syndicalisme

Une rentrée sociale sous fortes tensions




Après l’adoption des lois Macron et Rebsamen, les enjeux restent forts autour des salaires, du chômage et de l’austérité affectant les services publics. Si les luttes locales peinent à se fédérer, l’offensive gouvernementale contre le Code du travail et celle du Medef sur les retraites complémentaires sonnent comme deux rendez-vous d’ampleur nationale.

Les salariés reprennent le travail en cette rentrée dans un contexte nouveau après les validations par le Conseil constitutionnel des lois Macron et Rebsamen apportant « modernisation » l’une de l’économie, l’autre du dialogue social. Quelques exemples :
 La durée des accords de « maintien de l’emploi » qui permettent de baisser les salaires et/ou le temps de travail est prolongée de deux à cinq ans.
 Le principe du plafonnement et de la mise en place de barèmes pour les indemnités gagnées aux prud’hommes est acquis même si le Conseil a rejeté le critère de la taille de l’entreprise.
 Les obligations du plan social en cas de licenciements ne peuvent plus être évaluées en regard de la surface du groupe mais de la seule entreprise concernée.
 Le développement des autocars se fera nécessairement au détriment du rail. L’aberration écologique se double d’une mise en concurrence sociale des conducteurs de cars et de trains.
 L’élargissement du travail du dimanche et de nuit va aggraver les conditions de travail dans le commerce, et il faut s’attendre à ce que d’autres secteurs soient progressivement touchés.
 L’obligation de négocier des accords de branche sur l’intéressement et la participation vise à généraliser ce type d’outils aléatoires en lieu et place des bonnes vieilles augmentions de salaires.
 La menace d’emprisonnement d’un patron pour délit d’entrave à l’activité syndicale (par ailleurs jamais exécutée...) est largement retiré de la loi.
 Le seuil permettant le regroupement des instances représentatives (CE, DP, CHSCT) en une délégation unique (DUP) qui était limité aux entreprises jusqu’à 200 salariés passe à 300. Et devient possible au-delà de 300 par accord d’entreprise. Les décrets d’application viendront préciser les pertes en nombre d’élus et d’heures de délégation.
 Pour les très petites entreprises (TPE, moins de onze salariés) est mise en place une commission paritaire extérieure à l’entreprise dont on peut prévoir qu’elle n’aura aucune utilité pratique sauf à distraire les permanents syndicaux.
 L’indemnisation spécifique du chômage des intermittents du spectacle sera inscrite dans le Code du travail. Ce qui risque fort d’être l’occasion de nouvelles attaques contre ce statut.
 Les CDD restent renouvelables deux fois mais pour une durée étendue à dix-huit mois.
 Les négociations obligatoires dans les entreprises sont regroupées pour « noyer » celle sur les salaires. Connues sous le nom de NAO (négociations annuelles obligatoires) et portant sur divers sujets (emploi, égalité homme/femme, travailleurs handicapés...), les NAO sont devenues dans bien des entreprises le temps fort de la revendication salariale, un rendez-vous occasionnant une conflictualité fort regrettable... La loi prévoit d’ailleurs que par accord d’entreprise il sera possible de ne négocier que tous les trois ans !

Contre l’austérité

Si le premier trimestre 2015 avait été marqué par de nombreuses luttes sur les salaires (effet NAO), le second trimestre aura vu une multitude de conflits, souvent très localisés et systématiquement sous-médiatisés. Mis à part la mobilisation du commerce contre le travail du dimanche, le marqueur commun de ces conflits est la résistance dans les services publics aux conséquences de l’austérité budgétaire.

Il y a bien sûr la longue mobilisation à l’AP-HP contre le plan Hirsch, mais aussi une succession de luttes dans les bureaux de poste, dans les établissements scolaires, dans les transports urbains. Et beaucoup d’agitation dans les services publics municipaux touchés par les restructurations voire les fermetures : bibliothèques, centres socio-culturels, petite enfance, restauration scolaire, centres de santé, équipements sportifs...

L’AP-HP en colère
A Paris, le 11 juin 2015, contre le projet de Martin Hirsch sur les RTT. © Photothèque rouge/JMB

Ces mouvements qui touchent les services directement percutés par les arbitrages des conseils municipaux dont les budgets se sont effondrés peinent souvent à s’étendre à tout le personnel communal mais donnent lieu fréquemment à une jonction avec les habitants organisés en comité de soutien. Sur ce terrain hélas les occasions de combat n’auront pas disparu en septembre, bien au contraire.

Des rendez-vous connus

Le gouvernement et le Medef nous convoquent pour deux affrontements majeurs : le Code du travail et les retraites complémentaires. On attend pour la mi-septembre le rapport Combrexelle visant à « simplifier » le Code du travail.

Si nous étions naïfs nous pourrions nous réjouir de l’idée tant il est vrai que le Code s’est terriblement complexifié ces dernières années. Encore faut-il préciser que la cause principale de cet alourdissement provient de la volonté « d’assouplir » les règles et que c’est précisément l’empilement des « assouplissements » en particulier sur le temps de travail qui est venu alourdir le Code. Nous sommes d’accord pour supprimer du Code tout ce qui permet la flexibilité ou l’annualisation du temps de travail !

Hélas l’objectif est évidemment inverse : effacer les détails qui bornaient, parfois de façon obscure, les amplitudes de flexibilité pour permettre aux entreprises de négocier des accords sur mesure. Effacer les autorisations dérogatoires conditionnées pour que la notion même de dérogation disparaisse.

Un Code vidé de son sens laissant toute sa liberté à l’entreprise de négocier n’importe quoi : c’est la raison d’être de la CFDT qui enfle à mesure que le Code se dégonfle. On peut craindre qu’il ne soit pas facile de mobiliser sur un tel sujet car l’ampleur des enjeux sera masquée sous le jargon juridique. Le décryptage des reculs et l’explication au grand public sera donc une priorité.

L’autre grand rendez-vous est plus simple à dévoiler. Les régimes de retraites complémentaires (Agirc-Arrco) des salariés du privé sont en difficulté. Il suffirait bien sûr que les chômeurs retrouvent du travail et cotisent pleinement pour remplir les caisses. Ou bien que les patrons payent davantage... Mais c’est l’occasion pour le Medef d’avancer masqué sur l’âge de la retraite.

En effet, les retraites complémentaires peuvent représenter jusqu’à la moitié de la pension totale. La proposition patronale est donc que de 62 ans à 65 ans, la retraite complémentaire ne sera pas versée intégralement mais montera progressivement en charge. Ce qui ne laissera à la majorité des salariés que le choix de continuer à travailler jusqu’à 65 ans pour toucher leur retraite pleine.

Deux mobilisations programmées

Le 23 septembre, la CGT organise à Paris une journée contre la répression patronale et pour les libertés syndicales. Il faudrait que cette journée soit l’occasion d’une riposte unitaire contre les situations bien concrètes de répression ; il faudrait aussi qu’elle permette de lancer la campagne indispensable contre la réforme du Code du travail.

Le 8 octobre sera une nouvelle journée de mobilisation CGT, Solidaires, FSU. La participation de FO ne semble pas certaine à ce jour. Encore une journée fourre-tout qui ne prendra sens que si les syndicalistes combatifs et les militants révolutionnaires arrivent à en faire une vraie de journée de grève générale, une journée tremplin pour que l’ensemble des résistances fusionnent dans un soulèvement social sans lequel nous n’inverserons pas la tendance.

Jean-Yves (AL 93)

 
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