, du Syndicat indépendant des mineurs, est venu apporter en France et ailleurs, sur la situation actuelle en Ukraine.

Dès le déclenchement de la guerre en Ukraine, des syndicats de plusieurs pays ont décidé que la priorité était le lien direct avec les travailleurs et travailleuses sur place. C’est ainsi que le Réseau syndical international de solidarité et de luttes [1] a organisé deux convois vers l’Ukraine, pour amener du soutien matériel et financier, et aussi pour rencontrer, écouter, discuter avec les camarades, connaître leurs besoins et tenter d’y répondre [2]. En novembre 2022, une syndicaliste étudiante de Lviv était en France. En février/mars 2023, une nouvelle étape a été franchie  : Yuri Samoilov a témoigné en direct, à Varsovie, Paris, Lyon, Madrid, Lisbonne, Padoue, Milan et Katowice.

Mineur à Kryvyi Rih, Yuri Samoilov anime le syndicat indépendant des mineurs et le secteur régional interprofessionnel de la Confédération des syndicats libres d’Ukraine (KVPU). Lors de la tournée européenne, il a participé à plusieurs réunions à Lyon, au meeting du comité français du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine [3], le 23 février à la Bourse du travail de Paris, à une rencontre plus restreinte dans les locaux de l’Union syndicale Solidaires. Que retenir du message de nos camarades d’Ukraine, transmis par Yuri  ?

Plus de 300 membres du syndicat des mineurs de Kryvyi Rih se sont engagés dans la Défense territoriale [4]  : « Les membres du syndicat nous appellent du front et nous disent ce dont ils ont besoin. Ils nous disent des choses précises. Nous savons que si nous ne les obtenons pas, tel soldat peut même mourir. » La guerre ne tue pas que sur le front  : « Des missiles russes tombent sur des villes et des lieux de travail. Les gens sont littéralement tués en travaillant. » À propos des besoins d’armes de la résistance populaire ukrainienne  : « Je sais quel est l’état d’esprit des membres de mon syndicat qui se battent. Ils disent que oui, nous recevons des armes, mais que nous en recevons encore trop peu. Pourquoi avons-nous dû nous retirer de Soledar  ? Parce que nos soldats n’avaient plus rien pour tirer. Ils nous donnent un char. Mais avec le char, nous devrions aussi avoir des unités de soutien. Et on n’a pas eu ça. Les membres de notre syndicat servent dans des unités d’artillerie automotrices. Les munitions leur sont livrées dans des véhicules civils ordinaires. »

Pendant la guerre, la lutte de classe continue  : « Notre syndicat compte 2 400 membres. Il y a environ 300 syndicalistes dans l’armée. Plus ou moins deux bataillons de gens qui tuent, qui savent tuer. Quand la guerre sera terminée et que ces gens reprendront le travail, chaque employeur devra se rappeler qu’ils peuvent tuer. » « Comment faire la grève  ? Les méthodes simples sont les meilleures. » « Lorsque les discussions avec le représentant de l’employeur commencent, elles ont lieu pratiquement devant tout le monde. » « Notre société est de plus en plus clairement, nettement divisée en une caste de privilégiés et une caste de travailleurs et travailleuses. »

Yuri nous a aussi parlé de la première grève qu’il a animée, en 1985  : la démocratie autogestionnaire de Solidarnosc était sa référence. Il a également expliqué les lois anti-ouvrières du gouvernement ukrainien et comment le patronat profite de la guerre pour imposer des reculs sociaux jusque-là repoussés par l’action syndicale. Difficile de résumer un message aussi politique que profondément humain, aussi combatif que lucide.

Christian (UCL Banlieue Sud-est)

[1Voir sur Laboursolidarity.org.

[2Lire à ce propos Ukraine. Solidarité syndicale en temps de guerre,
éditions Syllepse, 2022.

[3Ce réseau a organisé des manifestations, meetings, campagnes d’information, et publié une brochure.

[4Voir la vidéo d’Enguerran Carrier « L’arme à gauche  : des révolutionnaires dans la guerre » sur Youtube.com.

 
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