Syrie-Kurdistan

Un communiste libertaire dans l’IFB #11 : « De retour en France, d’autres formes de luttes »




« Avec les YPG-YPJ ainsi qu’avec les communistes de Turquie et des anarchistes de tous pays, j’ai pu connaître une autre manière de vivre la camaraderie, nécessairement différente de celle qu’on connaît en Europe. »


Alternative libertaire reproduit les billets du blog Kurdistan-Autogestion-Révolution où, après Arthur Aberlin, engagé au sein des YPG, s’exprime à présent Damien Keller, engagé lui dans le Bataillon international de libération (IFB).

Au fil des semaines, il témoignera de la vie au sein de l’IFB, des débats qui s’y mènent et de l’évolution du processus révolutionnaire dans la Fédération démocratique de Syrie du Nord.


Ceci est mon dernier billet sur ce blog. Je suis revenu en Europe depuis quelques jours, après plusieurs mois dans la Fédération démocratique de Syrie du Nord.

Avec les YPG-YPJ ainsi qu’avec les communistes de Turquie et des anarchistes de tous pays, j’ai pu connaître une autre manière de vivre la camaraderie, nécessairement différente de celle qu’on connaît en Europe.

C’est en partie dû au tekmil, cette réunion régulière héritée du maoïsme turc, et durant laquelle chacun et chacune est invité.e à s’autocritiquer, à critiquer (y compris les officières et officiers) et à faire des propositions pour améliorer le quotidien.

Mais c’est bien sûr surtout le contexte de conflit armé qui change tout : du jour au lendemain, une ou un camarade avec qui nous prenions le thé la veille peut se faire tuer par un bombardement de l’État turc ou par une mine de Daech.

Mais ici, selon l’adage, « les martyrs ne meurent pas »  Şehîd namirin »), et leur mémoire est partout. Des hommages publics leur sont rendus ; il existe des cimetières réservés aux şehîd (dans le canton d’Afrîn, les islamistes en ont détruit deux) ; leurs portraits sont affichés à de multiples endroits : dans les commerces, dans les rues, dans des maisons, sur des capots de bus et de voitures ; les institutions publiques (écoles, hôpitaux,…) portent souvent leurs noms. Même nos noms de guerre leur sont dédiés.

Enfin, les comités des familles de martyrs créent des espaces de mémoire, souvent de grandes salles aux murs couverts de leurs portraits.

Ces moments de commémoration sont des temps forts de cohésion politique et humaine, comme l’ont été, pendant des décennies, la « montée au mur des fédérés » pour la Commune de Paris de 1871, ou les grands meetings de l’Exil espagnol en mémoire des martyrs tombé.es face au franquisme, ou encore les marches irlandaises pour commémorer l’insurrection de Pâques 1916.

Prochainement débutera le procès des assassins de Clément Méric ; un jour, espérons-le, il y aura celui celui des assassins d’Adama Traoré. Les manifestations annuelles en leur mémoire sont le moyen de réclamer justice, de conserver leur mémoire, et de montrer que le combat continue.

Durant mon retour, je penserai à toutes et tous ces camarades, volontaires européens comme moi, mais surtout turcs, arabes, kurdes, yézidis, alévis, turkmènes, assyriens… à ceux et celles tués par l’État islamique, par des groupes de l’ASL à Afrîn, par les chars et les avions de l’État turc.

Rester volontaire

De retour en France, il est bien sûr exclu que mon engagement armé au Rojava influence mes pratiques militantes. La lutte armée n’a rien à voir avec le contexte politique, social et historique du pays, ni avec le niveau de conscience de classe et de révolte dans la population. C’était d’ailleurs déjà le cas dans les années 1980, du temps de la Fraction Armée Rouge et d’Action Directe…

Le combat pour la révolution au Rojava est très loin d’être terminé, on ne peut pas en prévoir l’issue. Ce conflit va durer encore pendant plusieurs années et les États impérialistes – États-Unis, Russie, France… – chercheront encore à instrumentaliser la gauche kurde pour servir leurs intérêts. Il est donc important qu’elle bénéfice d’autres soutiens politiques, notamment de celui du mouvement révolutionnaire. Il faut davantage de volontaires libertaires internationaux et internationales dans les rangs des YPG-YPJ. Et bien sûr, à l’étranger, il faut participer aux manifestations de solidarité avec la Fédération démocratique de Syrie du Nord ; réclamer justice pour le meurtre de Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez ; aider les projets féministes, écologiques et démocratiques à se mettre en place.

Vive la révolution !

Damien Keller, le 28 août 2018

 
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